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Afrique

Liberia : Joseph Boakai contre George Weah, deux hommes que tout oppose

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Joseph Nyuma Boakai, le 5 août 2014 à la Maison Blanche, aux États-Unis.

Âge, carrière, alliances politiques... Le vice-président sortant et l’ancienne star du football n’ont pas grand chose en commun. Ce mardi 26 décembre, les Libériens devaient choisir lequel de ces deux hommes accèdera au palais présidentiel.

C’est un scrutin crucial pour ce petit pays pauvre d’Afrique de l’Ouest. Pour la première fois de son histoire, le Liberia doit assister à une passation de pouvoir pacifique. Ravagé par deux guerres civiles entre 1989 et 2003, ébranlé par l’épidémie d’Ebola de 2013 à 2015, il devait choisir le successeur d’Ellen Johnson Sirleaf ce mardi 26 décembre. Après douze ans passés à la tête du pays, la première femme chef d’État en Afrique ne se représentait pas.

L’élection s’est déroulée au lendemain de Noël, avec sept semaines de retard sur le calendrier initial à cause d’un recours déposé par Charles Brumskine, le candidat arrivé troisième du premier tour, et auquel Joseph Boakai, arrivé second, s’était associé. Le vice-président sortant, qui n’a cessé de dénoncer fraudes et irrégularités, a essayé jusqu’au dernier moment d’obtenir un nouveau report de l’élection. En vain. Sa dernière réclamation a été rejetée par la Cour suprême.

Avec 28,8% des suffrages au premier tour, il apparaît désormais distancé par son adversaire, George Weah, qui avait alors recueilli 38,4% des voix. Mais jusqu’aux dernières heures de la campagne, les deux candidats ont jeté toutes leurs forces dans la bataille. Entre « Mister George », 51 ans, l’ancienne star du ballon rond, et « Sleepy Joe », 73 ans, le politique expérimenté, les 2,1 millions d’électeurs devaient choisir entre deux hommes aux profils radicalement différents.

L’enfant des bidonvilles face au diplômé

Seule une chose est certaine : le prochain président libérien sera un « indigène ». Dans un pays encore marqué par la fracture entre les « natifs » et les Afro-Américains – les descendants d’esclaves affranchis, qui représentent environ 5 % de la population mais ont longtemps constitué l’élite politique et économique libérienne –, l’origine des deux candidats était un argument de campagne. Elle est toutefois l’un de leurs rares points en commun. Car le face-à-face entre George Weah et Joseph Boakai est aussi une bataille entre le gamin des bidonvilles et l’homme éduqué.

George Weah glisse son bulletin dans l'urne à Monrovia le 10 octobre. 

Souvent raillé pour sa mauvaise maîtrise de l’anglais, l’ancien attaquant de Monaco et du Paris Saint-Germain a souvent mis en avant ses origines modestes. Né dans un bidonville de Monrovia, la capitale, il n’a jamais fait d’études lorsqu’il était jeune. C’est sur des terrains vagues sablonneux qu’il s’entraînait avant d’être repéré et de devenir l’un des plus grands joueurs de football de sa génération. Seul Africain à avoir remporté le prestigieux Ballon d’or, il n’a cessé de rappeler sa trajectoire à ses supporters, assurant qu’il n’oubliait pas d’où il venait et espérant ainsi séduire, notamment, l’électorat des quartiers pauvres.

Originaire du comté de Lofa, au nord-ouest du pays, Joseph Boakai vient, lui aussi, d’une famille modeste – ses deux parents étaient illettrés – mais il a effectué une scolarité exemplaire. Il est ainsi parvenu à accéder à l’Université du Liberia, où il a obtenu un diplôme en gestion des entreprises.

Le novice face à l’homme d’expérience

C’est la troisième fois que George Weah se lance dans la course à la présidentielle. Raillé pour son manque de connaissance du monde politique, l’ex-footballeur a tenté de faire taire les critiques après ses premiers échecs. En 2007, il suit ainsi des cours pour obtenir un diplôme du secondaire aux États-Unis. Puis, en 2014, il parvient à être élu sénateur du Comté de Montserrado. Même s’il siège peu, il acquiert ainsi une plus forte légitimité.

Car ce duel est aussi un choc des générations. Face au sportif de 51 ans, Joseph Boakai affiche un curriculum vitae prestigieux. À 73 ans, il a mené sa carrière tant dans la sphère publique que privée. En 1983, il est ainsi appelé par le président Samuel Doe et devient ministre de l’Agriculture. Il sera ensuite directeur executif de l’entreprise de raffinerie du pétrole libérien (LPRC), puis consultant pour la Banque mondiale. En 2005, il est le co-listier d’Ellen Johnson Sirleaf et est ainsi élu vice-président du pays. Après onze ans à ce poste, il a été critiqué pour sa discrétion pendant la campagne. Car son âge n’est pas seulement un gage d’expérience : l’homme a été surnommé « Sleepy Joe » par ses détracteurs, à cause de sa tendance à s’assoupir lors des cérémonies auxquelles il assiste.

L’opposant face au vice-président

Rassurant, notamment pour les milieux économiques, le vice-président sortant semble incarner la continuité. Pendant sa campagne, il n’a pourtant cessé de se démarquer d’Ellen Johnson Sirleaf, notamment en promettant la fin de la corruption, l’un des principaux fléaux auxquels le pays est confronté. Pour de nombreux Libériens, le bilan de la première femme chef d’État en Afrique est en effet médiocre.

Celle-ci n’a d’ailleurs cessé de jouer à un jeu trouble, ces dernières semaines. Elle n’a en réalité jamais soutenu le candidat de son parti, le Unity Party, laissant courir les rumeurs sur un appui à des opposants tels que Charles Brumskine, lors du premier tour, et George Weah au second tour.

Le candidat aux alliances sulfureuses face à l’homme intègre

Joseph Boakai a travaillé son image d’homme intègre face aux alliances polémiques nouées par son adversaire. George Weah a en effet choisi pour co-listière Jewel Howard Taylor, l’ancienne femme de Charles Taylor, condamné à 50 ans pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité.

Il n’a également pas hésité à téléphoner à l’ancien président. « Charles Taylor n’est pas mon ami, mais c’est un Libérien. Si on me passe le téléphone en me disant, « il faut lui dire bonjour », je ne peux pas dire non. Il a participé à la guerre, il est aujourd’hui en prison mais c’était le président », expliquait-il ainsi à Jeune Afriqueen mai dernier.

Suite au premier tour, il a reçu le soutien d’un autre seigneur de guerre : Prince Johnson. L’homme s’est fait connaître pour s’être fait filmer en sirotant une bière et en ordonnant à ses hommes de torturer le président Samuel Doe, en 1990. Ces sulfureuses accointances politiques de George Weah ont aussi un but électoraliste. En tête dans onze des quinze comtés du pays, suite au premier tour, « Mister George » pourrait en effet remporter le deuxième comté le plus peuplé du pays au second tour, celui de Nimba, d’où est originaire Prince Johnson (voir carte ci-dessous).



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