La mort de huit soldats dans une embuscade près de la frontière algérienne a nourri lundi soir la colère de milliers de manifestants antigouvernementaux rassemblés à Tunis, dans un pays sous tension depuis la mort de l'opposant Mohamed Brahmi jeudi dernier.Le président Moncef Marzouki a qualifié l'embuscade d'attaque terroriste, décrété trois jours de deuil national et lancé un appel à l'union nationale."Dans tous les pays du monde, quand l'Etat est confronté à une attaque terroriste, la population s'unit.
Mais je ne vois rien de semblable se produire aujourd'hui en Tunisie. Tout ce que nous voyons, ce sont les divisions et le chaos", a dit le chef de l'Etat, issu du Congrès pour la République (centre gauche)."Nous sommes entrés dans une période de terrorisme. Nous allons traverser une période difficile mais nous la surmonterons. J'appelle tous les responsables politiques, en ce moment historique, à se dresser pour la nation et à s'unir.
"Les soldats ont été tués dans le djebel Chambi, massif montagneux qui culmine à 1.500 m, à 220 km au sud-ouest de Tunis, où les forces de sécurité traquent des combattants affiliés à Al Qaïda depuis décembre. Trois soldats ont également été blessés par le groupe d'assaillants.Plusieurs milliers de manifestants sont descendus dans les rues de Kasserine, près du site de l'embuscade meurtrière, en réclamant la démission du gouvernement, ont déclaré des habitants de la région.
À Tunis, plus de 10.000 personnes se sont rassemblées contre le gouvernement et le chef de file des islamistes d'Ennahda, Rached Ghannouchi."La Tunisie est libre, sans terrorisme, sans Ghannouchi", criaient les manifestants. "Depuis qu'ils sont au pouvoir, on assiste à une série de catastrophes. Dégagez, on vous hait", a déclaré une manifestante brandissant un drapeau tunisien. La télévision tunisienne a annulé ses programmes habituels et diffusé des versets du Coran et des chants patriotiques."Une fois que les soldats ont été abattus, ils ont été égorgés et on a déchiré leurs vêtements", a déclaré une source militaire. "Ensuite, trois soldats qui pourchassaient les assaillants ont été blessés par l'explosion d'une mine."
LARAYEDH REFUSE DE DÉMISSIONNER
L'assassinat, jeudi dernier à Tunis, de l'opposant laïque Mohamed Brahmi, cinq mois après celui d'un autre opposant, Chokri Belaïd, a de nouveau plongé le pays dans une crise aiguë entre partisans et adversaires du gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda.Le gouvernement accuse un salafiste radical, Boubacar Hakim, d'avoir assassiné les deux opposants mais ses adversaires le jugent responsable de ces meurtres, estimant qu'il n'agit pas assez contre les violences.
Dans la journée, le Premier ministre Ali Larayedh a rejeté un appel d'Ettakatol, l'un des trois partis au pouvoir, à la démission du gouvernement et à la constitution d'un cabinet d'union nationale. "En cas de rejet de cette suggestion par Ennahda, nous nous retirerions du gouvernement", a prévenu Lobni Djribi, un dirigeant du parti.L'opposition laïque, encouragée par l'intervention de l'armée égyptienne qui a déposé le 3 juillet le président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, rejette désormais tous les éventuels efforts de réconciliation du gouvernement.
Elle réclame aussi la dissolution de l'Assemblée constituante, dont, ces derniers jours, 70 des 217 membres se sont retirés pour observer un sit-in place du Bardo, devant le bâtiment où elle siège.Le président de l'Assemblée constituante, Moustafa Ben Jaafar, membre d'Ettakatol, dit qu'il faudra encore plusieurs semaines de travail avant de pouvoir soumettre à référendum une Constitution dont la rédaction a déjà subi des retards.
Les puissants syndicats tunisiens ont rencontré lundi des représentants des partis de l'opposition et devaient envisager la possibilité d'une nouvelle grève. Vendredi, la grève déclenchée par la grande centrale UGTT après l'assassinat de Mohamed Brahmi avait paralysé une bonne partie du pays.Eric Faye et Jean-Stéphane Brosse pour le service français
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