Je donne une nouvelle vie à ce texte prononcé il y a bientôt deux ans lors du Gingembre littéraire, cet espace fécond créé par mon ami, le journaliste Gorgui Wade Ndoye. Je le publie ici sous le haut patronage de la notion de CONVERSATION, mécanisme connu dans notre histoire et notre société pour gérer la diversité et l’équilibre. Je le publie surtout pour en appeler à notre responsabilité collective de dresser toutes les forces vives de la Nation contre les dérives et les dogmatismes qui menacent notre équilibre social.
Amin Maalouf utilise une image terrible, pour dire notre monde, celle d’un « paquebot moderne, scintillant, sûr de lui et réputé insubmersible (...) portant une foule de passagers de tous les pays et de toutes les classes, et qui avance en fanfare vers sa perte » (p.15 in Le naufrage des civilisations, Grasset, 2019).
Maalouf fait ce constant terrifiant:
« ... C’est l’incapacité de vivre ensemble qui est devenue la règle » (p.13).
Pourquoi notre paquebot avance vers sa perte?
Pourtant, la mondialisation a promis un monde lisse, sans aspérités majeures, propice à un paisible progrès, uni et solidaire.
Paradoxalement, les différences n’ont jamais été aussi exaltées au point que Samuel Huntington parlât, il y a quelques années, d’un « choc des civilisations ».
Or, souligne fortement Maalouf,
« ... la croyance en des « différences irréductibles » nous engage, sans que nous le voulions, sur une voie périlleuse et perverse, qui conduit à abolir la notion d’universalité, et même celle d’humanité » (p.106).
Oui, nous sommes dans un monde où les différences les plus banales s’aiguisent et acquièrent une épaisseur qui menace le vivre ensemble. La différence est la notion centrale pour saisir et les fondements du vivre ensemble et ce qui, paradoxalement, la menace.
Pourquoi? Parce que le vivre ensemble postule la reconnaissance des différences, leur acceptation, leur assomption. Mais en même temps, le vivre ensemble est une atténuation des différences.
Plus, notre vocation, en tant qu’humains, est la quête permanente de ce qui, surplombant les différences, nous institue comme communauté, comme comme humains traversés par le désir pur d’une vie commune, d’une vie fondée sur l’en-commun.
Sur ce chemin de traversée, oblique et égalitaire, j’ai rencontré trois figures dans une temporalité inouïe: l’apôtre Saint Paul, l’info-pakistanais Mouhammad Iqbal et l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane.
Le premier visité grâce à ses Epîtres, exhortations très militantes. Le second rencontré grâce au philosophe sénégalais Souleymane B. Diagne dans un magnifique petit livre « Islam et société ouverte : la fidélité et le mouvement dans la pensée de Muhammad Iqbal ». Le troisième, lu dans le texte précieux qu’est « L’Aventure ambiguë ».
Pourquoi ces trois noms? Pourquoi ces trois textes-là ? Pourquoi ce croisement-là ? Mais surtout, pourquoi entendre ou réentendre leur Dire ?
Dans un monde traversé par des convulsions, le repli sur soi, des irrédentismes désastreux, des conflits meurtriers, où l’exaltation des différences sert souvent de paravent pour mieux réprimer les dissonances, ces trois voix indiquent la voie d’un universalisme possible.
On relève chez Saint Paul, dans l’Epître aux Galates, il y a des siècles, ce propos si insolite à l’époque : « Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ». Et dans l’Epître aux Romains, il déclare : « Gloire, honneur et paix pour quiconque fait le bien, pour le Juif premièrement, pour le Grec ! Car devant Dieu il n’y a point d’acception de personne en Dieu».
Considéré comme l’inspirateur du Pakistan indépendant sans pour autant aucune haine pour l’Inde, Iqbal renonce aux identités fermées pour dire ceci :
« Il n’y a ni Afghans, ni Turcs, ni fils de Tartarie
Nous sommes tous les fruits d’un même jardin
D’un même tronc
Nous sommes la floraison d’un même printemps ».
