‘’La folie est de toujours se comporter de la même manièreet de s’attendre à un résultat différent’’. Albert EINSTEIN Au regard de ce qui passe depuis des années dans notre pays, on pourraitse demander si dans la définition de nos politiques économiques, nousn’agissons pas selon le modèle du ‘’fou’’ d’Albert Einstein, qui adopte le mêmecomportement mais s’attend à un résultat différent.
N’est-il pas illusoire de s’attendre à des résultats différents si nous persistons sur la même voie? Le Sénégal est un petit pays qui n’est pas doté de ressources naturelles considérables. Compte tenu de ces contraintes majeures, une définition claire des orientations stratégiques de notre pays devient une impérieuse nécessité.
Gouverner c’est rêver, les pieds sur terre
Certains pays dont la situation économique était à peine plus enviable que la
nôtre il n y a guère longtemps, ont connu un progrès considérable puisqu’ayant
opéré des ruptures en optant pour des choix économiques clairs. Les profondes
transformations opérées dans certaines nations au cours de l’histoire ont été
rendues possible grâce à des hommes qui avaient une vision et un grand rêve
pour leur peuple. Mao Tse Toung, Deng Xiao Ping, Gandhi, Nehru ont tous, par
la force de l’ambition et des rêves soulevé les montagnes du désespoir qui se
dressaient devant leur peuple.
Il est malheureux de constater qu’on ne puisse pas percevoir à travers les
actes posés par le gouvernement en place une démarche globale et cohérente,
permettant de montrer aux sénégalais sa vision et ses objectifs sur le plan
économique. Depuis, le début l’une des rares initiatives économiques à laquelle
on a eu droit, c’est la promesse de la réduction du coût de la vie. Toutefois,
c’est avec impuissance qu’ils ont constaté que leur marge de manœuvre
était minime. C’est avec amusement que j’ai suivi une émission télévisée où
un ‘’économiste-penseur’’ de l’actuel régime en déclinant la démarche en trois
étapes du président Macky Sall, expliquait comment ils comptaient réduire le
prix de certaines denrées. Le problème est plus profond que ça et je pense
qu’on devrait arrêter de promettre aux sénégalais des choses qu’on ne pas leur
livrer. Notre pays est soumis au même titre que tous les pays à une flambée
des prix sur le plan international. D’où la nécessité de mettre en place des outils
modernes de gestion économique et une stratégie efficace de réduction de notre
dépendance à tous les niveaux par rapport à l’extérieur. Pour y arriver, je pense
que le Sénégal compte de brillants économistes qui devraient commencer à
prendre leurs responsabilités en utilisant les différentes tribunes qui leur sont
offertes pour donner leur opinion sur la gestion du pays.
L’inde et la Chine ont bénéficié considérablement des apports de leurs
intellectuels, quelle que soit leur zone de résidence. À l’image des pays
susmentionnés, le Sénégal gagnerait beaucoup à exploiter l’expertise locale et
de sa diaspora.
Les maux auxquels nous faisons face sont énormes, mais en ce qui me
concerne, je voudrais partager avec vous quelques réflexions sur un aspect
dont on a du mal encore à saisir l’importance : l’impact qu’un marché financier
performant peut avoir sur notre économie. Ma démarche dans lignes suivant
sera factuelle. Je mettrai donc l’accent sur deux acteurs principaux du système
financier (les banques et les marchés financiers) en utilisant quelques exemples
précis pour étayer mon propos.
Les marchés financiers, le maillon faible de notre économie
Indéniablement, les marchés financiers ont joué un rôle considérable dans le
développement des sociétés modernes. Ils ont permis la transmission de la
richesse de façon inter- temporelle. Mais, l’étroitesse et la faible profondeur de
nos marchés financiers ne permettent pas à ces derniers de jouer pleinement
ce rôle. En effet, la gamme des produits et services financiers offerts est
très limitée et on note un déficit énorme en termes d’expertise dans le
domaine de la conception et la distribution de produits. Cette situation réduit
considérablement, la possibilité de bénéficier de l’effet levier qu’offrent les
marchés ou la mise en place de certaines stratégies de couverture de risques.
A titre d’exemple, aujourd’hui, une transaction commerciale n’est plus un simple
échange de marchandises. Elle met en jeu un ensemble d’instruments financiers
complexes, aux fins de couverture ou de gestion de risque. Les entreprises
impliquées dans le commerce international utilisent de plus en plus des produits
financiers tels que les produits dérivés (contrats à terme, swap, options…), lors
de leurs transactions. Ces instruments peuvent être utilisés pour stabiliser le
cours des intrants ou pour minimiser considérablement les coûts de production.
