Parmi les vocations premières de l’école figure la transmission de deux formes de savoir : un savoir-faire et un savoir-vivre. Avec le temps, le premier savoir semble avoir perdu de l’ampleur tandis que le second est presque rayé du programme. Force est cependant de reconnaître que les deux savoirs doivent aller ensemble. La primauté devrait même être donnée au savoir-vivre car c’est lui qui prédispose l’enfant à l’acquisition d’un autre savoir. C’est donc une tâche et une responsabilité dont l’exercice ne sort pas du cadre familial et un suivi opéré au sein de l’espace scolaire. En d’autres termes, le constat actuel qui laisse entrevoir une jeunesse sans repère solide est un long processus de désintéressement et de démission opérés tout d’abord par les parents avant que l’école ne leur emboîte le pas. Le système éducatif national actuel, avec tous les problèmes notés et dont les résultats jugés catastrophiques aux examens de fin d’année ne font que confirmer, en est une parfaite illustration. On doit unanimement reconnaître par ordre d’importance des responsabilités l’implication de tout un chacun. L’ordre pouvant être établi comme suit : Etat, Enseignants, Elèves et Parents d’élèves.
La responsabilité de l’Etat est engagée en premier lieu dans la mesure où c’est à l’Etat qu’incombe ce devoir d’éducation des citoyens en élaborant des politiques qui garantissent un enseignement de qualité. Celui-ci a un prix que pouvaient couvrir les 40% du budget alloués à l’éducation si cette manne financière considérable parvenait à motiver les enseignants et à créer des conditions d’études acceptables pour les élèves. L’impression qu’on a avec ces corps d’enseignants dits « émergents » c’est que l’Etat veut se faire des bénéfices sur l’éducation en ne procédant pas au recrutement d’enseignants bien formés et qui ont des dispositions avérées à l’enseignement. A la place l’Etat recrute en masse des vacataires et contractuels avec tous les risques sur la qualité de l’enseignement. On ne peut pas s’empêcher de suggérer qu’on essaye l’ignorance si l’on pense que l’éducation est chère pour voir ce que cela va donner. Tout cela pour tout simplement dire qu’une éducation de qualité a un prix.
Toute cause ayant une conséquence, les enseignants dont la majorité a rejoint la corporation pour trouver un gagne-pain avec quelques fois des compétences à parfaire, se plaignent souvent de leurs conditions de vie et de travail. Le résultat c’est des grèves à n’en plus finir et dont les élèves en sont les principales victimes. C’est justement à ce niveau que les enseignants peuvent être blâmés car on ne peut pas avoir choisi une profession considérée comme le parent pauvre de la fonction publique en matière de traitement salarial et réclamer des avantages légitimes du reste mais au prix de privations pour les élèves de leur droit absolu à une éducation. Il faut également reconnaître que la responsabilité de l’Etat est engagée à ce niveau car les revendications des syndicats ayant souvent reçu un engagement d’accord de l’autorité, ne demandent qu’une concrétisation. L’Etat devrait mettre à profit la période des vacances scolaires pour régler définitivement ces points de discorde et renforcer le travail d’anticipation sur les probables causes de grève.
A ce tiraillement entre Etat et syndicats d’enseignants vient s’ajouter un manque de volonté de la part des élèves. Force est de reconnaître que l’école ne fait plus rêver surtout si elle doit constituer une passerelle vers une réussite sociale. L’homme d’affaire qui n’a pas fait des études poussées, le footballeur professionnel, le lutteur, le musicien, le mannequin et j’en passe, ont fini de ravir la vedette aux détenteurs d’une Licence universitaire. Et ce dicton wolof, discutable du reste, qui pense que la chance vaut mieux que la Licence semble avoir ravi aux jeunes l’engouement pour les études si ce n’est pas le rêve d’aller en Europe ou aux Etats Unis qui les déconnecte de l’école et de tout effort de d’autoréalisation. Aussi, la plupart des parents, préoccupés à joindre les deux bouts dans un contexte économique difficile, n’ont plus le temps de veiller correctement à l’éducation de leurs enfants qui, en l’absence de garde-fous pour les dissuader, ont tendance à confondre liberté et libertinage.
Un recadrage s’impose pour éviter des conséquences plus fâcheuses. La première étape de celui-ci consiste à reconnaître chacun en ce qui le concerne sa part de responsabilité. A cela s’ajoute une restauration de la morale et de la dignité humaine propres à nos valeurs africaines car on ne peut pas inculquer la vertu quand on ne l’incarne pas au quotidien. La vertu comme vaccin saurait prémunir les jeunes contre toute agression externe et leur redonner confiance en eux. En d’autres termes, leur donner les moyens de s’enraciner avant de s’ouvrir sans se renier, comme le suggérait Senghor.
M. NDIAYE Papa Lamine
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