Mercredi 12 Mars, 2025 á Dakar
Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Blog

commentaires sur l'émission " Envoyé spécial" de france2 concernant " les enfants talibés des rues de Dakar "

Single Post
commentaires sur l'émission " Envoyé spécial" de france2 concernant " les enfants talibés des rues de Dakar "
Notes et commentaires sur le magazine de France 2 Envoyé spécial concernant les enfants talibés des rues de Dakar
France 2 a diffusé dans son émission Envoyé spécial de ce jeudi 12 juin un sujet sur la problématique des enfants de rues plus connus sous le nom de talibés .
En réalité, le mot talibé qui est dérivé du mot arabe talib   signifie élève d une école coranique en langue wolof.
Donc il convient de noter une différence de taille entre la problématique des talibés et celle des enfants de rue de manière générale.
Dans le contexte du Sénégal, cette différence tient aux raisons même qui font que ces enfants se retrouvent dans la rue : certains parents ou familles confient leurs enfants à des maîtres coraniques ou marabouts pour assurer l apprentissage du coran dès le jeune âge. Il s agit généralement d enfants dont les parents n ont pas vraiment les moyens de s en occuper.
Cette particularité est à la fois subtile et importante car toute solution pérenne à ce problème devra tenir compte du fait religieux.
Les marabouts n ayant pas les moyens de leurs activités envoient ces mêmes enfants dans les rues pour trouver les conditions de leur propre subsistance et parfois celles du maître en plus. Cela est plus que déplorable.
Cependant, pour bien comprendre le phénomène, il convient de revenir sur le contexte ayant donné naissance à ces daaras.
On sait que l évangélisation et l école française ont joué un rôle majeur pour légitimer la colonisation et obtenir l adhésion des populations.
Rappelons que pendant cette période, la loi marquant la séparation entre les Eglises et l Etat n avait pas encore était votée. Elle sera promulguée en France que le 9 décembre 1905.
Dans ce contexte et pour faire face à cette domination, les chefs religieux et coutumiers au Sénégal s étaient à leur tour organisés à travers des daaras dont les enseignements étaient jugés plus proches des valeurs de la société sénégalaise.
L éducation religieuse privée n étant pas contradictoire avec le principe républicain, cette culture d enseigner le livre saint musulman dans les daaras est aujourd hui maintenue dans différentes régions du pays. Cependant, il faut préciser ici que l islam au Sénégal n est en aucune manière un vivier pour le fondamentaliste ou l intégrisme.
Léopold Sédar Senghor, un non musulman d obédience catholique, premier président du Sénégal indépendant qui a dirigé le pays pendant 20 ans est un symbole du parfait dialogue des religions dans le pays. Les musulmans y sont pourtant estimés à 95% de la population.
Ce cas unique en Afrique est la preuve que le fondement de la nation sénégalaise dépasse très largement les considérations religieuses.
Ceci étant, les daaras sont devenus des zones où les droits des enfants sont bafoués et il y a parfois des cas de maltraitance et de violence.
Sur le fond, l émission de France 2 met le doigt sur un phénomène qui gangrène bien la société sénégalaise.
Cependant sur la forme, ce reportage ternit quelque peu l image du pays, en particulier auprès du public français.
Par exemple, l image d un pays et le développement de son tourisme étant incontestablement liés, l impact de ce type de reportage peut être négatif à plus d un titre, notamment auprès des français, première clientèle du Sénégal en la matière encore aujourd hui.
D ailleurs comme un hasard, le centre de l association Village Pilote présenté dans le reportage se situe à proximité du lac rose, symbole de l arrivée du célèbre rallye Paris-Dakar, jadis moteur du tourisme mais dont le pays a été brutalement amputé en 2008 au profit de l Amérique latine.
Le caractère généralisant de l élément diffusé et le qualificatif d esclavage moderne utilisé pour décrire la situation ne sauraient être reconnus ou acceptés par la société sénégalaise.
En effet, un certain nombre de daaras respectent l éthique dans leurs activités (éducation religieuse positive, prise en charge d enfants orphelins, absence de mauvais traitement).
D ailleurs si les daaras existent encore, c est que la société sénégalaise les accepte et croit toujours en leur fonction éducative de base.
Des autorités ou leaders d opinion sénégalais reconnaissent dans ces écoles des qualités en termes de valeurs éducatives et morales. Certains d entre eux ont publiquement déclaré avoir fréquenté un daara et y avoir reçu une éducation positive dans leur tendre enfance.
Par conséquent, ce qui pose problème c est un manque de surveillance de ces lieux et de certains maîtres coraniques véreux et inconscients de leurs impacts négatifs sur la vie des enfants et non les daaras eux-mêmes. C est surtout à ce niveau que l Etat doit sévir.
Par ailleurs, quelque soit son utilité tout enseignement religieux, aussi parfait soit-il doit être complété par une éducation civique à travers une école qui offre notamment des compétences pour une vie professionnelle future.
Dans ce sens, nous pouvons regretter que le projet de loi du gouvernement qui prévoyait de moderniser les daaras et d établir un pont entre l enseignement religieux et la formation civique des enfants n ait pu être mené jusqu au bout au Sénégal. S agit-il d un manque de courage politique face au lobby des leaders religieux ?
Dans tous les cas, à travers ce problème, le Sénégal doit remédier à la non satisfaction d un de ses devoirs régaliens les plus importants : protéger ses propres enfants contre toutes formes de violences physiques et morales.
Si l on considère que le développement est la finalité de toute politique publique, ce problème des enfants talibés doit trouver une solution rapide et efficace. Toutes les couches sociales des populations ont les même droits économiques et sociaux au regard du fondement de toute nation républicaine. Le Sénégal ne déroge pas à cette règle dans ces textes fondamentaux.
Mieux encore, de nombreux dispositifs protègent de façon spécifique les enfants notamment la Convention internationale des droits de l enfant adoptée sous l égide des Nations Unies en 1989 et ratifiée par Dakar en juillet 1990.

