Les grévistes de la mine de platine de Marikana
(nord) ont arraché entre 11 et 22% d'augmentation dans un accord signé
tard mardi soir, qui met fin à près de six semaines d'une grève
sanglante qui a fait trembler l'Afrique du Sud lorsque la police a tué
34 mineurs le 16 août.
Les mineurs du site exploité par le groupe britannique Lonmin devraient
reprendre le travail jeudi. "Les travailleurs sont très contents de cet
accord, et nous pensons que ce qui c'est passé ici est une vraie
victoire pour les travailleurs, et ils vont reprendre le travail jeudi
matin", a indiqué à la presse l'évêque anglican Jo Seoka, le principal
médiateur religieux, mardi en fin d'après-midi.
Il a fallu
encore plusieurs heures de négociation pour que toutes les parties
acceptent d'apposer leur paraphe sur le document de trois pages
contenant des augmentations pour les 24.000 salariés non membres de
l'encadrement. 22% pour les foreurs, 15% pour les mineurs de base, 11%
pour les autres, selon l'accord.
Lonmin compte 28.000 salariés
sur le site. Le groupe s'est défendu de créer un précédent gênant,
justifiant "des mesures extraordinaires prises en réponse à une
situation extraordinaire". Il était confiant que les salariés reprennent
leur travail jeudi, ce qui leur donnera droit à uUne prime unique de
2.000 rands (190 euros). "Nous sommes très contents d'annoncer la
conclusion de cette difficile négociation", a déclaré aux médias Abey
Kgotle, directeur exécutif pour les affaires générales, après une séance
de signature devant les caméras, conclue par des négociateurs,
apparemment émus et fatigués, se serrant la main, avant de prier
ensemble.
Les déclarations après la signature ont montré combien
le conflit laissera de traces: sur l'entreprise, sur le statut contesté
de la puissante fédération minière du syndicat NUM et, plus largement,
sur l'Afrique du Sud.
Afzul Soobedaar, médiateur de la
commission d'arbitrage des conflits du travail, a espéré que l'accord
"puisse restaurer les possibles dégâts" de cette grève sur l'image du
pays à l'étranger. En fin d'après-midi, les mineurs réunis dans un stade
avaient explosé de joie à l'annonce de l'accord. Ils avaient entamé des
danses, avec des parapluies au lieu des bâtons habituels, la police
ayant confisqué toutes les armes traditionnelles samedi.
Un
jeune homme a écrit sur sa main "mission accomplie" à l'attention des
caméras de télévision, alors que Mgr Seoka annonçait l'accord. Mais tous
ne sont pas ravis: Honesty, 26 ans, fait partie des gens qui ont été
arrêtés après la fusillade du 16 août, et a passé deux semaines en
prison. Il affirme qu'il est décidé à retourner au travail jeudi, mais
est amer. "Je ne me sens pas bien, parce qu'il y a pas assez d'argent et
parce que le 16 (août) la police et la direction nous ont tués parce
que nous voulions de l'argent. Je ne vais pas faire la fête (...) parce
que nous n'avons pas obtenu 12.500" rands (1.170 euros) nets, la
revendication sur laquelle les grévistes restaient arc-boutés depuis des
semaines.
Les foreurs, qui avaient débuté le mouvement le 10
août, obtiendront finalement un peu plus de 11.000 rands (1.035 euros)
bruts. Inquiet des conséquences pour l'économie nationale, le
gouvernement avait mis la pression sur les négociateurs et mené de
massives opérations de maintien de l'ordre ce week-end, interdisant
notamment aux grévistes de se réunir.
Le conflit salarial de
Marikana avait débuté le 10 août par une grève sauvage de 3.000 foreurs.
Il a d'abord fait 10 morts dans des affrontements intersyndicaux, entre
le 10 et le 12 août. Le 16 août, la police a tiré sur des mineurs,
faisant 34 morts, plongeant l'Afrique du Sud en état de choc.
Ce
massacre a enflammé la "ceinture de platine" de la région de
Rustenburg, provoquant grèves et arrêts de production de plusieurs
géants du secteur, mais aussi dans des mines de chrome et dans une mine
d'or. Outre Marikana, la mine d'or de KDC West, exploitée par le groupe
Gold Fields au sud-ouest de Johannesburg, restait paralysée par une
grève mardi.
La plupart des autres mines ont rouvert ces
derniers jours, notamment les cinq sites du numéro un mondial du platine
Amplats, filiale du géant minier Anglo American, qui avaient été fermés
le 12 septembre.
La direction d'Amplats a menacé de licencier
le personnel qui ne se rendrait pas au travail mercredi, notant que de
"nombreux" mineurs n'avaient pas pointé mardi. Sa porte-parole Mpumi
Sithole n'était pas en mesure de donner de chiffre.
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