Il est temps de s'alarmer de l'évolution fulgurante du Coronavirus dans notre pays. Placé dans le top 10 des pays africains les plus touchés, le Sénégal occupe désormais le 6ième rang de ce classement avec 2480 cas déclarés positifs dont 973 guéris, 25 décès et 1481 malades sous traitement, selon le point établi ce dimanche 17 mai 2020.
Il est vrai que ces derniers chiffres du ministère de la Santé et de l'Action sociale font froid dans le dos. Mais, pour mieux se rendre compte du rythme effréné de la propagation du virus, il faut surtout noter qu'entre le 2 et le 14 mai, les cas positifs sont passés de 1115 à 2189. Soit plus de 1000 nouveaux cas en juste 12 jours !
"L'heure est grave", disait pourtant le Président Macky SALL lors de sa toute première déclaration officielle sur le Covid-19, le 14 mars dernier. Hélas, son alerte n'aura pas servi à grand-chose car, comme en attestent ces chiffres, la situation est allée de mal en pis et la maladie a fini par gagner beaucoup de terrain.
Face à une progression aussi fulgurante, notre système sanitaire ne pouvait naturellement pas tenir. Notre seuil de saturation par rapport au nombre de lits disponibles a été vite dépassé. Et malgré la décision du ministère de la Santé et de l'Action sociale de mettre à disposition 200 lits supplémentaires, l'afflux de malades a été tel qu'on a fini par adopter la prise en charge extra hospitalière. Ce qui pourrait affecter très sérieusement la qualité des soins prodigués à nos malades du Covid-19.
Outre ces problèmes liés au traitement, une autre difficulté réside dans la prise en charge des milliers de cas contacts placés en isolement dans des réceptifs hôteliers, en raison de 50.000 francs par personne et par nuitée. Lesquels réceptifs hôteliers doivent aussi accueillir désormais des malades en cours de traitement.
Ce qui veut dire à quel point notre capacité d'accueil a été très largement dépassée. Et c'est visiblement pour cette raison que nos compatriotes rapatriés récemment de France par vol spécial n'ont pas été placés en isolement par l'État et ont tous regagné leurs domiciles. Il en sera de même avec ceux qui suivront le 21 mai prochain, toujours par vol spécial. Ce n'est pas la peine de faire un dessin sur tous les risques de contaminations encourus avec une telle option.
Mais, si on en arrive là, c'est parce que l'État commence à penser sérieusement à l'impact que pourrait avoir la prise en charge de l'épidémie sur l'état de nos finances publiques. L'ardoise pourrait être en effet très salée et même intenable pour le trésor public. Quels que soient donc les efforts fournis par l'État et l'apport des généreux donateurs et quels que puissent être l'engagement et le professionnalisme du personnel médical, la guerre contre le Covid-19 est perdue d'avance tant que la communauté n'en fera pas sa propre affaire.
Pour cela, il faut nécessairement une prise de conscience collective et, par conséquent, la mobilisation de tous les Sénégalais. Aussi, voudrais-je inviter l'ensemble de nos compatriotes à ce sursaut national qui est fondamental si nous voulons triompher rapidement du Covid-19.
Chaque Sénégalais a ainsi le devoir de respecter scrupuleusement les gestes barrières préconisés par le personnel médical, tout comme les mesures de restrictions édictées dans le cadre de l'état d'urgence.
J'interpelle en particulier ceux qui prennent des voies détournées pour contourner allègrement l'interdiction des déplacements interurbains, ceux qui violent le couvre-feu, ceux qui continuent de transporter en motocyclette des individus d'une contrée à l'autre, ceux qui rechignent à porter un masque dans les lieux publics et ceux qui refusent, en toute insouciance, d'appliquer les autres mesures barrières.
Au-delà de leur incivisme caractérisé et de leur irresponsabilité, ils exposent leur propre santé, celle de leur famille et de leurs proches, ainsi que celle de toute personne qui a la malchance d'entrer en contact avec eux.
