
Alors que le Mali se retrouve au bord de la scission, que les rebelles touaregs et les groupes islamistes progressent vers le sud du pays et que la France rechigne à se placer face la crise qui touche cette ancienne colonie, les Maliens de l’Hexagone se soulèvent et s’organisent pour venir en aide à leurs frères restés au pays.
"Nous sommes trahis par la France!" s’emporte Barka Traoré, délégué du foyer Bara à Montreuil, en charge des relations publiques. Au sein de ce foyer historique et incontournable dans lequel "tous les chefs d’Etat maliens sont déjà venus depuis la mise en place de la démocratie", précise Camara, doyen du foyer depuis que son prédécesseur est parti en vacances au Mali pour une durée indéterminée, "tout le monde est révolté" contre la situation actuelle. Trente-huit ans d’allers-retours réguliers entre la France et le Mali, une famille restée au pays, un RMI partagé entre les deux continents rendent la colère de cet aîné encore plus forte. "Des envahisseurs sont venus pour détruire notre pays et en récupérer le sol et le sous-sol. Compte tenu de leur force, sans un soutien extérieur, le Mali ne s’en sortira pas", déplore Camara avant d’ajouter, un brin fataliste, "je suis en colère, je l’ai tellement dit". "J’ai prévenu le gouvernement malien en novembre dernier lorsque le Ministre de l’Equipement et des Transports du Mali, Hamed Diane Séméga, est venu au foyer. Il n’a rien su répondre. Il y a trop de problèmes au Mali, il n’y a pas de sécurité, il y a la famine, les problèmes de santé et désormais la guerre et l’occupation. Tous les jours ma famille restée à Kayes m’appelle, ils ont besoin de nous."
De son côté, Dramé Hakhibou, né à Gao il y a cinquante-quatre ans, s’insurge: "Je n’ai plus la tête à rien, je n’arrive plus à dormir. Je vois al-Qaïda au Maghreb islamique -Aqmi- aux portes de l’Europe. Aujourd’hui, c’est un problème malien mais dans six mois il sera européen."
Aide extérieure
"Dans l’intérêt de tous, la France et l’Union Européenne doivent intervenir maintenant, avant que des nids s’installent. Le terrorisme est un défi lancé à toutes les démocraties de la planète. Ce n’est pas uniquement un problème malien et l’Europe ne doit pas attendre que la vérité lui explose à la figure", fustige Dramé, vêtu de blanc bazin. "Les occidentaux sont allés jusqu’en Afghanistan, pourquoi ne viendraient-ils pas à la porte de l’Europe, au Mali?". Alors que des viols et des pillages ont lieu depuis plusieurs jours dans le Nord du pays, au bord de l’implosion, aucune intervention n’a été décidée même si la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest -Cédéao- a mis en état d’alerte entre 2000 et 3000 hommes. "Il faut une intervention militaire extérieure qui nous débarrasse de ces envahisseurs. Que cela soit l’armée française, américaine ou africaine, le Mali seul ne pourra pas s’en sortir sans un soutien extérieur", souligne Camara avant de mettre en garde: "Les bandits qui occupent le Mali ne vont pas se contenter de ce pays. Ils vont s’attaquer à tous les autres pays autour et le continent africain dans son ensemble finira par être concerné".
Le doyen du foyer Bara à Montreuil, Camara.
L’incompréhension quant à l’attitude d’abandon de la France par rapport au Mali, reste un sentiment général dans ce foyer: "Alain Juppé tourne autour du pot, il ne considère que ses six otages retenus par Aqmi. L’Europe a tout vu et a laissé faire", s’emporte Dramé Hakhibou. Barka Traoré enchérit: "Le Mali est une ancienne colonie, c’est un pays qui a fait partie du développement de la France. Pourquoi ceux qui sont contre l’autorité du gouvernement malien sont reçus à Paris? La France a gardé une position floue jusqu’à ce qu’Aqmi prenne possession des villes".
Mobilisation des maliens de Montreuil
Pour Lassana Niakaté, Président de l’Association des Maliens de Montreuil depuis 2001, la décision d’embargo de la Cédéao touche directement les populations les plus faibles qui se retrouvent sans nourriture. Pour les aider, cela fait des jours qu’il va de foyer en foyer afin de sensibiliser ses confrères maliens sur le sort de leur pays et la nécessité d’une mobilisation forte. Du foyer Masséna dans le XIIIe arrondissement de Paris aux foyers Branly, Grands Pêchers et Bara à Montreuil, ce père de famille se rend tous les soirs dans un lieu différent et constate l’inquiétude grandissante de ses pairs: "A la fin de chaque réunion des gens pleurent. De colère mais aussi de honte. Honte d’avoir une telle armée, honte de voir leur pays divisé en deux". Avec l’aide d’autres bénévoles, il placarde et distribue des flyers annonçant la manifestation de ce samedi 7 avril du métro Boissière au Trocadéro dans laquelle il espère: "Voir deux fois plus de monde que la semaine dernière". En parallèle et pour envoyer de l’argent au plus vite au Mali, il a organisé une soirée cagnotte le 21 avril. Le doyen du foyer Bara reste confiant: "Bien avant le coup d’état, j’ai sensibilisé tous les jeunes du foyer à une future collecte car le pays a besoin de nous. Les gens sont prêts."

0 Commentaires
Participer à la Discussion