Au Québec, des compagnies comme HYDRO-QUEBEC, Alcan, etc, ont de
grands départements de trésorerie et d’ingénierie financière, souvent aussi
importants que ceux des banques, pour gérer le risque financier associé à leurs
activités de production ou commerciales. Le Canada est un pays producteur de
pétrole, et je ne pense qu’il soit plus exposé que le Sénégal aux fluctuations
du cours de cet intrant. Pourtant, même la compagnie québécoise d’électricité
(Hydro-québec) utilise certaines techniques de la finance pour maîtriser ses
coûts de production. Le recours à ces techniques financières ne sera pas certes,
LA MESURE qui va régler le problème de l’électricité. Mais, cela permettra de
minimiser considérablement les coûts de production et de favoriser une gestion
optimale des ressources de la SENELEC.
La gestion de cette entreprise stratégique de notre économie soulève des
problématiques (vulnérabilité par rapport à la volatilité du cours du pétrole et le
développement de sources d’énergies alternatives) qui peuvent faire l’objet d’un
livre. Mais, tous les spécialistes qui travaillent dans les grandes compagnies
d’électricité savent que le modèle de gestion de la production d’électricité telle
qu’elle est pratiquée au Sénégal est archaïque. Dans ces conditions, ce n’est
pas surprenant, que les différents gouvernements éprouvent des difficultés à
régler ce problème récurrent.
Même, les pays développés ne réinventent pas la roue. Ils adoptent une
démarche très connue de nos jours: le benchmarking, qui consiste en gros
à voir ce qui se fait de mieux ailleurs, en termes de bonnes pratiques et de
l’adapter à ses réalités. Je ne doute pas de la volonté de l’actuel président
de régler le problème de l’électricité, mais les options choisies actuellement
risqueront d’engloutir des milliards pour atteindre les objectifs ciblés, ce qui
contraste avec le concept d’efficience qui est le maître mot du premier ministre.
Le secteur bancaire : au delà du profit, une fonction économique et sociale
En plus des marchés financiers, La firme bancaire peut avoir une externalité
positive considérable sur le reste de l’économie. Elle est un acteur clé du
financement de l’économie. En effet, les banques fournissent les ressources
nécessaires au financement des projets productifs, qui est une des pré-
conditions à la création d’emplois. Elle peut favoriser également une allocation
efficace du capital et un partage (dissémination) du risque à travers une
sélection des projets les plus rentables et la mise à la disposition de la clientèle
de produits financiers innovants répondant à leurs besoins. En dépit, d’une
idée très répandue, alimentée par le développement fulgurant des marchés
financiers, le financement bancaire constitue la source de financement la
plus utilisée, même dans les pays développés. Mais, les difficultés d’accès au
crédit évoquées par les entreprises et les particuliers, qui contrastent avec la
surliquidité des banques, est une preuve de la défaillance du système bancaire
dans le financement de l’économie. Les raisons sont multiples (manque de
collatéral, asymétrie d’information, droits de propriété mal définis, faible qualité
de l’information financière, etc.) Toutefois, le problème le plus handicapant
est le manque de proactivité des banques sénégalaises. Je ne minimise pas
les problèmes intrinsèques réels qui rendent difficile l’accès des entreprises et
des particuliers au crédit. Ne nous nous leurrons pas, les banques gèrent des
ressources mises à leur disposition par les déposants, sous la promesse d’un
rendement futur. Les prêts qu’elles accordent constituent un des moyens de
respecter leurs engagements. À travers cette activité, elles font face à un risque
de crédit qu’elles doivent identifier et bien gérer pour ne pas compromettre leur
existence. De ce point de vue, elles ne sont pas des œuvres de bienfaisance.
Mais au regard de l’offre de produits et services financiers, nous constatons que
les banques sénégalaises sont très concentrées. Les produits et services offerts
sont très peu diversifiés, pratiquement les mêmes depuis des années; ce qui
explique le caractère prohibitif des services bancaires. Une analyse des marges
bancaires par produit montre qu’elles sont concentrées sur un nombre limité de
produits, ce qui rend la facture élevée pour les usagers.
Nos banques ont également une attitude rentière. La réorientation des dépôts
oisifs (surliquidité) vers le marché de la dette publique au détriment des
entreprises et des particuliers en est une preuve éloquente. Il n y a rien de mal à
faire d’énormes profits c’est l’une des raisons d’être de la banque, mais je pense
que l’institution bancaire doit avoir aussi une mission économique et sociale
qui consiste à accroître la richesse de la collectivité. Même si des efforts sont
notés depuis quelques temps en termes d’élargissement du bassin de clientèle
et de développement de nouveaux produits, un chemin considérable reste à
parcourir. À mon avis, l’initiative devrait venir des banques. Elles gagneraient
beaucoup en adoptant une approche plus proactive et plus innovante en
anticipant les besoins des clients et stimulant la consommation de produits et
services financiers. Malheureusement, la faiblesse des marchés financiers ouest
africains et l’absence de structures alternatives ne remettent pas en cause ce
rôle hégémonique des banques en termes de fourniture de produits et services
financiers.