Cheikh H. Kane tient, quant à lui, cet énoncé inouï : « Chaque heure qui passe apporte un supplément d’ignition au creuset où fusionne le monde. Nous n’avons pas eu le même passé (…), mais nous aurons le même avenir, rigoureusement. L’ère des destinées singulières est révolue. Dans ce sens, la fin du monde est bien arrivée pour chacun de nous, car nul ne peut plus vivre de la seule préservation de soi. Mais, de nos longs mûrissements multiples, il va naître un fils du monde. Le premier fils de la terre. L’unique aussi ».
Et dans une interview accordée à la revue Esprit, Kane exhorte : « Pourvu que nous gardions nos armes en lieu sûr ». Autrement dit, sachons orienter notre pensée et parions sur une action qui ne compromette pas notre désir et notre volonté de « vivre-ensemble ».
Paul, Iqbal et Kane nous mettent ainsi en demeure de conjuguer la montagne et la vallée : il faut absolument traverser les différences sans les nier pour être à même de mettre fin aux différends, du moins pour les tempérer. Ils nous exhortent à semer les nuages d’une pluie apaisante qui détend le monde et le rend un peu moins crispé.
Disons donc, en toute confiance comme en vérité, que le monde, notre monde, doit et peut être un espace où chacun se sent plus heureux et joyeux. Notre société sénégalaise doit être digne de cette exhortation à un vivre-ensemble riche de sa diversité et fort de son harmonie. Enfin… !
El Hadj Hamidou KASSE
Amin Maalouf utilise une image terrible, pour dire notre monde, celle d’un « paquebot moderne, scintillant, sûr de lui et réputé insubmersible (...) portant une foule de passagers de tous les pays et de toutes les classes, et qui avance en fanfare vers sa perte » (p.15 in Le naufrage des civilisations, Grasset, 2019).
Maalouf fait ce constant terrifiant:
« ... C’est l’incapacité de vivre ensemble qui est devenue la règle » (p.13).
Pourquoi notre paquebot avance vers sa perte?
Pourtant, la mondialisation a promis un monde lisse, sans aspérités majeures, propice à un paisible progrès, uni et solidaire.
Paradoxalement, les différences n’ont jamais été aussi exaltées au point que Samuel Huntington parlât, il y a quelques années, d’un « choc des civilisations ».
Or, souligne fortement Maalouf,
« ... la croyance en des « différences irréductibles » nous engage, sans que nous le voulions, sur une voie périlleuse et perverse, qui conduit à abolir la notion d’universalité, et même celle d’humanité » (p.106).
Oui, nous sommes dans un monde où les différences les plus banales s’aiguisent et acquièrent une épaisseur qui menace le vivre ensemble. La différence est la notion centrale pour saisir et les fondements du vivre ensemble et ce qui, paradoxalement, la menace.
Pourquoi? Parce que le vivre ensemble postule la reconnaissance des différences, leur acceptation, leur assomption. Mais en même temps, le vivre ensemble est une atténuation des différences.
Plus, notre vocation, en tant qu’humains, est la quête permanente de ce qui, surplombant les différences, nous institue comme communauté, comme comme humains traversés par le désir pur d’une vie commune, d’une vie fondée sur l’en-commun.
Sur ce chemin de traversée, oblique et égalitaire, j’ai rencontré trois figures dans une temporalité inouïe: l’apôtre Saint Paul, l’info-pakistanais Mouhammad Iqbal et l’écrivain sénégalais Cheikh Hamidou Kane.
Le premier visité grâce à ses Epîtres, exhortations très militantes. Le second rencontré grâce au philosophe sénégalais Souleymane B. Diagne dans un magnifique petit livre « Islam et société ouverte : la fidélité et le mouvement dans la pensée de Muhammad Iqbal ». Le troisième, lu dans le texte précieux qu’est « L’Aventure ambiguë ».
