Le Premier ministre civil soudanais, Abdallah Hamdok, a annoncé dimanche sa démission, après une nouvelle journée de manifestation durant laquelle deux personnes ont été tuées. Il était revenu au pouvoir il y a moins de deux mois, dans le cadre d'un accord politique conclu avec les militaires.
Le Premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, a annoncé dimanche 2 janvier sa démission, moins de deux mois après être revenu au pouvoir dans le cadre d'un accord politique conclu avec les militaires, et après un coup d'État suivi d'une répression qui a fait 56 morts dans le pays.
Alors que la rumeur ne cessait d'enfler et que la presse locale assurait qu'il ne se présentait plus à son bureau depuis des jours, Abdallah Hamdok a jeté l'éponge, expliquant longuement sur la télévision d'État avoir tout tenté mais avoir finalement échoué dans un pays dont la "survie" est selon lui "menacée" aujourd'hui.
"J'ai tenté de mon mieux d'empêcher le pays de glisser vers la catastrophe, alors qu'aujourd'hui il traverse un tournant dangereux qui menace sa survie (...) au vu de la fragmentation des forces politiques et des conflits entre les composantes (civile et militaire) de la transition. (...) Malgré tout ce qui a été fait pour parvenir à un consensus (...) cela ne s'est pas produit", a-t-il notamment argué. Il a ajouté qu'une réunion était nécessaire pour parvenir à un nouvel accord pour la transition politique du pays.
Les différentes forces politiques du pays sorti en 2019 de trente années de dictature militaro-islamiste d'Omar el-Béchir sont trop "fragmentées", a-t-il dit, et les camps civil et militaire trop irréconciliables pour qu'un "consensus" vienne "mettre fin à l'effusion de sang" et donner aux Soudanais le slogan phare de la révolution anti-Béchir de 2019 : "Liberté, paix et justice".
Cet ancien économiste onusien, qui avait obtenu l'effacement de la dette du Soudan et sa sortie du ban mondial, n'a pas connu un moment de répit depuis le coup d'État du 25 octobre.
Ce jour-là, son principal partenaire, le chef de l'armée, le général Abdel Fattah al-Burhane, l'a fait placer en résidence surveillée au petit matin. Et avec lui, la quasi-totalité des civils des autorités de transition, rompant brutalement l'attelage baroque de 2019.
Alors que la pression populaire forçait l'armée à démettre l'un des siens, Omar el-Béchir, généraux et civils s'entendaient sur un calendrier de transition qui prévoyait une remise du pouvoir tout entier aux civils avant des élections libres en 2023.
Mais le 25 octobre, le général Burhane a rebattu les cartes : il a prolongé de deux ans son mandat de fait à la tête du pays et réinstallé un mois plus tard Abdallah Hamdok, tout en ayant préalablement remplacé bon nombre de responsables – notamment au sein du Conseil de souveraineté qu'il chapeaute –, en extrayant les partisans les plus actifs d'un pouvoir civil.
Du héros au traître
Aussitôt, Abdallah Hamdok est devenu l'ennemi de la rue, le "traître" qui aidait les militaires à "faciliter le retour de l'ancien régime".
Les manifestants, qui depuis le 25 octobre conspuent le général Burhane dans la rue, se sont mis à le conspuer lui aussi.
Car dans un pays presque toujours sous la férule de l'armée depuis son indépendance il y a 65 ans, les manifestants le clament : ils ne veulent "ni partenariat ni négociation" avec l'armée.
Et ils le redisent de plus en plus souvent au risque de leur vie : dimanche, de nouveau, parmi les milliers de Soudanais sortis dans les rues, au moins deux ont été tués par des balles ou des coups de bâton des forces de sécurité, rapporte un syndicat de médecins pro-démocratie.
En tout, depuis le 25 octobre, 57 manifestants ont été tués et des centaines blessés.
Un conseiller du général Burhane a jugé vendredi que "les manifestations ne sont qu'une perte d'énergie et de temps" qui ne mènera "à aucune solution politique".
Les Européens ont déjà exprimé leur indignation, de même que le secrétaire d'État américain Antony Blinken et les Nations unies. Tous plaident pour un retour au dialogue comme préalable à la reprise de l'aide internationale coupée après le putsch dans ce pays, l'un des plus pauvres au monde.
Antony Blinken a prévenu samedi que les États-Unis étaient "prêts pour répondre à tous ceux qui cherchent à empêcher les Soudanais de poursuivre leur quête d'un gouvernement civil et démocratique".
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