
Laurent Gbagbo a été solennellement investi président de la Côte d’Ivoire, ce samedi, le Conseil constitutionnel l'ayant finalement, vendredi après-midi, désigné vainqueur à l'issue du 2e tour du scrutin du 28 novembre. Une cérémonie est organisée à Abidjan, à 12h00 (GMT). Face à Laurent Gbagbo, Alassane Ouattara se présente comme le "président élu" de la Côte d'Ivoire, s'appuyant sur les résultats provisoires de la Commission électorale indépendante (CEI) qui le créditaient jeudi de 54,1% des suffrages. Un bras-de-fer qui laisse craindre une flambée des violences.
Risques d’embrasement
Nombre d’observateurs craignent, en effet, que l’investiture de Laurent Gbagbo ne provoque une flambée de violences dans le pays. Durant l’attente des résultats déjà, les Ivoiriens avaient montré des signes de grande nervosité. Dans la nuit de mercredi à jeudi, au moins huit personnes avaient été tuées par des hommes armés lors d'une attaque menée contre un bureau du parti d'Alassane Ouattara, à Yopougon, un quartier populaire d’Abidjan, la capitale économique du pays.
Dans la nuit de vendredi à samedi, alors même que la capitale était sous couvre-feu, des échanges de tirs ont été entendus par des riverains interrogés par l’AFP, à la lisière du quartier populaire d'Abobo et de la banlieue d'Anyama à Abidjan. Aucune précision n’est donnée pour l'heure sur l'origine de ces tirs.
Vers 4h ce matin, une patrouille de gendarmes et des inconnus en armes ont également échangé des tirs dans le quartier de Port-Bouët, qui abrite la base de la force militaire française Licorne et l'aéroport de la ville, indique l’AFP, citant une source militaire ainsi que des habitants.
Enfin, dans le quartier populaire de Koumassi, au sud de la ville, des centaines de jeunes pro-Ouattara ont érigé des barricades et mis le feu à des pneus ou des bouts de bois, dans une ambiance électrique. Les barricades érigées dans la matinée par des manifestants sur le boulevard Giscard d'Estaing, principale artère d'Abidjan reliant l'aéroport au centre administratif et des affaires du quartier du Plateau, ont été rapidement levées, a précisé une source militaire interrogée par l’AFP.
Des soutiens de taille
Les deux candidats ont reçu tour à tour des soutiens de poids. Depuis hier, le président sortant bénéficie de celui des généraux de l’armée qui lui ont prêté allégeance dont le chef d’état-major des armées, le général Philippe Mangou. Un peu plus tôt dans la journée, le président du Conseil constitutionnel, Paul Yao N’Dré, avait également annoncé la victoire du candidat de La Majorité présidentielle (LMP) avec 51,45 % des suffrages exprimés contre 48,55 % pour son rival, l’ancien Premier ministre Alassane Ouattara, candidat du Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP).
De fait, le Conseil constitutionnel a tranché en faveur du camp Gbagbo, qui réclamait l’annulation des suffrages dans sept départements du Nord (Bouaké, Korhogo, Ferkessedougou, Katiola, Boundiali, Dabakala et Seguéla), région contrôlée depuis 2002 par l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN).
De son côté, la Commission électorale indépendante (CEI) avait donné Alassane Ouattara vainqueur du scrutin jeudi après-midi. Les chiffres de la CEI le créditent de 54,1 % des voix, contre 45,9 % pour le candidat de La Majorité présidentielle (LMP), Laurent Gbagbo. Le candidat du RHDP a reçu le soutien des dirigeants des Forces Nouvelles, ainsi que du Premier ministre Guillaume Soro, ancien chef des rebelles nordistes désigné Premier ministre au lendemain de la signature des accords de Ouagadougou, en mars 2007.
La victoire de l’ancien Premier ministre est également appuyée par l’ONU, qui par la voix de son envoyé spécial en Côte d’Ivoire, Young-jin Choi, a déclaré vendredi soir : "Les résultats du second tour de l'élection présidentielle tels qu'annoncés le 2 décembre par la Commission électorale ne changent pas, ce qui confirme que le candidat Alassane Ouattara a remporté le scrutin." Or, comme le rappelle RFI, Youn-jin Choi peut se réclamer des prérogatives qui lui ont été accordées en 2005, pour certifier le vote du 28 novembre et annoncer le nom du vainqueur.
La communauté internationale se mobilise
Le chef de l’État français, Nicolas Sarkozy, a endossé la position de l’ONU, adressant "ses félicitations au Président élu, M. Alassane Ouattara". L’Union européenne a également reconnu la victoire du candidat du RHDP, tout comme les États-Unis par la voix du président Barack Obama.
De son côté, la Cour pénale internationale, qui siège à La Haye, a déclaré vendredi qu’elle continuerait à "observer attentivement la situation en Côte d’Ivoire". "Tous les actes de violence seront surveillés et minutieusement examinés de près par le Bureau en vue de déterminer si des crimes relevant de la compétence de la Cour sont commis et devraient justifier une enquête", a déclaré Fatou Bensouda, procureur adjoint de la CPI, dans un communiqué.
L'Union africaine (UA) a fait part, quant à elle, de sa profonde préoccupation et appelé les différentes parties à respecter la volonté du peuple. "Toute autre attitude risque de plonger la Côte d'Ivoire dans une crise aux conséquences incalculables pour le pays, ainsi que pour la région et l'ensemble du continent", s’alarme l’organisation continentale dans un communiqué.
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