
« Notre futur gouvernement ne dépassera pas 25 ministres », Macky Sall, 1er mars 2012
‘Impératif d’unité nationale ou de stabilité sociale’ : c’est la trouvaille de 'sa Majesté le Chantre de la Sobriété' pour justifier un allongement de la taille du gouvernement qu’il avait promis à 25 membres. Un argument aussi léger que le prétexte des inondations pour supprimer le Sénat.
Il aura fallu six mois à l’épreuve du pouvoir pour que glisse progressivement vers le wadisme le président Macky Sall, qui à son tour s’arroge le droit de se dédire : il vient de poser un acte notoire qui porte les empreintes du maître, allant dans le sens d’un non respect de sa parole, de ses promesses alors que toute la campagne électorale durant, le candidat Macky a parlé d’engagement. Elu pour cinq (ou sept ans), il se dédit, il change de version et d’orientation au bout de six mois seulement. Que fera-t-il au bout de deux ou trois ans ?
L’annonce à été faite hors du territoire national, lors d’une visite à Harlem le jeudi 27 septembre en marge du sommet des Nations Unies à New York où Macky Sall effectuait sa première entrée dans la cour des grands. Comme si une déclaration de cette envergure, n’aurait la portée escomptée que si elle est faite à l’étranger, comme nous en avait habitués le président Wade.
Déjà préparé qu’il est, aux réactions de ceux qui croyaient dur comme fer en sa promesse de maintenir l’équipe de Abdoul Mbaye à 25 ministres et pas un de plus, en référence au cercle restreint des grandes démocraties dont le Sénégal aspirait à être membre.
Nostalgique des années Wade ?
D’abord sur le motif évoqué, le Président parle « d’unité nationale et de stabilité sociale », ce qu’il n’était pas censé ignorer, lorsqu’il déclarait face à la presse, revigoré par son score au premier tour de la présidentielle, que son gouvernement ne dépasserait pas 25 ministres. Des ministres qui, nous dit-on, n’ont rien à voir avec l’autre gouvernement « bis » ou « parallèle » qui ne siège pas au Conseil des ministres, comprenez la pléthore de ministres conseillers à n’en pas finir, nommés chaque semaine depuis l’arrivée de Sall dans le « Macky ».
Mais il y a lieu de s’inquiéter d’autre part sur l’aspect à la fois régionaliste et ethnique évoqué par le Président pour justifier son « wax waxeete », puisque c’est de cela qu’il s’agit ici. Le Sénégal comporte 14 régions, et le gouvernement, 25 membres. Or, si Macky Sall avait, dans la composition du gouvernement, tenu en compte cet aspect, il aurait pu, pourquoi pas, attribuer à chaque région un département, un portefeuille ministériel, et toutes les 14 régions du Sénégal seraient représentées dans l’attelage gouvernemental.
Mais cela n’aurait aucun sens, cela n’est pas souhaitable non plus : l’attelage gouvernemental actuel répond plus à une logique de partage du gâteau qu’à une volonté réelle de représentativité géographique. Donc, l’argument que l’on pourrait qualifier de « régionaliste », évoqué par le Président, ne tient pas la route.
Encore que cette considération s’avère dangereuse dans le sens où elle évoque la nostalgie des années Wade, où chaque capitale régionale se permet de réclamer son « droit à un ministère », quitte à investir la rue et à exercer sur le gouvernement, une pression, un chantage.
Parce que ce sont des considérations politiques voire politiciennes, et des arrangements entre alliés, qui ont pris le dessus sur une nécessaire représentation ou représentativité réelle des différentes couches sociales ou particularismes géographiques, dans le gouvernement, tel qu’il est configuré aujourd’hui. C’est relater une lapalissade que de dire que certains ministres, parce que membres de la coalition Bby, ont été cooptés par leur formation politique respective, non pour leur connaissance avérée des dossiers et des portefeuilles qui leur sont confiés, mais pour leur militantisme invétéré. A l’arrivée, ils ne répondent pas ou correspondent peu au profil et parcours requis pour justifier leur présence dans tel département ministériel. C’est peut-être, cet aspect que Macky Sall cherche à corriger à travers le remaniement annoncé. Analysé sous cet angle, on est loin, très loin de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut, la rupture tant vantée par les nouveaux tenants du pouvoir.
Le gouvernement d’Abdoul Mbaye : une dinde de Noël que l’on cherche à gaver avec ou sans raison
« Le Sénégal est un pays béni et une nation pleine et entière depuis Senghor, une nation où toutes les communautés (Toucouleurs, Sérères, Diolas, Manjaks…) vivent en parfaite harmonie », renchérit le président Sall, qui n’est pas loin de soulever ici, une approche ethnique de la manière dont il compte répondre aux préoccupations des Sénégalais. En listant toutes ces ethnies, un faux débat que nous pensions avoir dépassé au lendemain de la présidentielle de février et mars derniers, devrait-on en déduire que Macky Sall pourrait attribuer des portefeuilles ministériels, aussi, en fonction des origines ethniques des personnes ?
Des arguments aussi rétrogrades que dangereux pour la cohésion sociale, ne devraient être le soubassement d’une nomination, quelle qu’elle soit. Mais il est évident, que Macky Sall, qui envisage d’allonger la taille du gouvernement, a bien l’intention d’augmenter le train de vie de l’Etat, en d’autre termes, recaser du personnel politique, des alliés et souteneurs dont certains ont vu le Sénat leur passer sous le nez. Ce, à l’heure où tout est urgence comme ne cesse de le répéter Abdoul Mbaye, tout est rigueur, tout est austérité dans le pays, excepté le gouvernement, qui rejette la diète et continue de prendre du poids au point d’être assimilé à une dinde de Noël que l’on cherche à gaver avec ou sans raison.
Mutisme coupable de tous ces alliés de BBY, confortablement installés et servis à volonté à la table du «Macky»
En fin de compte, le « wax waxeete », jusqu’ici l’apanage seul d’Abdoulaye Wade, se voit revigoré par le successeur de Gorgui à la tête de l’Etat. En mars 2012, Macky Sall n’avait pas l’air de plaisanter lorsqu’il martelait face à la presse, que « notre futur gouvernement ne dépassera pas 25 ministres ». Aujourd’hui, c’est la parole du chef de l’Etat même qui se banalise, progressivement. Dorénavant, difficile de prendre Macky Sall au sérieux, pour ses prises de position passées et à venir. La volatilité dont il a fait montre sur la suppression du Sénat (par contrainte et non par conviction de son inutilité), a fini de faire douter ceux qui voyaient en lui l’homme du changement, à même de relever les défis les pires, fût-il le maintien à 25 des membres d’un gouvernement. Si Sall est capable de vaciller sur ce point, rien ne l'empêche, un jour, de revenir sur le mandat présidentiel qu'il souhaite ramener à cinq ans, et autres promesses de campagne que lui-même qualifie d''engagement".
Il est à regretter toutefois, le mutisme coupable de tous ces alliés de BBY, confortablement installés et servis à volonté à la table du « Macky », servant de faire-valoir et cautionnant pour Sall, ce que jadis ils rejetaient sous Wade et pour lequel ils étaient si audibles, si prompts à investir la rue, quitte à sacrifier, soi-disant, leur vie.
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