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Vendredi 01 Juin, 2018 +33
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Dias, l’ennemi à Barth

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Dias, l’ennemi à Barth



« L’ignorance n’a pas de pudeur : elle a
l’habitude très fréquente de
suppléer par la violence et l’audace
à ce qui lui manque naturellement ».
Nicéphore GREGORAS


On ne doit jamais se réjouir d’une mort. Mais celle de Ndiaga Diouf ne suscite pas chez moi la moindre compassion. En s’attaquant à une institution municipale avec sa bande d’agresseurs bien installés dans leurs rutilantes quatre par quatre, il commettait un crime en bande organisée. Si son funeste plan avait bien marché, nous aurions peut-être perdu un maire. C’est un délinquant qui est mort à sa place, atteint d’une balle au moment de prendre la fuite, quand il s’est aperçu que celui qu’il avait en face de lui n’était pas homme à se laisser faire. Nous pouvons regretter cette issue fatale, puisqu’au bout du compte, un homme a perdu sa vie et un autre sa liberté. Mais nous ne devons pas en vouloir à Barthelemy Dias, s’il n’a pas offert sa poitrine à des bandits arrivés avec l’intention manifeste de lui faire du mal. Il a été plus chanceux, mais il aurait pu laisser sa vie dans cette confrontation. Sous le feu de l’action, il devait choisir entre la mort certaine et la prison assurée. Un homme placé dans une telle situation se défend comme il peut et personne ne peut prédire avec précision quelle peut être sa réaction.
Un homme est mort, il faut le regretter, mais il a lui-même été la cause de sa perte. Le caractère spectaculaire des images rapportées par les télévisions locales ne doit pas nous faire oublier que c’est un délinquant qui a trouvé la mort en s’attaquant à un honnête citoyen devant l’institution qu’il dirige, et ce maire tout le temps provoqué s’était doté d’un permis de port d’arme pour se prémunir de ses ennemis. Si ces voyous n’avaient pas accepté de se livrer à cet acte répréhensible, motivés par le gain de quelques milliers de francs promis par leurs commanditaires, ce Ndiaga Diouf ne serait pas mort. Ses amis du Pds avaient toutes les raisons de lui accorder une minute de silence, pour avoir perdu un de leurs gros bras en service commandé. Ce devait être une grosse perte pour qu’Abdoulaye Wade, avec son air compassé, lui rende un hommage qu’il n’a jamais rendu à un seul de nos soldats morts en Casamance ou aux manifestants abattus par les policiers qu’il lance à leurs trousses.
Ce chef d’Etat caligulesque est l’ordonnateur de tous ces crimes, coordonnés par Baye Moussé Bâ, le même homme de main cité dans cette affaire, qu’il a fait disparaître pour le soustraire à la Justice. L’enquête de gendarmerie avait établi de la manière la plus formelle que c’est l’arme de cet ancien calot bleu qui a servi lors de l’agression de Talla Sylla en octobre 2005. Le dossier a été bloqué par le président de la République et le seul qui était passé aux aveux, Ismaela Mbaye, est mort par « accident », sur la route de Touba, dans des circonstances jamais élucidées. S’il avait été arrêté, nous n’en serions pas là. En juillet 2008 à Chicago, nous avons appris que dès qu’il a été informé que Talla Sylla et moi étions présents parmi les manifestants, Aboulaye Wade a donné l’ordre de nous agresser, et c’est sous la conduite du même Bro que j’ai été sauvagement tabassé. C’est pourquoi tant de gens, même s’ils ne se réjouissent pas de cette mort, comprennent bien le geste de Barthelemy Dias et le portent comme un héros. Au moins grâce à lui, les nervis réfléchiront par deux fois avant d’accepter une offre du Pds. Abdoulaye Wade comprendra lui aussi que son parti n’a pas le monopole de la violence aveugle. Les intimidations, les menaces contre des leaders de l’opposition, les attaques restées impunies contre des journalistes, les crimes policiers jamais élucidés ont donné l’impression chacun doit se défendre comme il peut et que la loi est toujours celle du plus fort. Tous ceux qui le peuvent sont maintenant armés et attendent de se défendre. Amadou Sall, ancien ministre de la Justice, responsable de la communication du candidat Abdoulaye Wade, sans peut-être prendre la mesure de ses propos, déclarait récemment que « si quelqu’un incendie ma maison, j’incendie sa maison ». En plus d’être insensés, ces propos sont graves, puisqu’ils signifient qu’il admet qu’on ne peu plus compter sur l’Etat pour garantir la sécurité et rendre justice aux citoyens.
En disant ceci, je ne cherche pas à accabler Abdoulaye Wade. Il est l’héritier d’une tradition aristocratique Ceddo bien de chez nous, qui veut que la politique soit d’abord une affaire d’escrocs et de menteurs, ensuite une affaire d’hommes virils. S’il s’est doté de milices, c’est qu’il lui en a fallu pour survivre en tant qu’opposant, après les attaques de Makakoulibantan, en 1978. C’est par la suite qu’il en a fait un instrument d’intimidation et de chantage. C’est par aveuglement volontaire que nous refusons d’assumer notre passé, en chantant les odes au citoyen modèle servis par nos hommes religieux. Alors que même dans leurs familles, les premières successions se sont faites à coups de canon et de couteau entre frères et oncles qui se disputaient la légitimité. Aujourd’hui encore, c’est dans les cités religieuses qu’il faut aller, pour trouver une arme à feu à bon prix. Pendant longtemps, il fallait se rendre à « Kër Serign bi ».
La fusillade qui a coûté la vie à Ndiaga Diouf ressemble à bien des égards à la confrontation restée légendaire entre la garde d’Abdoulaye Wade et les hommes de Pape Lô à Ndand, près de Kébémer, en 1993. Il y avait ce jour-là, tous ceux qui ont été par la suite impliqués dans l’assassinat de Me Babacar Sèye : Ahmed Guèye, Clédor Sène, Assane Diop, Abdoulaye Wade, Ousmane Ngom,  mais aussi Jean Paul Dias, père de Barthelemy. Il y a eu un échange nourri de coups de feu et Abdoulaye Wade aurait pu y perdre la vie, comme il aurait pu mourir à Rufisque en février 2000, quand Mbaye Jacques Diop a tiré sur son convoi. Mais la violence s’arrêtait à la périphérie, jamais au sommet du pouvoir.
Ce qu’Abdoulaye Wade a apporté de nouveau, c’est d’avoir fait de la présidence de la République un lieu de crime. Jamais un chef d’Etat n’a fait l’apologie de la violence ou encouragé le crime comme l’a fait Abdoulaye Wade. Les calots bleus se sont embourgeoisés et sont devenus si riches qu’ils préfèrent payer des intérimaires, parmi les 5000 licenciés de la lutte. La propagande nationale fait maintenant croire qu’il est plus avantageux de faire confiance à ses muscles qu’à sa cervelle. Nous regretterons encore longtemps cette sur-médiatisation de la lutte sénégalaise. Je le disais ici au sujet d’un ami qui me rapportait, renversé, sa conversation avec un chauffeur de taxi qui le conduisait chez lui. L’homme a fait venir son fils à Dakar pour le confier à ses amis, non pas pour lui trouver un bon lycée, mais parce qu’ils habitent à côté d’une école de lutte réputée. Il est un énorme gabarit et pense que son fils, s’il est assidu à l’entraînement, pourra rapporter des centaines de millions à sa famille. Je me suis demandé ce que ce grand abruti, quand il aura appris à tout faire avec ses gros muscles et rien avec sa cervelle, fera de sa vie tout court.

SJD



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