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Confessions

FATIMATA CISSE ET ADAMA DIOP, DEUX FEMMES VIVANT AVEC LE VIH SIDA «Comment le Sida a ruiné nos vies»

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FATIMATA CISSE ET ADAMA DIOP, DEUX FEMMES VIVANT AVEC LE VIH SIDA «Comment le Sida a ruiné nos vies»

Mona Chasserio, c’est une voix qui sait écouter. Un grand cœur aussi. Directrice de la maison Rose de Guédiawaye, centre d’accueil pour filles en détresse, elle a su redonner espoir à la pléthore de pensionnaires qui sont venues solliciter son aide. Mais parmi cette belle brochette de femmes en situation difficile, «L’Observateur» en a rencontrées deux, porteuses du Sida. Deux femmes d’âge et d’origine sociale différents, mais qui portent toutes la souffrance de l’abandon et de la stigmatisation. Bouleversant !

 

FATIMATA CISSE, 16 ANS, ELEVE

«J’ai peur que mes camarades de classe découvrent ma maladie et que je perde toutes mes amies»

 

«Je suis élève en classe de sixième et je vis avec le Vih/Sida. J’ai été contaminée par ma mère, alors que j’étais encore dans son ventre. Papa aussi avait le Sida. En 2003, après une longue maladie, il est décédé. Je ne le connaissais pas bien, car je vivais avec maman. Durant tout le temps que j’ai vécu avec elle, je faisais périodiquement la navette entre l’hôpital de Guédiawaye et chez moi. Mais, je ne savais même pas que j’étais porteuse du virus.  Je n’étais qu’une gamine et je ne savais rien de ce mal qui, petit à petit, prenait raison de mon corps. Je prenais les cachets sans me douter une seule seconde que j’avais le Sida. On m’a longtemps caché la vérité. La seule réponse qui m’était servie lorsque je demandais le pourquoi de ce traitement que je suivais, était : «C’est pour éradiquer vos toux aiguës.» Au fil du temps, j’ai su que ce mal qui me rongeait à petit feu, était plus grave que ces toux.

En 2008, cinq ans après le décès de papa, maman est décédée à son tour. Elle a été terrassée par le virus. Je suis devenue, du coup, orpheline de père et de mère et très malade. Dans ces moments de détresse, ma grande sœur m’a récupérée. Un jour, alors que j’étais secouée par la maladie, elle m’a conduite à l’hôpital. Après m’avoir auscultée, le médecin m’a dit que j’avais le Sida. J’avais 14 ans. Le monde s’effondrait sous mes pieds. Je ne voulais pas croire au diagnostic du médecin. J’étais là, muette. Et puis, j’ai craqué. Une forte douleur me contractait la poitrine et j’ai sangloté comme un enfant. Je n’avais plus goût à la vie. Le médecin a essayé de me réconforter pour que je ne tombe pas dans la dépression. Il me disait que les médicaments allaient me soulager, qu’ils allaient  stabiliser la maladie.

Mais comme le malheur ne vient jamais seul, l’annonce de ma séropositivité a coïncidé avec le remariage de ma sœur qui devait rejoindre son nouveau foyer au Mali. Je ne devais pas faire partie du voyage, parce que je représentais un fardeau de plus pour ma sœur. Mon grand frère a alors pris le relais. Il m’a hébergée chez lui, mais mon calvaire ne faisait que commencer. J’étais maltraitée par mon propre frère et sa femme. Le moindre bruit me faisait sursauter de peur et j’étais tout le temps recroquevillée dans mon coin. Et, le jour où mon frère a dit à ma belle-sœur que j’avais le Sida, elle m’a fait vivre les pires humiliations. J’étais devenue un paquet infesté qui pourrait contaminer toute la maison. Ma belle-sœur ne voulait plus que je m’approche de ses trois enfants. Elle m’interdisait de manger avec les petits, parce qu’elle disait que j’allais les contaminer. C’est dans un petit bol que l’on me servait tous mes repas. J’étais mise à l’écart. Bannie, fuie comme une malpropre. Je ne dormais plus dans la chambre. C’est dans le couloir de la maison que je passais la nuit et mon sac me servait d’oreiller. Je n’avais pas droit au petit-déjeuner et j’étais obligée de quémander dans la rue de quoi m’acheter du pain. Parfois, mes camarades de classe me donnaient quelques pièces pour que je puisse me nourrir. Ma belle-sœur, pour se débarrasser de moi, me cherchait tout le temps des poux. Elle me battait, en disant que je passais tout mon temps dans la rue, alors que c’était faux. Elle me battait tout le temps. Encore et encore. Elle aimait se défouler sur moi. Un jour, ne pouvant plus supporter tous ces coups, toute cette torture, j’ai fugué de la maison, pour aller chez un des amis de mon grand frère. Ils m’ont demandé de leur dire la vérité. Après maintes questions, j’ai fini par raconter tous les sévices que le couple me faisait vivre. Ils m’ont emmenée à la police et de là j’ai été transférée à la maison Rose de Guédiawaye.

