
Les autorités tunisiennes ont accusé vendredi un salafiste d'être impliqué dans l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi, dont le meurtre par balles la veille a déclenché une grève générale et des manifestations contre le pouvoir islamiste.
Des centaines de Tunisiens ont manifesté dans Tunis pour réclamer la chute du gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda qu'ils désignent comme responsables de la mort de cette figure de l'opposition nationaliste de gauche.
Le gouvernement a nommément désigné un salafiste estimant qu'il était impliqué dans l'assassinat et ajouté que la même arme avait servi pour le meurtre en février d'un autre opposant de gauche, Chokri Belaïd.
"Les premiers éléments de l'enquête ont montré l'implication de Boubaker Hakim, un élément salafiste extrémiste", a déclaré à la presse le ministre tunisien de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou.
"L'arme utilisée pour abattre Mohamed Brahmi est la même qui a servi à tuer Chokri Belaïd", a révélé le ministre.
L'autopsie a montré que l'opposant, tué devant son domicile, avait été atteint par 14 balles de 9 millimètres, a indiqué le bureau de Procureur de la République.
Le chef de Nidaa Tounes, le principal parti d'opposition tunisien, a imputé au gouvernement la responsabilité de l'assassinat de M. Brahmi, estimant que "si ce gouvernement avait dévoilé l'identité des commanditaires et des tueurs de Chokri Belaïd, nous n'en serions pas là".
"Il n’y a pas eu de sérieuses poursuites judiciaires, cela a encouragé les criminels à récidiver", a déclaré Béji Caid Essebsi à l'AFP.
Le meurtre de Chokri Bélaïd avait plongé le pays dans sa plus grave crise politique depuis le soulèvement de 2011.
"Le peuple veut la chute du gouvernement", "C'est aujourd'hui qu'Ennahda doit tomber", ont crié vendredi dans le centre de Tunis les manifestants, des syndicalistes pour la plupart, qui ont aussi qualifié le chef d'Ennahda d'"assassin".
La police avait dispersé à coup de gaz lacrymogène jeudi les manifestations qui avaient éclaté dès l'annonce de la mort de Mohamed Brahmi.
"Pousser la transition démocratique vers l'échec"
La presse tunisienne mettait l'accent sur les risques de destablisation du pays après le meurtre de Mohamed Brahmi, qui doit être enterré samedi à Tunis.
Sous le titre "étincelle d'une déstabilisation", le quotidien La Presse évoquait une "descente aux enfers" en jugeant que le meurtre "a été ressenti comme une volonté de fragiliser le processus démocratique".
"Plus qu'un acte isolé, la violence est en voie d'être érigée en système (...) par ceux qui s'attachent à conquérir le pouvoir ou à s'y maintenir", note Le Quotidien, accusant le parti Ennahda.
Selon l'analyste Sami Brahem, "les raisons qui ont provoqué l'assassinat de Chokri Belaïd sont celles-là même qui ont conduit au meurtre de Mohamed Brahmi: pousser la transition démocratique vers l'échec".
La présidence de la République tunisienne a décrété vendredi journée de deuil national, et la puissante centrale syndicale UGTT a appelé à la grève générale.
Les rues de Tunis étaient désertées, nombre de commerces fermés, et le tramway tournait presque à vide tandis que de très nombreux vols ont été annulés en raison de la grève.
"C'est une grève politique que nous avons décidée en accord avec l'organisation patronale, et le débrayage a atteint son maximum", a déclaré à l'AFP Sami Tahri, le secretaire général adjoint de l'UGTT.
Tous les secteurs ont suivi le mot d'ordre dans toutes régions, a-t-il affirmé.
Fait rare en Tunisie, ce débrayage national est le deuxième depuis le soulèvement de 2011. Le premier avait eu lieu en février 2013 à l'appel de l'UGTT au surlendemain de l'assassinat de Chokri Belaïd.
A l'intérieur du pays, la grève a été très suivie y compris dans le secteur privé, et des sit-in organisés à Sidi Bouzid, Kasserine, Gafsa (centre-ouest) et au Kef (nord-ouest).
La grève était particulièrement suivie à Sidi Bouzid, ville natale de l'opposant assassiné et point de départ de la révolte qui a renversé le régime de Zine El Abidine Ben Ali en janvier 2011.
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