
« Nous sommes tous en sursis », a dit Jean-Paul Sartre.
Nous avons l’impression que nos gouvernants aiment plus constater que prévoir. Il a fallu que le Joola fasse près de deux mille (2.000) victimes pour tirer des conclusions sur la sécurité maritime. Il a fallu que la banlieue soit confisquée par les eaux de pluie pour que l’Etat se mette à réfléchir pour trouver des solutions qui peinent à se concrétiser. Il a fallu que la mobilité urbaine échoue à hauteur de Rufisque pendant des années pour que l’Etat pense, des années plus tard, à une autoroute à péage. Il a fallu que le pays sombre dans le noir et qu’il ait des émeutes de l’électricité, pour qu’on parle de plan Takkal et de construction de centrales à charbon. Comme il a fallu que la route devienne la maladie la plus meurtrière pour que nos gouvernants cherchent sans succès des solutions du moins jusque-là. Enfin il a fallu que Dakar soit privé d’eau pendant plus de quinze jours pour qu’on pense à d’autres forages qui puissent relayer le lac de Guiers. A ce rythme, nous serons un gouvernement qui réagit et non qui agit. S’il faut construire le Sénégal avec des projets imprévus ou accidentels, quand est-ce nos projets bien ficelés et bien budgétisés seront exécutés ?
A notre humble avis, il y a encore des questions de souveraineté nationale qui tardent à être réglées. Des éléments armés ont trouvé un boutiquier à Ziguinchor, l’ont tué, ont pris la poudre d’escampette. La poste de Bounkiling, dans la région de Sédhiou, a été cambriolée en plein jour et trois (3) millions ont été emportés. La station Total sise au rond point Saly à Mbour dans la région de Thiès a reçu la visite d’agresseurs qui ont également empoté cinq (5) millions il y a quelques années. . Bref, chaque jour, des cas divers sont enregistrés presque dans toutes les régions du pays. Suffisant pour en déduire que la sécurité nationale, n’est pas encore une réalité au Sénégal, malgré les efforts inlassables des autorités dans ce domaine. Au niveau de nos frontières, les razzias des troupeaux de bovins, d’ovins et de caprins ont fini d’appauvrir les masses rurales. La porosité des frontières a découragé tous les éleveurs et semé la panique suite aux attaques armées perpétrées nuitamment.
La seconde question qui pose un problème de souveraineté nationale est la sécurité alimentaire qui n’est pas encore réglée. Un pays, qui importe ce qu’il mange, importe ce qu’il boit, importe ce qu’il porte, importe même ce qu’il dit et ce qu’il fait, a encore beaucoup à faire. Notre riz local n’est pas prisé, notre oignon local n’est pas non plus prisé, notre pain local se consomme en cachette, notre eau local (des puits) rend ridicule ceux qui la boivent ; le port de notre tissu local (pagne traditionnel) renvoie encore à des identités culturelles. Les plats traditionnels sont préparés désormais pour les malades ou les convalescents alors que c’est qu’il faut manger pour éviter d’être malade. « Le monde a voyagé », disait un écrivain africain traduisant le wolof « aduna tukki na ».
L’accès aux infrastructures de base demeure la troisième question de souveraineté nationale qu’il faut régler. Une grève du Sutelec avait plongé le pays dans la mort de l’âme dans les années 90. Alors que les Sénégalais n’ont pas encore oublié cette forfaiture du gouvernement d’Abdou Diouf à l’époque, voilà qu’une panne constatée à l’usine de Keur Momar Sarr (Louga) remet en cause la souveraineté du pays. On a l’impression que l’Etat a suspendu sa vie à un bout de fil qu’il ne tient pas entre ses mains. Il y a des choses qui doivent dépendre du privé et des choses qui relèvent de la souveraineté nationale. Parmi celles-là figure aussi l’accès à l’électricité. Le courant ne doit plus être un luxe dans un pays qui aspire au développement. Mais dans des grandes villes comme Mbour, Ziguinchor, Thiès et Kaolack, des populations qui ont regagné leur nouveau quartier scrutent désespérément le ciel de la Senelec. A Mbour, l’élargissement du réseau électrique est inexistant car la Senelec privilégie plus les lignes privées que le réseau public. Des Toubabs (hommes blancs) qui construisent dans les nouveaux quartiers négocient avec des promoteurs privés qui les connectent au réseau de la Senelec moyennant des sommes faramineuses. Ayant gouté à cette facilité monnayée à coups de millions, la société ne veut plus entendre parler d’un projet étatique.
L’avant-dernière question est liée au transport. L’Etat a montré sa faiblesse lors de la dernière grève des transporteurs. Si un Etat autorise à un secteur de paralyser le pays, il y a de quoi dire, que cet Etat, n’est pas confortablement bien assis. Les habitudes que les gouvernements précédents avaient données aux populations doivent disparaitre. La liberté d’expression, la liberté d’aller en grève, ont été exagérées avec Wade qui, poussé par la folie d’un démocrate, a plongé le pays dans l’incorrection.
Enfin, il faut désenclaver la Casamance. Dans plusieurs manifestations, il n’est pas rare d’entendre les populations dire que nous ne sentons pas Sénégalais. Tout simplement parce que leurs enfants ne fréquentent pas l’école sénégalaise, parce elles sont connectées au réseau d’un pays limitrophe. Parfois c’est parce qu’ils se soignent dans les hôpitaux situés au-delà de la frontière. Douze heures en voiture pour se rendre au sud du pays situé au plus à cinq (500) kilomètres, cela mérite une autre réflexion que celles en cours.
Paul Faye
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