Si les avantages (allocation optimale, bonne gouvernance économique,
discipline de marché…) d’un système financier efficace sur l’économie font
quasiment l’unanimité au sein des économistes, le choix du type de système
l’est moins. Deux grandes théories coexistent : une première théorie qui
met l’accent sur un système fondé sur le marché et une autre théorie qui met
l’accent sur le financement bancaire. Dans la littérature économique, il ressort
clairement que le système fondé sur le marché favorise le « court-termisme ».
En effet, selon la liquidité du marché, les agents peuvent facilement dénouer
leurs positions en temps ; ce qui ne favorise pas les engagements à long terme.
En revanche, le système fondé sur le financement bancaire assure en général
une sélection efficace des projets et la possibilité de relations durables ; ce qui
favorise le partenariat à long terme. Cette caractéristique peut avoir une grande
importance, notamment lorsqu’il s’agit de financer des projets d’investissement
qui nécessitent une longue période de grâce avant d’être rentables ou des
projets qui ont une grande composante de « recherches-développement ».
Dans ces conditions, le financement bancaire peut constituer un meilleur soutien
pour les stratégies industrielles à long et moyen terme.
Il convient cependant de préciser qu’il n y a pas de primat d’un système sur
un autre ; car les propriétés décrites ci-dessus sont obtenues sous certaines
conditions micro et macro-économiques particulières. Le meilleur choix
dépend donc intrinsèquement de la structure de l’économie, des objectifs de
développement, etc.
À travers cette modeste contribution, j’ai voulu montrer, en m’appuyant sur
des exemples, l’impact positif qu’un système financier performant pouvait avoir
sur notre économie. Loin de moi l’idée d’affirmer que l’approfondissement des
réformes de système financier (Ouest africain) initié depuis quelques temps
est une panacée ou bien qu’il est sans risques. Les différentes crises qui ont
jalonné l’histoire sont des exemples éloquents des dangers d’une libéralisation
financière excessive. Mais en analysant les résultats que la finance a produits
dans les économies occidentales, je suis convaincu que les gains sont de loin
supérieurs aux pertes pour la collectivité et qu’il est possible de mettre en place
un système qui allie stabilité financière et croissance économique.
Badara Diouf NIASSE
Économiste - Financier Montréal.
<367>[email protected]
5 Commentaires
Cloudcomputing
En Mars, 2013 (09:08 AM)La finance quelque soit le degre de sophistication peut aider a ameliorer la gestion de l'economie mais il faudra une contrepartie c'est a dire une economie reelle (la production avec une bonne maitrise de la technologie source de valeur ajoutee). Last but not least la formation doit etre en parfaite adequation avec les besoins dun outil de production performant.
Toulon
En Mars, 2013 (09:43 AM)Merci pour votre analyse si modeste mais tellement importante qui prouve une fois qu'il y a du chemin pour voir un semblant de développement pour le Sénégal. Cependant je souhaite compléter votre analyse sur la stratégie de développement qu il est important que dans chaque région du pays que les responsables régionnaux définissent clairement les potentialités en terme de ressources agricoles,naturelles, miniéres etccc et les besoins en terme d'investissement afin que les investisseurs privés ou publics puissent mettre leurs argents au service du développement régional. L 'investissement dans le secteur agricole et ses transformations industrielles, le secteur industriel avec l exploitation des ressources miniéres et autres, cet investissement régional permet à chaque région dans les cadre de la décentralisation d'etre autonome et attractive, de fixer sa population au lieu de la concentration à Dakar. Le développement du Sénégal passe par les régions qui doivent etre des moteurs de croissance,
Par ailleurs la diaspora sénégalaise contribue plus que l aide publique au développement au Sénégal et pourtant elle est noyée plus dans la consommation des ménages que dans l investissement et la création d'emploie , faute d'une véritable politique d'investissement régionale auprés des sénégalais de l 'extérieur.
Diaw
En Mars, 2013 (16:39 PM)L'économie du monde la plus financiarisée est celle de la Grande Bretagne. Ce pays est en récession économique depuis 2007. Le remède que vous nous proposez ne marche pas ailleurs, pourquoi diable marcherait-il au Sénégal ?
Je suis d'accord avec le constat que vous faites sur le manque de lisibilité de la politique économique menée par l'actuelle gouvernement. C'est ce qui arrive quand on dirigés par des banquiers, qui ne comprennent rien à la macro-économie. L'efficience, ce mot devenu obsolète depuis la crise financière, est la seule ligne économique suivie par ceux qui dirigent ce pays. D'ailleurs ont-ils le choix ? Toutes les personnes qui réfléchissent à ces questions savent pertinemment que c' est le FMI et la Banque Mondiale qui définissent notre politique économique.
Adams
En Mars, 2013 (19:34 PM)Le travail a mener reste donc du cote des PME et de lo formel, les banques étant prêtes a financer les projets rentables pour faire encore plus de profit. Les Différentes contraintes ont été identifiées, des mesures annoncées mais les mises en oeuvre tardent comme d'habitude....
Adams
Emmanuel Cabo
En Mars, 2015 (11:41 AM)Participer à la Discussion