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CASAMANCE : Un cancer politico-militaire | Décryptage Par Babacar Justin NDIAYE

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CASAMANCE : Un cancer politico-militaire | Décryptage Par Babacar Justin NDIAYE

Chérif Dramane Bertrand Bassène ? On peut compter sur les doigts d’une main, les rares décideurs, journalistes et spécialistes de l’endémique crise casamançaise, qui le connaissent. Historien, en exil ou en séjour en France, il fait partie de la crème universitaire du Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (Mfdc) très en retrait des projecteurs de l’actualité réverbérante, mais très en pointe dans la prise en charge idéologique et / ou scientifique du séparatisme dramatiquement incrusté sur le flanc sud du Sénégal.

Maquisard d’amphithéâtre ou bien rebelle du Quartier Latin (en tout cas loin du sanctuaire assiégé de Salif Sadio et du PC itinérant d’Ousmane Niantang Diatta) Chérif D. B. Bassène forme – avec le Docteur Apakéna Diémé, l’ingénieur Pape André Diatta et l’ethnologue Binetou Diallo – les intellectuels de choc de l’aile extérieure du Mfdc, dont la mission permanente consiste à convaincre le monde des chercheurs et la communauté internationale, de la pertinence du destin non commun, donc séparé d’une« Casamance qui n’est pas dans le Sénégal ; mais avec le Sénégal par la volonté coloniale de la France » suivant la formule inoxydable de feu Abbé Diamacoune Senghor.

Historien et janissaire de l’Histoire, Chérif D. B. Bassène est l’auteur d’un ouvrage – tout récemment publié en France – qui dit sans ambages que : « Le colonisateur n’avait pas intégré la Casamance dans l’espace sénégalais ». Rien de nouveau dans le discours aussi ancien qu’intangible du Mfdc, est-on tenté de dire, dans un bref soupir de lassitude.

Sauf que sur le terrain de la propagande qui prolonge le théâtre des opérations, les rebelles en col blanc possèdent une longueur d’avance sur les diplomates de l’Etat, et les introuvables défenseurs de la Nation indivisible, à travers le monde. En effet, à Paris, à Rome, à New-York et à Washington, les membres du gouvernement et les responsables du Pds vont à la pêche des voix. Jamais à la croisade contre les fossoyeurs (doués et diplômes) de l’intégrité territoriale. Lesquels sont en voie de gagner l’autre bataille qui a pour enjeu : l’opinion casamançaise et étrangère. 

En outre, la période délibérément choisie pour sortir le bouquin, fournit la meilleure caisse de résonance pour des interpellations vigoureuses, en direction des aspirants comme des titulaires du pouvoir. Tous en campagne électorale, sur des thèmes plus en rapport avec les alliances en cours et les institutions futures, qu’avec un dessein clair pour la Casamance vachement cassée.

Bien entendu, les candidats ne sont pas tous muets sur le sujet. Idrissa Seck en fait le point nodal de sa gouvernance post-victoire. Dans ses discours publics comme durant ses audiences restreintes, le Président de Rewmi projette ses efforts et son énergie dans la restauration de la paix. C’est effectivement le premier chapitre de son programme de gouvernement.

Motivation similaire chez le leader de l’Apr, Macky Sall, qui dit et répète que la Casamance le préoccupe de façon primordiale. Non sans récuser, au passage, le concept de « guerre de faible intensité » que les analystes impriment à l’orgie de violences prévalant en Casamance. Du reste, la conjoncture n’a pas laissé indifférent le Collectif des cadres casamançais qui souhaite accueillir et auditionner tous les candidats, sur les articulations majeures de leurs ambitions pour la région naturelle et méridionale du Sénégal.  

Toutefois, que valent les professions de foi ? Il va sans dire qu’un discours sur la paix n’est la  paix. N’avait-on pas promis de résoudre l’équation en 100 jours ? On la traîne encore tel un boulet. Combien d’accords de paix engloutis et non appliqués ? Aussi innombrables que les mines antipersonnel et antichars enfouis dans le sol de la région. Voilà qui dresse un mur de scepticisme face aux candidats à l’élection présidentielle. Y compris ceux qui sont habités par la sincère volonté de désembourber le dossier, avec l’aide d’experts nationaux soucieux de bâtir la paix en Casamance, et non des villas à Dakar, en exploitant le filon d’or d’une médiation stérile et affairiste.

