
Les 8 et le 9 janvier, les soldats de la Séléka basés à Bozoum, dans le nord-ouest de la Centrafrique, avaient incendié près de 1300 maisons. Depuis le lundi 13 janvier, tous les Séléka ont quitté la ville. Mais l’accalmie a été de courte durée.
Contributeurs
Aurelio Gazzera
"Les anti-balaka considèrent la Misca comme un ennemi"
Le père Aurélio Gazzera a organisé pendant plusieurs semaines des réunions de conciliation entre les anti-balaka et les Séléka de la région de Bozoum. Il craint que l’appel au calme qu’il a lancé, avec les autorités musulmanes de Bozoum, soit étouffé par ces dernières éruptions de violence.
C’est une situation qui était prévisible, car le départ des Séléka a laissé le champ libre aux anti-balaka. Jeudi matin, ils sont venus de la brousse en chantant et en tapant sur des casseroles, pour annoncer qu’ils allaient mettre la pagaille. Je les ai rencontrés à ce moment, ils m’ont dit qu’ils allaient "se régaler" et "se payer en pillages" comme les Séléka l’avaient fait [nos Observateurs ont documentés de nombreuses exactions de ce type de la part de la Séléka]. Malgré mes supplications, dans l’après-midi, ils ont pillé et saccagé au moins une trentaine de maisons appartenant à des musulmans qu’ils identifient comme des personnes qui ont collaboré avec la Séléka [la Misca affirme de son côté que deux musulmans ont été tués].
Jeudi, il y avait dix soldats camerounais de la Misca à Bozoum. Ils ont tenté d’empêcher les anti-balaka de s'en prendre aux boutiques et aux maisons des musulmans ; ils en ont désarmé certains. Ça a dégénéré au moment où les soldats ont confisqué les gris-gris que certains anti-balakas portaient. La Misca a dû tirer en l’air pour les disperser mais les miliciens ont répliqué en tirant sur les soldats camerounais. Il n’y a pas eu de blessé, mais le risque est que les anti-balaka considèrent dorénavant la Misca comme un ennemi.
Des boutiques de musulmans saccagées par les anti-balaka à Bozoum.
"J’ai du prendre de l’argent dans la caisse de ma Mission pour acheter à manger aux soldats de la Misca"
Même si ce matin, 12 nouveaux soldats sont arrivés pour renforcer
les troupes de la Misca, son effectif est très insuffisant à Bozoum. Ils
sont maintenant 22. Mais les dix soldats qui étaient déjà là sont
épuisés physiquement et moralement et il n’est pas prévu de les
remplacer. Ils n’avaient que deux jours de stock de nourriture, j’ai dû
moi-même prendre de l’argent dans la caisse de ma mission pour qu’ils
puissent acheter à manger. Il y a un besoin urgent de renforcer les
effectifs militaires ici.
Le commandement camerounais de la Misca basé à Paoua à 120
kilomètres, est la garnison la plus proche de Bozoum. Contacté par
France 24, le capitaine de cette base, Bonoho Ambassa, explique avoir eu
une demande de l’ambassade tchadienne pour protéger ses ressortissants
mais qu’il est "hors de question d’être étiqueté comme défenseur d’un
camp ou de l’autre". Il reconnaît que ses éléments ont confisqué des
gris-gris aux anti-balaka, geste qui aurait mis de l’huile sur le feu.
Il ajoute toutefois que ses hommes ont eu affaire à des "individus
drogués irresponsables" et confirme que "si les anti-balaka s’en
prennent de nouveau à ses hommes, il n’hésitera pas à donner l’ordre de
tirer".
Le miliaire reconnaît avoir un besoin de renfort "surtout
logistique" et pointe du doigt l’absence de carburant, de véhicules et
de vivres pour permettre à ses hommes de renforcer ses troupes à Bozoum.
Il explique avoir demandé des soldats supplémentaires à Bangui mais ne
donne pas de date pour l’arrivée de ces renforts.

Réunion avec des anti-balaka à 20 kilomètres de Bozoum, pour appeler au calme.
Ce billet a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste pour Les Observateurs de FRANCE 24.
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