« Les rendez-vous mémorables sont clandestins »
Félix LECLERC
Non, si Aminata Tall a vraiment été l’âme du Pds, et je crois qu’elle l’a été pendant longtemps, le Pds vient de perdre son âme. C’est cela, la question éthique posée par cette chaleureuse dame, que nous avons appris à aimer pour son franc-parler. Elle vient de nous prouver, de la plus belle des manières, qu’elle ne connaît pas la langue de bois blanc. Elle est taillée d’ébène.
Il ne faut jamais insulter l’avenir. On ne peut divorcer que trois fois en religion, mais en politique, on peut divorcer autant de fois qu’on veut, et se retrouver le lendemain. C’est ce qui fait le charme de ce métier. Maître Wade reproche à sa dame de pique ses infidélités de coeur. Mais les infidélités se pardonnent en politique. « Tu as des relations avec mes ennemis ». Qu’on se retrouve cocu de la politique au seuil de sa vie peut faire très mal, j’avoue. Mais que d’ennemis d’hier le maître a-t-il fait des dames de cour ! Aïda Ndiongue, Aïda Mbodj,… Ngoné Ndoye, les wadettes néo-converties, conduites par tata Awa Diop.
Non, je trouve qu’Aminata Tall a attendu trop longtemps pour engager la procédure de divorce. A chaque fois, elle s’est accrochée à des promesses qu’on fait à une deuxième, quand une troisième est en route. Le poste de Premier ministre au mois d’août 2003, la nomination d’une femme Premier ministre en 2006. A chaque fois, maître Wade a fait des infidélités à sa mémoire et failli à ses devoirs conjugués. Il y a longtemps que son cœur a basculé du côté de Rokhaya Mbodj Aïda, nouvelle responsable de la solidarité familiale et des quotas de riz. Mais maître ne doit s’en prendre à personne. Quand on a trompé autant de fois dans la vie, on ne peut pas se plaindre d’avoir été trompé. Au risque de vous faire mâle, son statut de femme ne l’a pas aidé dans la querelle de positionnement au sein du pouvoir. Wade a toujours pensé que la politique est faite pour les guerriers, et la femme pour le repos du guerrier. Voyez quand même à quoi se réduit notre belle démocratie : une histoire de coups en bas de la ceinture, et tant pis si vous n’avez rien dans le pantalon.
Cette femme a certainement plus de charisme, d’expérience et de légitimité que ceux qui, aujourd’hui, lui disputent les premiers rôles dans le Pds. Elle est une des rares, dans cette bande de parvenus, à incarner en elle quelque chose de républicain. Depuis qu’elle a décidé d’engager la bataille contre l’hégémonie de Macky Sall, tous les projets lui ont été retirés, et sa région, la plus pauvre du Sénégal, abandonnée. Ce n’est pas le meilleur traitement qu’on peut faire à celle qu’on dit être l’élue de son âme. Wade lui a demandé de se mettre en position attente, avec la promesse de la reprendre, et voilà qu’on lui demande de se mettre derrière un ancien socialiste sur la liste des prochaines législatives.
Elle a raison de parler « d’éthique ». Cette question occupera une place centrale prochain débat électoral, s’il y en a un, je vous dirai pourquoi.
Il y a six ans, nous avons chassé du pouvoir une équipe, accusée de tous les maux. Il faut revoir toute la littérature du Sopi, pour s’en rendre compte. Tous ceux que Wade accusait de détournement et de prévarication sont ses têtes de liste dans les départements. Ils sont devenus de grands experts, pour montrer au président de la République comment faire passer des milliards de Taipeh à Nicosie, sans passer par Peytavin.
Aminata Tall va faire des émules, c’est sûr. Il y en a beaucoup comme elle, qui sont devenus étrangers à leur parti. Il y a sept ans, ils étaient peu nombreux à décider de rester avec Wade. Il y avait Idrissa Seck, Aminata Tall, Ousmane Masseck Ndiaye, Modou Diagne Fada, qui ont fait ce pari. Je vois d’ailleurs un de leurs plus grands adversaires, crier « Modou Diagne Fada doit tirer les conséquences de ses propos ». En 1999, Tanor Dieng lui a payé ses soins à Paris. Il s’était rempli les poches, en faisant du trafic de visa, quand l’opposition est partie manifester à Paris. Si le Premier secrétaire du Ps ne lui avait pas demandé d’attendre, il aurait transhumé avant les élections. Ce sont des individus de ce genre, une insulte pour la morale de ce pays, qui se transforment en professeurs de vertu sous Wade.
L’attitude de Wade ne surprend pas, croyez-moi. Après l’alternance, tous ceux qui sont aujourd’hui maires dans leurs villes ont apporté des changements à la loi sur le cumul. Ils se sont dit « puisque avec Wade on ne sait jamais, nous allons nous faire élire maires dans nos villes. Le jour où il nous chassera de son gouvernement, nous aurons un point de chute ». Voilà comment est née la loi qui permet le cumul des fonctions de ministre et maire. Ils ne savaient pas qu’après le gouvernement, ils seraient chassés de leur parti. L’histoire est en train de leur donner raison, de la plus mauvaise des façons. Ces gens ne respectent pas Wade. Ils l’ont vu dans trop de situations désobligeantes, pour le respecter. Ce qui a changé, c’est qu’ils n’ont plus peur de lui. Ils lui désobéissent ouvertement, et c’est un signe encourageant, pour ceux qui étaient tentés par le désespoir. Cet a encouragé les pires avanies dans notre histoire politique. Après un retour en force du parti socialiste (version piratée) dans le gouvernement, il prépare son retour à l’Assemblée nationale. L’accueil de mercredi à Louga et les résultats de ses derniers sondages lui serviront peut-être de leçon. Il a poussé l’indécence jusqu’à demander aux jeunes de Louga qui manifestaient contre l’abandon de leur ville, de lui confier la mairie s’ils veulent des réalisations. Mais le plus grave, c’est que le maire de la ville est du Pds. Comme si après son âme, l’idée de perdre les élections lui a fait perdre la tête. Depuis un mois, Macky et sa bande lui assurent, sans vraiment y croire, « mais nous allons gagner les élections ». Sa réponse est la même : « mais je voudrais bien être aussi sûr que vous l’êtes. » Alors, ne soyez pas surpris qu’il se serve de la dernière lettre de la Cena comme prétexte, pour ne plus organiser des élections. Finalement, rien ne pourra sauver cet homme. Il ira de bourde en bourde, jusqu’à son extinction finale.
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