
Chérif Dramane Bertrand Bassène ? On peut compter sur les doigts d’une main, les rares décideurs, journalistes et spécialistes de l’endémique crise casamançaise, qui le connaissent. Historien, en exil ou en séjour en France, il fait partie de la crème universitaire du Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (Mfdc) très en retrait des projecteurs de l’actualité réverbérante, mais très en pointe dans la prise en charge idéologique et / ou scientifique du séparatisme dramatiquement incrusté sur le flanc sud du Sénégal.
Maquisard d’amphithéâtre ou bien
rebelle du Quartier Latin (en tout cas loin du sanctuaire assiégé de Salif
Sadio et du PC itinérant d’Ousmane Niantang Diatta) Chérif D. B. Bassène forme
– avec le Docteur Apakéna Diémé, l’ingénieur Pape André Diatta et l’ethnologue
Binetou Diallo – les intellectuels de choc de l’aile extérieure du Mfdc, dont
la mission permanente consiste à convaincre le monde des chercheurs et la
communauté internationale, de la pertinence du destin non commun, donc séparé d’une« Casamance qui n’est pas dans le
Sénégal ; mais avec le Sénégal par la volonté coloniale de
Historien et janissaire de
l’Histoire, Chérif D. B. Bassène est l’auteur d’un ouvrage – tout récemment
publié en France – qui dit sans ambages que : « Le colonisateur
n’avait pas intégré
Sauf que sur le terrain de la
propagande qui prolonge le théâtre des opérations, les rebelles en col blanc
possèdent une longueur d’avance sur les diplomates de l’Etat, et les
introuvables défenseurs de
En outre, la période délibérément
choisie pour sortir le bouquin, fournit la meilleure caisse de résonance pour
des interpellations vigoureuses, en direction des aspirants comme des
titulaires du pouvoir. Tous en campagne électorale, sur des thèmes plus en
rapport avec les alliances en cours et les institutions futures, qu’avec un
dessein clair pour
Bien entendu, les candidats ne sont pas tous muets sur le sujet. Idrissa Seck en fait le point nodal de sa gouvernance post-victoire. Dans ses discours publics comme durant ses audiences restreintes, le Président de Rewmi projette ses efforts et son énergie dans la restauration de la paix. C’est effectivement le premier chapitre de son programme de gouvernement.
Motivation similaire chez le
leader de l’Apr, Macky Sall, qui dit et répète que
Toutefois, que valent les professions de foi ? Il va sans dire qu’un discours sur la paix n’est la paix. N’avait-on pas promis de résoudre l’équation en 100 jours ? On la traîne encore tel un boulet. Combien d’accords de paix engloutis et non appliqués ? Aussi innombrables que les mines antipersonnel et antichars enfouis dans le sol de la région. Voilà qui dresse un mur de scepticisme face aux candidats à l’élection présidentielle. Y compris ceux qui sont habités par la sincère volonté de désembourber le dossier, avec l’aide d’experts nationaux soucieux de bâtir la paix en Casamance, et non des villas à Dakar, en exploitant le filon d’or d’une médiation stérile et affairiste.
Mais, par delà la thèse – trop abrupte – défendue par son auteur, ce livre-électrochoc a le fâcheux mérite de rappeler au corps électoral (les Sénégalais appelés à élire très prochainement un Président de la république) que la crise casamançaise est un cancer politico-militaire qu’on ne soigne pas avec un cachet d’aspirine ou une tasse de camomille. Il a également la vertu accablante de démontrer que le régime libéral a pris le relais de l’enlisement, des mains du régime socialiste, avant de faire cap sur l’impasse.
Enfin, cette littérature de belligérance aura, peut-être, le salvateur effet de tirer la nation de sa torpeur mortelle vis-à-vis de ce trentenaire cancer qui engendre toute une gamme de métastases : trafic d’armes conjoint Bissau-Mfdc, onéreuse opération Gabou, gel du pétrole du Cap-Roxo, clash entre Dakar et Téhéran, velléités anti-sénégalaises du défunt régime de Gbagbo et… last but no least, les visées revanchardes de l’ambassade de Taiwan à Banjul.
En vérité, ce sont moins les thèses savantissimes (je les passerai la prochaine fois au crible) de Chérif D. B. Bassène qui impressionnent – l’Histoire est le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait créé ; en dehors des dates et des faits bruts, le consensus n’y fleurit pas – que les maladresses gouvernementales. Un cocktail d’erreurs et de carences qui apportent de l’eau au moulin du Mfdc et de sa propagande.
En l’espace d’un trimestre, deux
initiatives mal pilotées ont drastiquement baissé la cote du gouvernement
auprès des populations de
Pourtant, ce remaniement fatal à Faustin, est intervenu au lendemain d’une interview du Président Abdou Diouf, dans laquelle, il narre les recommandations de son illustre prédécesseur. Conseils de Léopold Sédar Senghor à son Premier ministre (nous sommes en 1970) fraîchement nommé : « Abdou, dites devant les députés que vous avez en vous, un quart de sang ouolof, un quart de sang sérère et un quart de sang toucouleur etc. » Comme quoi, un remaniement est politique, technocratique, régional et confessionnel. Bref, un festival de dosages qui est l’apanage des grands hommes d’Etat ayant le culte de l’équilibre national.
Deuxièmement, après le massacre
d’une dizaine de jeunes gens dans la forêt de Diagnon, ni le Président, ni le
chef du gouvernement (encore moins le ministre de l’Intérieur) n’ont fait le
déplacement de Ziguinchor. On a envoyé sur place les deux benjamins du
gouvernement (Aliou Sow et Mamadou Lamine Keita) qui – choquante et suprême
maladresse – ont exhibé devant les caméras de
Tous les observateurs en conviennent. Le Mfdc a toujours fonctionné comme une sorte de bactérie dans le corps humain. Tant que le corps a été fort, la bactérie a dormi ; lorsqu’il a faibli, elle s’est réveillée. Autrement dit, tant que la bonne gouvernance a été au rendez-vous, avec Senghor aux commandes de l’Etat (1960-1980) la paix a prospéré. En revanche, c’est durant l’ère Diouf que le déficit de gouvernance a montré le bout du nez, et entrainé dans son sillage, l’éclosion de la rébellion armée. Depuis mars 2000, c’est une gouvernance libérale et inénarrable qui est entrain de booster le cancer.
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