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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
Chronique

Les bouts de bois du vieux

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Les bouts de bois du vieux

<< J’ai fanatisé la masse pour en faire l’instrument de ma politique.
J’éveille en elle des sentiments qui lui conviennent,
elle suit immédiatement les mots d’ordre que je lui donne. >>
Adolphe HITLER

Le président de la République a eu ces mots pleins de sagesse, envers celui qu’il venait de nommer en remplacement d’Idrissa Seck : « surtout, n’apparais pas trop à la télévision ». On ne peut donc pas dire que l’incident de dimanche dernier soit une faute de jeunesse. Macky Sall, après plusieurs minutes de télévision dans les nouveaux locaux de l’ambassade du Sénégal à Bamako, s’est permis une sortie dans un domaine réservé, en déclarant que l’absence de l’opposition dite « significative » de l’Assemblée nationale va se faire sentir dans les débats. Il a dit, autre abomination coupable, qu’il souhaitait un dialogue entre le chef de l’Etat et l’opposition, comme si les clefs de la République lui avaient été remis. C’était dimanche. Lundi, sur le perron de l’Elysée, maître Wade, la carcasse bien droite, lui rappelle que dans le glacier politique, il est le seul à porter la calotte. Il traite son opposition de tous les noms de singes, et ferme une porte que son Premier ministre a voulu forcer. Les devins qui scrutent le ciel politique, pollué ces derniers temps, ont vite fait de jurer la fin imminente du fils dans le Dédale. Il s’est trop approché de la télé et du… Soleil.
Il est, depuis Habib Thiam, le recordman à ce poste. Mais s’il partait, on ne retiendrait de lui que sa fameuse envolée « Abdoulaye Wade est mon père », et une seconde, que tous les dignes fils jouent en reprise dans le mégaphone du Sopi, « donner corps à la vision ( cataractique ? ) du président de la République ». Il lui a donné un accent particulier de son Sine natal, avec une gutturale plus pathétique. Mais ce corps mourant n’est jamais revenu à la vie.
Quoiqu’on puisse penser de lui, Macky Sall a chanté et exécuté à la perfection la musique militaire du Sopi. Il a été un bon soldat. Quand il a fallu assassiner les autres, il a été parmi les premiers à lever les étendards. La plupart des exécutions sommaires, et cela depuis l’époque d’Ousmane Ngom, ont été menées avec sa complicité active. Tous les séismes, opportunément, l’ont laissé du bon côté de la faille. Mais il ne mérite pas la mort qui l’attend. Depuis deux semaines, il a rappelé tout ce qu’il avait comme réserve dans les rangs, pour sauver sa peau. Il a un croc contre le vieux, ses bouts de bois.
Le monsieur, croyez-moi, n’est pas bête. Il a réussi à exécuter un à un tous ses frères, pour finalement prendre leur place. Il faut quand même saluer « l’intelligence » et la maestria avec lesquelles, petit à petit, il a entraîné Idrissa Seck avant de l’enfouir dans sa tombe. Je trouve que sa plus grande prouesse guerrière, c’est d’avoir réussi à retourner la presse dite du palais, contre le fils du président de la République, et d’avoir cette poudrière médiatique sous sa coupe.
La manœuvre qu’il a faite dimanche à Bamako n’est pas moins prodigieuse. Le makysard dans la position du missionnaire ! Une apostasie qui, il y a quelques années, lui aurait valu la peine de mort, et qui le présente désormais avec la soutane d’un apôtre. S’il ajoute à cela la stature de victime, il se fera un destin national. C’est sur de petits détails de ce genre que les destins se font, mais il faut savoir forcer les portes de l’histoire.
Tous ceux qu’il a jugés comme des adversaires de demain ont été ses ennemis d’aujourd’hui, et il a mis cette presse à canon dont je parlais à leurs trousses. Mais s’il accepte d’engager la bataille contre Karim Wade, il s’inventera très vite un destin de leader. Il aura un peuple contre une famille, une République contre une monarchie. Au-delà des préoccupations partisanes, il n’y a que cette ligne de démarcation qui vaille : la République contre la monarchie.