Lorsque mon frère a débarqué dans mon refuge, il a dit à la directrice de la maison, Mona Chasserio, de ne pas croire à ce que je lui raconterai. Il disait que j’étais folle. A un moment donné, Monna avait cru que j’étais folle. Un jour, alors que Monna était absente, il est venu me menacer de mort. «Si jamais tu raconte à la directrice ce qu’il s’est passé, je vais te tuer», m’a-t-il dit. J’étais morte de trouille. Lorsque Monna me questionnait sur mon passé, je me braquais subitement.  Je lui disais que  mon frère avait menacé de me frapper à mort si jamais je racontais ce que j’ai vécu chez lui. Pour me faire parler, Monna a menacé de me virer de la maison Rose. Là, j’ai paniqué. Ne voulant pas me retrouver seule, je lui ai raconté toute la vérité. Heureusement, elle m’a cru. De plus, à chaque fois, qu’elle cherchait à joindre mon frère, il refusait de décrocher son téléphone. Il refusait de déférer aux convocations de Monna qui a fini par découvrir son vrai visage.

Depuis lors, il reste introuvable. La seule information qu’on a sur lui est qu’il habite aux Parcelles Assainies. Aujourd’hui, j’essaie de vivre normalement, sans penser que je suis porteuse du Vih. Mais à l’école, quand j’entends mes camarades de classe dire qu’il suffit de toucher un malade du Sida pour être contaminé, j’ai une peur bleue. Peur qu’ils découvrent que je suis porteuse du virus et  ne veuillent plus être mes amies. Avec cette maladie, je vis un vrai tourment. Je me demande très souvent pourquoi moi et pas les autres ? Heureusement que la maison Rose m’a ouvert ses portes, en avril 2012.

J’arrive aujourd’hui à m’épanouir, à retrouver goût à la vie, à découvrir des talents chez moi. Grâce à Monna, je poursuis mes traitements et je sais combien elle se sacrifie pour prendre en charge mon traitement et ceux des autres filles qu’elle accueille. Je vis au jour le jour, car je sais que les cachets ne peuvent pas tuer le virus. Et à chaque fois que je tombe malade, je me dis que je peux mourir à tout instant. Mourir comme papa et maman.» 

 

ADAMA DIOP, 30 ANS, ANCIENNE RESTAURATRICE

«Ma famille m’a reniée en me jetant dehors»

 

«Depuis trois mois, je vis à la maison Rose. J’ai le virus du Sida. En 2007, quand l’annonce m’a été faite, j’ai senti le sol se dérober sous mes pieds. Des moments atroces et douloureux que j’ai du mal à oublier. Durant des années, j’ai gardé cette maladie secrète. J’ai su la cacher pour que personne ne la découvre. Après m’être vidée de toutes mes larmes, j’ai fini par surmonter le coup. Je suivais mon traitement et j’essayais de ne pas entrer dans la peau d’une porteuse du virus du Sida. Mais au fil du temps, mon secret s’est brusquement dévoilé. Ma famille a découvert l’existence de cette maladie que j’ai longtemps dissimulée. Mes parents ont eu le choc de leur  vie.  Et depuis, tout a basculé. J’étais devenue une charge trop lourde à porter. Entre tourments et supplices, j’avais perdu goût à la vie. J’étais victime de moqueries, de médisances, de calomnies, de la part de membres de ma propre famille. Je souffrais en silence et je pleurais en cachette. C’était horrible !

A un moment donné, les membres de ma famille ne supportaient plus de me croiser dans la maison. Comme une sorcière, ils m’ont chassée de chez nous. Ma famille m’a reniée, elle ne voulait plus de moi. Perdue, sans personne pour m’aider, j’ai tout expliqué à mon médecin qui m’a mise en rapport avec l’association «Awa». Dans ces moments de détresse où tous mes parents, amis et proches, m’ont tourné le dos, Mona m’a ouvert les portes de sa maison. Je suis arrivée dans un piteux état. J’étais maigre. Je ressemblais à un sac d’os. Un mois après mon arrivée, la maladie m’a clouée au lit. On m’a acheminée à l’hôpital Fann où j’ai été, durant un bon bout de temps, hospitalisée. Après avoir repris mes forces et m’être battue avec le virus, ma santé s’est améliorée et je suis revenue à la maison Rose où Mona, qui a un cœur d’or, m’a donné le soutien et l’attention qu’il me fallait. Elle a su m’écouter. Je lui ai raconté mes peines et misères. En discutant avec elle, j’ai pu faire face à ma maladie. J’ai fait un grand pas en avant. Dans ma propre maison, j’étais devenue une intruse dont on ne voulait plus. Le Sida a gâché ma vie. Et jusqu’à aujourd’hui, je ne sais pas comment elle m’a été transmise. J’ai été coiffeuse et restauratrice dans le passé et je me dis que j’ai attrapé le virus en me coupant. Je prends mon traitement qui est très douloureux. Des fois, je me réveille avec le corps endolori, comme si j’étais paralysée. Aujourd’hui, ma vie est confinée entre les 4 murs de la maison Rose.»

T. Marie Louise Ndiaye

NB : Les noms ont été changés 



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