Le comportement de ces individus est tout aussi condamnable que celui de ces autres compatriotes suspectés de pouvoir attraper le virus de par leurs contacts, mais qui refusent systématiquement leur isolement. N'hésitant même pas à s'enfuir pour échapper au personnel médical en charge de leur suivi. Certes, cette attitude est à la fois inconsciente et irresponsable, mais ses auteurs le font hélas pour échapper à la stigmatisation dont sont victimes autant les malades du Coronavirus que les simples cas suspects.
Pour en finir avec cette image surréaliste de cas suspects fuyant pour échapper à leur mise en quarantaine, il nous faut changer notre rapport à la maladie et la perception qu'en ont encore beaucoup d'entre nous. Encore que le Coronavirus n'a rien d'une maladie "honteuse", si tant est qu'une pathologie quelle qu'elle soit, puisse être qualifiée comme telle. D'ailleurs, le Covid 19 ne frappe-t-il pas sans discernement les riches comme les pauvres, les hommes comme les femmes, les jeunes comme les personnes âgées ?
En fait de stigmatisation, je considère que c'est d'ailleurs une erreur que d'avoir brandi un moment dans le discours officiel, le confinement comme une sanction à l'endroit des populations pour non-respect des consignes de prévention individuelle et collective. Ainsi, le fait d'avoir laissé percevoir cette mise en quarantaine comme une menace et donc une punition, a en effet renforcé l'idée chez les cas suspects que leur placement en isolement était ni plus ni moins qu'un châtiment. D'où leur propension à s'enfuir pour y échapper. Ceux qui ont en charge la conception du discours officiel gagneraient donc à corriger la communication à ce niveau.
Par ailleurs, même si la décision a été prise d'alléger les restrictions prises dans le cadre de l'état d'urgence, cela ne devrait point entraîner un relâchement dans la lutte contre le Covid-19.
C'est au gouvernement d'y veiller particulièrement en encadrant de manière très stricte ces mesures d'assouplissement afin qu'elles ne soient aucunement perçues par les populations comme le signe que nous serions peut-être en train de prendre le dessus sur la maladie. Ce qui est bien loin de la réalité.
De même, le gouvernement devra aussi s'évertuer à garantir deux choses : la protection du personnel médical et la mise à disposition d'équipements adéquats pour des soins de qualité dans tous les centres de traitement.
En effet, vu le caractère très contagieux du Covid-19, des équipements de protection individuelle (EPI) doivent être fournis à suffisance au corps médical. Et pas seulement au personnel soignant déployé dans les centres de traitement, mais plutôt à l'ensemble des agents de santé qui sont en contact permanent avec tous les types de patients et qui restent ainsi très exposés avec les malades asymptomatiques qui peuvent se présenter au niveau de leurs structures.
Il est tout aussi impératif d'équiper l'ensemble des centres de traitement du matériel nécessaire à la prise en charge de cas graves afin d'éviter à l'avenir ce qui s'est passé récemment à Touba avec cette pauvre patiente qui aurait perdu la vie, faute de respirateur.
Pour vaincre le Covid-19, chacun devra donc jouer pleinement sa partition. Autant les populations ont l'obligation respecter scrupuleusement les gestes barrières et les restrictions imposées par l'état d'urgence, autant les pouvoirs publics doivent créer les conditions d'une protection maximale du personnel de santé et d'une prise en charge efficiente des malades.
Je termine en reprenant cette image que j'ai déjà utilisée dans une déclaration que j'avais rendue publique dès l'apparition de la pandémie dans notre pays. Chaque Sénégalais, disais-je, doit se comporter en bon soldat et se faire un point d'honneur de ne pas céder le moindre pouce de terrain au Covid-19. C'est de cette manière, et de cette manière seulement, que nous gagnerons la guerre contre cette pandémie.
Pape DIOP,
Président de la Convergence Libérale et Démocratique/ Bokk Gis Gis
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