Un ami m’a raconté, avec le ton d’un miraculé revenu d’un rendez-vous avec Dieu, sa rencontre avec Karim Wade : « non, il n’a aucune ambition Jules, il me l’a dit. Sa mission s’arrête en 2008. Il m’a avoué qu’il ne veut même pas être chef de quartier ». J’imagine sa déception quand il a appris, une semaine après, que Karim Wade a reçu un récépissé pour la « génération du concret », dont il est le président. Je lui avais bien dit que c’était du bluff. Je ne crois d’ailleurs pas à cette échéance 2008, si ce n’est qu’il doit prendre la direction du Pds.
Nous allons, inéluctablement, vers un report de ce sommet de l’Oci tant réclamé par les pays arabes, jamais tenu par le Sénégal. Il n’y aura, dans moins d’une année, ni route, ni autoroute, ni hôtels 5 étoiles. Les rares réalisations étaient contenues dans le programme d’aménagement de la mobilité urbaine, négocié quand le Ps était encore là. Ceux qui rêvaient de Dakar comme Dubaî devront patienter encore des années, ce n’est pas pour tout de suite. La seule alternative que le fils du président de la République propose, c’est l’organisation du sommet à Saly, les arabes la refusent. Je me suis d’ailleurs demandé comment on peut être aussi simple d’esprit, pour penser qu’on peut réaliser une dizaine d’hôtels 5 étoiles en 6 mois, une nouvelle ville en deux années, un aéroport en une année. Doudou Wade se permet quand même de féliciter son « frère », pour avoir bien réussi ses chantiers, dans les délais. Il ne faut pas en vouloir à Karim Wade. C’est à son père qu’il faut en vouloir, d’avoir programmé cet échec monumental, et de l’avoir inutilement exposé. Ca nous coûte de la pollution, des embouteillages, avec, à la clé, une perte de plus de 100 milliards par année. Dans l’histoire, on n’a jamais été aussi loin  des délais, et je suis fondé à croire que l’inexpérience de ce monsieur est en cause. Son père l’a catapulté à cet endroit précis, pour lui faciliter l’accès au palais, mais c’est raté.
Les entrepreneurs ont cessé leurs travaux, parce que les banques ne prêtent plus, et l’Etat ne paie plus.
Ce qui se passe est une banqueroute financière que le ministre Abdoulaye Diop a tenté d’expliquer en d’autres termes. On ne peut pas avoir un taux de croissance qui baisse de deux points chaque année, et continuer à soutenir un train de vie au-delà du raisonnable. La facture pétrolière est devenue un grand alibi, mais elle n’explique pas tout. Nous avons un président de la République dépensier, et des sociétés nationales livrées à des pilleurs, tous de son acabit.
Il y a quelque chose, par la force du destin, qui ne veut pas que ce « fils » prenne rendez-vous avec nous. On lui a tout donné pour nous séduire. De nombreux projets à réaliser, dont bientôt, les « chantiers de Touba ». Une influence sans pareil, pour caser sa « soutenaille ». Le Pds est à lui. Mais sous un ciel, Dieu a dit non.
Entendons-nous bien, la question ne se résume pas à une histoire de filiation biologique. Qui que ce fût, il y aurait des gens pour défendre la République. Il s’agit, pour paraphraser un contemporain d’un illustre homme qui nous a quitté cette semaine, de prendre position pour ou contre la République. Il est impossible de sortir de là. Cet illustre disparu, que l’Etat veut fêter, alors qu’il l’a abandonné avec ses bobines, a été historien à sa façon. Il nous rappelle que des gens avant nous, se sont battus contre les impôts, le travail forcé, le racisme. On ne peut pas avoir entrepris la longue et lente remontée de ce fleuve lointain, pour se laisser prendre à contre courant. « Les peuples commençaient à sortir de leur torpeur résignée, à redresser la tête. Ils étaient mûrs pour la révolte. Déjà, les signes avant-coureurs se multipliaient », aurait repris ce grand maître, pour cadrer avec son temps. C’est pourtant un homme de son époque, de cette grande époque, qui a décidé de nous planter dans les eaux marécageuses, pour prendre le chemin de l’aventure solitaire. En une seule prise, sur le perron de l’Elysée, il a tenu le discours le plus démagogique et le témoignage le plus pathétique, comme s’il ne s’agissait pas de la même personne. Il a toujours haï sa génération, et Sembène en faisait partie. Tant pis s’il a décidé de s’éjecter tout seul du train de l’histoire. On peut être le plus diplômé, du Caire au Cap, et passer à côté de sa vie. L’humble passant qui nous donne cette leçon de vie était un autodidacte.



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