Mais, par delà la thèse – trop abrupte – défendue par son auteur, ce livre-électrochoc  a le fâcheux mérite de rappeler au corps électoral (les Sénégalais appelés à élire très prochainement un Président de la république) que la crise casamançaise est un cancer politico-militaire qu’on ne soigne pas avec un cachet d’aspirine ou une tasse de camomille. Il a également la vertu accablante de démontrer que le régime libéral a pris le relais de l’enlisement, des mains du régime socialiste, avant de faire cap sur l’impasse.

Enfin, cette littérature de belligérance aura, peut-être, le salvateur effet de tirer la nation de sa torpeur mortelle vis-à-vis de ce trentenaire cancer qui engendre toute une gamme de métastases : trafic d’armes conjoint Bissau-Mfdc, onéreuse opération Gabou, gel du pétrole du Cap-Roxo, clash entre Dakar et Téhéran, velléités anti-sénégalaises du défunt régime de Gbagbo et… last but no least, les visées revanchardes de l’ambassade de Taiwan à Banjul.       

En vérité, ce sont moins les thèses savantissimes (je les passerai la prochaine fois au crible) de Chérif D. B. Bassène qui impressionnent – l’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait créé ; en dehors des dates et des faits bruts, le consensus n’y fleurit pas – que les maladresses gouvernementales. Un cocktail d’erreurs et de carences qui apportent de l’eau au moulin du Mfdc et de sa propagande.

En l’espace d’un trimestre, deux initiatives mal pilotées ont drastiquement baissé la cote du gouvernement auprès des populations de la Casamance. Premièrement, le largage (sans parachute) de Faustin Diatta a été une grosse hérésie dont le Président et son Premier ministre pouvaient habilement faire l’économie, à l’orée d’un rendez-vous électoral. Plus grave le réaménagement ministériel a débouché sur la concentration de deux ministères (sans passerelles) dans les mains d’Abdoulaye Makhtar Diop. C’est maintenant corrigé. Mais ce fut un manque criard de vigilance psychologique à l’égard d’une région chroniquement frustrée ; et prompte à voir partout les signes d’un « wolofocentrisme » ou nombrilisme nordiste. D’autant que le fils du Baol, Khadim – aussi contre-performant à l’Agriculture que Faustin le fut aux Sports – a été in extremis repêché le 4 décembre dernier.

Pourtant, ce remaniement fatal à Faustin, est intervenu au lendemain d’une interview du Président Abdou Diouf, dans laquelle, il narre les recommandations de son illustre prédécesseur. Conseils de Léopold Sédar Senghor à son Premier ministre (nous sommes en 1970) fraîchement nommé : « Abdou, dites devant les députés que vous avez en vous, un quart de sang ouolof, un quart de sang sérère et un quart de sang toucouleur etc. » Comme quoi, un remaniement est politique, technocratique, régional et confessionnel. Bref, un festival de dosages qui est l’apanage des grands hommes d’Etat ayant le culte de l’équilibre national. 

Deuxièmement, après le massacre d’une dizaine de jeunes gens dans la forêt de Diagnon, ni le Président, ni le chef du gouvernement (encore moins le ministre de l’Intérieur) n’ont fait le déplacement de Ziguinchor. On a envoyé sur place les deux benjamins du gouvernement (Aliou Sow et Mamadou Lamine Keita) qui – choquante et suprême maladresse – ont exhibé devant les caméras de la Rts, les 5 millions de francs Cfa destinés aux familles anéanties par la douleur. Une publicité jamais appliquée aux mallettes qui sont régulièrement convoyées vers les capitales confrériques du pays. Même l’ex-représentant du Fmi, Alex Segura (ni malade ni blessé) a été plus généreusement et plus dignement (sans caméra) servi que les citoyens éplorés de Casamance. A ce rythme-là, les chargés de la propagande du Mfdc n’auront bientôt plus besoin de talent et de livres. Le gouvernement s’en charge déjà fort bien.

Tous les observateurs en conviennent. Le Mfdc a toujours fonctionné comme une sorte de bactérie dans le corps humain. Tant que le corps a été fort, la bactérie a dormi ; lorsqu’il a faibli, elle s’est réveillée. Autrement dit, tant que la bonne gouvernance a été au rendez-vous, avec Senghor aux commandes de l’Etat (1960-1980) la paix a prospéré. En revanche, c’est durant l’ère Diouf que le déficit de gouvernance a montré le bout du nez, et entrainé dans son sillage, l’éclosion de la rébellion armée. Depuis mars 2000, c’est une gouvernance libérale et inénarrable qui est entrain de booster le cancer. 

     



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