
"Je suis si heureux, le mois du ramadan est arrivé. Je vais consacrer tout mon temps à la repentance et à demander pardon", se réjouit Ali Muhumed, un habitant de 31 ans de Nairobi. Depuis une quinzaine d’années, il est accro à un stimulant communément appelé au Kenya khat.
Ali attend cependant avec impatience le début du ramadan pour se défaire d’une habitude qu’il appelle diabolique. Il a pris cette décision après qu’un dirigeant religieux musulman, qui était également son voisin, lui eut signalé les dangers que comporte ce stimulant.
Mais pourquoi attendre le début du ramadan ?
"Je veux mettre un terme à cette mauvaise habitude d’une façon particulière et mémorable. Ce sera spécial ; et je promets de respecter toutes les exigences du mois. Sheikh Umal Mohammed a été très inspirant – que Dieu le bénisse", dit-il tout en faisant les magasins à la recherche d’un nouvel habit islamique.
Moins de bénéfices
Ali habite à Eastleigh, une banlieue de Nairobi, considérée aujourd’hui comme le centre d’affaires au Kenya. Ici, la plupart des commerces appartiennent à la communauté somalienne à majorité musulmane : centres commerciaux, banques, restaurants etc. Durant le mois saint du ramadan, tous les restaurants de Eastleigh resteront fermés pendant la journée et ceux qui n’observent pas le jeune mourront littéralement de faim jusqu’au coucher du soleil.
Mohammed Abdullahi gère un restaurant : "Nous n’ouvrons pas tout le mois entier. Nous perdons des clients mais tant pis : Dieux dit que les gens doivent observer le ramadan. J’ai l’habitude de faire l’équivalent de 2.000 US dollars par jour, mais durant le ramadan je ne ferai que 800 US dollars", dit-il, ajoutant qu’il ne travaillera qu’après la rupture du jeûne.
"Il y a certaines personnes qui vont jeûner, parce que leurs familles ne feront pas la cuisine pendant la journée et que tous les restaurants sont fermés. La seule option qu’ils aient est de suivre les masses et de jeûner. Je pense qu’on aide sur ce front", poursuit Mohammed tout en informant ses employés sur les nouvelles grilles de travail.
Certains hommes d’affaires cependant préfèrent arrêter leurs activités durant la totalité du mois pour se consacrer aux choses spirituelles. Les fidèles musulmans se préparent à stocker des vivres pour tout le mois.
"J’ai dit à ma femme de ne pas ouvrir notre magasin d’alimentation. Nous sommes d’accord pour passer davantage de temps à la mosquée et de demande pardon au Créateur", dit Yassin Bishara, un autre habitent de Eastleigh.
Adaptations des horaires
Les écoles religieuses, appelées communément Dugsi, ne fonctionneront également qu’à mi-temps pour permettre aux jeunes esprits de passer l’après-midi dans les différentes mosquées à lire le Coran.
Dans les rues de Eastleigh, les petits commerçants changent actuellement leur offre pour vendre différents produits, comme des dates et des fruits, près des zones religieuses. Pour eux, c’est l’occasion de monter une entreprise. Sahara Mire, 20 ans, vient de quitter l’école. Elle a réussi à amasser 100 US dollars et a l’intention de faire "un beau coup".
"Mes parents n’arrivaient pas à payer mes frais de scolarité. J’ai décidé d’abandonner l’école et maintenant c’est le moment d’utiliser le ramadan pour accéder à la liberté financière. J’espère vendre des samusa, des dates, du thé noir et des jus de fruit près de la mosquée", dit-elle.
Selon les analystes économiques à Nairobi, les affaires à Eastleigh vont connaître un manque de croissance durant le mois de jeûne. Mais ils s’attendent à une montée les derniers jours du ramadan vu que les gens vont faire des achats à l’occasion des festivités qui marquent la fin du neuvième mois du calendrier islamique.
Pour la plupart des musulmans que nous avons rencontrés, le ramadan est davantage un gain spirituel qu’un bilan financier.
Premier volet d'un diptyque sur le ramadan en Afrique. Publication du second volet, sur le Sénégal : mardi 2 août 2011.
0 Commentaires
Participer à la Discussion