Enfin, dans un contexte où les autorités sénégalaises ont l objectif majeur de porter le pays dans le concert des nations émergentes en déroulant l ambitieux Plan Sénégal Emergent , la situation des talibés dans les rues de Dakar est une épine à ôter au cœur de la société.
Plus généralement, cela pose encore l impérieuse nécessité de placer les populations et leurs besoins au cœur des politiques publiques.
Au delà du Sénégal, le dynamisme économique matérialisé par le regain de croissance constaté dans de nombreux pays en Afrique n aura de sens que s il est orienté vers l amélioration des conditions de vie des populations les plus défavorisées.
Daouda TALL
Editorialiste

 




0 Commentaires

Participer à la Discussion

  • Nous vous prions d'etre courtois.
  • N'envoyez pas de message ayant un ton agressif ou insultant.
  • N'envoyez pas de message inutile.
  • Pas de messages répétitifs, ou de hors sujéts.
  • Attaques personnelles. Vous pouvez critiquer une idée, mais pas d'attaques personnelles SVP. Ceci inclut tout message à contenu diffamatoire, vulgaire, violent, ne respectant pas la vie privée, sexuel ou en violation avec la loi. Ces messages seront supprimés. --
  • Pas de publicité. Ce forum n'est pas un espace publicitaire gratuit.
  • Pas de majuscules. Tout message inscrit entièrement en majuscule sera supprimé.
Auteur: Commentaire : Poster mon commentaire

Repondre á un commentaire...

Auteur Commentaire : Poster ma reponse

ON EN PARLE

Banner 01

Seneweb Radio

  • RFM Radio
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • SUD FM
    Ecoutez le meilleur de la radio
  • Zik-FM
    Ecoutez le meilleur de la radio

Newsletter Subscribe

Get the Latest Posts & Articles in Your Email