
Alors que la tension monte en Côte d’Ivoire, le Libéria, pays voisin, craint que la guerre civile ne s’étende sur son propre territoire. Les mercenaires libériens se battent dans les deux camps impliqués dans le conflit.Les villes ivoiriennes de Blolequin, Toulepléu et Doké sont toutes tombées, ces dernières semaines, entre les mains des Forces nouvelles, l’armée de facto d’Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale.
Elles se situent, toutes les trois, à un jet de pierre de la frontière libérienne. En réaction, la Mission des Nations unies au Libéria (MINUL), qui compte 8.000 hommes, a intensifié ses patrouilles. "Nous avons redoublé nos efforts le long de la frontière", déclare la porte-parole de la MINUL Yasmina Bouziane, en poste à Monrovia. "Nous avons des patrouilles à pied et en véhicule, et ce en étroite collaboration avec les autorités libériennes. Tout le monde est extrêmement préoccupé par la situation". Mais autant qu’elle sache, le pire scénario n’est pas encore arrivé, à savoir l’incursion de rebelles ivoiriens en territoire libérien.
Traumatisés
De même, Fatoumata Le jeune-Kaba, porte-parole de l'agence des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Genève, fait savoir qu’à sa connaissance il n’y a eu au Liberia aucune incursion de troupes en provenance de la Côte d’Ivoire. "On nous a rapporté que quelques personnes ont franchi la frontière vers le Libéria et qu’elles ont disparu après avoir à nouveau traversé la frontière, mais nous ne savons rien d’autre. Je dois ajouter, cependant, que le gouvernement libérien veut mettre tout en œuvre pour empêcher que la guerre ne se propage." Elle rejette par ailleurs les rumeurs selon lesquelles un camp de réfugiés au Libéria aurait été la cible de rebelles ivoiriens.Les combats en Côte d’Ivoire ont amené près de 100.000 Ivoiriens à se réfugier au Libéria. La plupart d’entre eux se trouvent dans le comté de Nimba, là même où l’ex-président Charles Taylor (qui comparaît actuellement devant le Tribunal spécial pour la Sierra Leone aux Pays-Bas pour crimes commis dans ce dernier pays) a lancé sa violente tentative de parvenir au pouvoir, il y a maintenant plus de 21 ans. "Les Libériens sont encore traumatisés par cette guerre, poursuit Fatoumata Lejeune-Kaba. Ils ont eu huit années de paix ininterrompue – et ils veulent que ça reste comme ça." A l’exception de quelques milliers d’anciens combattants.
Ex-combattants
Depuis la fin de la guerre civile au Libéria en 2003, ces anciens combattants ont cherché de nouvelles occasions. Selon des estimations des Nations unies, il y a jusqu’à 2.000 mercenaires libériens qui se battent dans les deux camps impliqués dans le conflit ivoirien. La plupart sont originaires des comités de Nimba et de Grand Gedeh. Le terrain est idéal pour franchir la frontière illégalement : la plus grande partie comprend des forêts tropicales denses et pratiquement impénétrables avec d’innombrables sentiers que personne ne peut contrôler. La MINUL naturellement n’est pas disposée à préciser la façon dont elle patrouille ce vaste territoire, ni le nombre de patrouilles impliquées. "Mais c’est très compliqué, reconnaît Yasmina Bouziane. Il s’agit de 700 kilomètres de frontière poreuse…
"Denrées et argent
Les Libériens se battant en Côte d’Ivoire ont deux enjeux dans le conflit : denrées et argent. Un journal libérien faisait savoir récemment que les hommes armés de Charles Taylor se battent maintenant pour les Forces Nouvelles, alors que les anciens adversaires de l’ex-président libérien ont apparemment rejoint les troupes de Laurent Gbagbo. Mais cette situation pourrait changer du jour au lendemain, dès que l’un des deux camps vient à manquer d’argent ou qu’il n’y a plus rien à piller.
La guerre doit rester au-delà de la frontière
L’exode ivoirien et les mouvements d’(anciens) combattants pèsent lourdement sur les services de sécurité libériens. Quiconque arrive dans le pays doit être "contrôlé à fond", comme le dit la Résidence officielle, c’est-à-dire la présidence libérienne. Et ce, pour assurer que personne "ne s’infiltre dans le processus de paix libérien". Décodé, cela signifie : expulser les rebelles – que ce soient des Ivoiriens en train de rôder ou des Libériens revenant avec leur butin.Entre-temps (même si elles ne le disent pas à haute voix), les Forces nouvelles ont un objectif : le port de San Pedro, d’où est exporté le cacao. La route qui mène à ce port longe la totalité de la frontière. Les forces de maintien de la paix, les agences pour les réfugiés et le gouvernement libérien peuvent s’attendre à ce que le problème se poursuive – et empire.
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