À quelques jours du deuxième anniversaire du Hirak, plusieurs militants du mouvement de contestation ont été condamnés par la justice algérienne, lundi, à des peines de prison ferme. Dans un contexte de crispation du régime, la peine la plus lourde a été infligée au jeune militant Brahim Laalami.
La justice algérienne a condamné, lundi 15 février, plusieurs militants du Hirak à des peines de prison ferme, à quelques jours du deuxième anniversaire de ce soulèvement populaire qui a entraîné la chute de l'ex-président, Abdelaziz Bouteflika.
La sentence la plus lourde a échu au jeune militant Chems Eddine Laalami, dit Brahim, qui s'est vu infliger deux ans de prison, assortis d'une amende de 200 000 dinars (1 250 euros), par le tribunal de Bordj Bou Arreridj, près d'Alger.
En détention provisoire depuis le 9 septembre 2020, ce dernier, âgé de 29 ans, devait répondre de six chefs d'accusation. Il a été acquitté pour trois d'entre eux mais condamné pour "offense au président de la République", "outrage à corps constitué" et "publication de fausses informations", a précisé à l'AFP Me Mounir Gharbi, avocat et membre du collectif de défense de l'accusé.
Le parquet avait requis quatre ans de prison ferme et une amende de 500 000 dinars.
Crispation du régime
Par ailleurs, une enseignante de l'université d'Annaba (nord-est du pays), Mouna Bouloudenine, une militante pro-Hirak, a été condamnée à un an de prison, dont six mois ferme. Le parquet avait requis deux ans de prison ferme à l'encontre de celle-ci, accusée de "publications pouvant porter atteinte à l'intérêt national".
En outre, deux autres hirakistes, Ali Naib et Nasreddine Younès, ont reçu des peines de six mois de prison, dont trois mois ferme, devant le tribunal de Tiaret (centre).
Placés sous contrôle judiciaire, ils étaient poursuivis, entre autres chefs d'accusation, de "financement étranger pour des actes ayant pour but d'atteinte à la sécurité de l'État", selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD).
Ces sentences sévères surviennent dans un climat de crispation du régime, confronté à une multicrise politique, sanitaire et socio-économique, à une semaine de l'anniversaire du Hirak, déclenché le 22 février 2019.
"Acharnement judiciaire"
Devenu une des figures du mouvement de contestation, Brahim Laalami, un tailleur de 29 ans, était sorti quelques jours auparavant à Bordj Bou Arreridj avec une grande pancarte dénonçant la candidature à un cinquième mandat de l'ancien homme fort, Abdelaziz Bouteflika.
Le Hirak avait éclaté quelques jours plus tard, forçant Abdelaziz Bouteflika à démissionner au mois d'avril suivant.
"Nous avons boycotté le procès car nous avons estimé qu'il n'y avait pas les garanties d'un procès équitable", a expliqué Me Gharbi. En effet, Brahim Laalami a refusé d'être jugé par visioconférence. Les procès à distance sont de plus en plus nombreux en Algérie depuis le début de la pandémie. Ils sont autorisés par le code pénal algérien.
Il avait été condamné en juillet à 18 mois de prison ferme pour, entre autres, "outrage à corps constitués" et "outrage à fonctionnaire". Le militant avait été à nouveau interpellé le 8 septembre, quelques jours après avoir été libéré à la suite d'une réduction de peine.
"Cette nouvelle condamnation confirme nos craintes", affirme Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l'Homme. "Brahim Laalami est victime d'un acharnement judiciaire".
"Droit à la liberté d'expression"
Amnesty International a condamné le jugement, soulignant que "personne ne devrait être condamné pour avoir exercé son droit à la liberté d'expression". Amnesty et la LADDH ont réclamé à nouveau la libération des détenus d'opinion en Algérie.
Une marche organisée pour "le départ du 'système' (au pouvoir), pour la libération des détenus et contre la répression des libertés" a regroupé plusieurs centaines de personnes lundi matin à Béjaïa, grande ville de Kabylie (nord-est), d'après la LADDH.
Plus de 70 personnes sont actuellement emprisonnées en Algérie en lien avec les protestations du Hirak et/ou les libertés individuelles, selon le CNLD. Des poursuites fondées dans au moins 90 % des cas sur des publications critiques envers les autorités sur les réseaux sociaux, d'après un bilan du CNLD.
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