Pourquoi ces trois noms? Pourquoi ces trois textes-là ? Pourquoi ce croisement-là ? Mais surtout, pourquoi entendre ou réentendre leur Dire ?
Dans un monde traversé par des convulsions, le repli sur soi, des irrédentismes désastreux, des conflits meurtriers, où l’exaltation des différences sert souvent de paravent pour mieux réprimer les dissonances, ces trois voix indiquent la voie d’un universalisme possible.
On relève chez Saint Paul, dans l’Epître aux Galates, il y a des siècles, ce propos si insolite à l’époque : « Il n’y a ni Juif ni Grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus ni homme ni femme ». Et dans l’Epître aux Romains, il déclare : « Gloire, honneur et paix pour quiconque fait le bien, pour le Juif premièrement, pour le Grec ! Car devant Dieu il n’y a point d’acception de personne en Dieu».
Considéré comme l’inspirateur du Pakistan indépendant sans pour autant aucune haine pour l’Inde, Iqbal renonce aux identités fermées pour dire ceci :
« Il n’y a ni Afghans, ni Turcs, ni fils de Tartarie
Nous sommes tous les fruits d’un même jardin
D’un même tronc
Nous sommes la floraison d’un même printemps ».
Cheikh H. Kane tient, quant à lui, cet énoncé inouï : « Chaque heure qui passe apporte un supplément d’ignition au creuset où fusionne le monde. Nous n’avons pas eu le même passé (…), mais nous aurons le même avenir, rigoureusement. L’ère des destinées singulières est révolue. Dans ce sens, la fin du monde est bien arrivée pour chacun de nous, car nul ne peut plus vivre de la seule préservation de soi. Mais, de nos longs mûrissements multiples, il va naître un fils du monde. Le premier fils de la terre. L’unique aussi ».
Et dans une interview accordée à la revue Esprit, Kane exhorte : « Pourvu que nous gardions nos armes en lieu sûr ». Autrement dit, sachons orienter notre pensée et parions sur une action qui ne compromette pas notre désir et notre volonté de « vivre-ensemble ».
Paul, Iqbal et Kane nous mettent ainsi en demeure de conjuguer la montagne et la vallée : il faut absolument traverser les différences sans les nier pour être à même de mettre fin aux différends, du moins pour les tempérer. Ils nous exhortent à semer les nuages d’une pluie apaisante qui détend le monde et le rend un peu moins crispé.
Disons donc, en toute confiance comme en vérité, que le monde, notre monde, doit et peut être un espace où chacun se sent plus heureux et joyeux. Notre société sénégalaise doit être digne de cette exhortation à un vivre-ensemble riche de sa diversité et fort de son harmonie. Enfin… !
El Hadj Hamidou KASSE
9 Commentaires
Dougs
En Mars, 2022 (15:52 PM)Ah, Gros Français
En Mars, 2022 (23:23 PM)Reply_author
En Mars, 2022 (16:15 PM)Tangue 6
En Mars, 2022 (16:02 PM)Dans un pays où par la force des choses vous faites partie de ceux la qui dirige chaque jour vous montrez à travers vos discours vos actions et vos réactions votre incapacité à tolérer toute personne qui n est pas dans la même formation politique que vous comment peux tu nous servir cette diatribe appelant l humanité à s unir abstraction faite des différences de nationalité de religion ou d ethnie Seugne kassé bay thi sa wewou tank
Dieuredieuf KOCC BARMA
oui, le texte est bien écrit,
je suis d'accord,
Mais son message ne passera pas, car en réalité, c'est pas les produits de l'école française qui menacent la cohésion sociale.
La cohésion sociale au Sénégal, osons le dire, est menacée par certains marabouts, imams, et leurs talibés. Ces gens là ne pourrons pas comprendre ce texte de Kassé.
L'un des problèmes de ce pays c'est que les intellectuels et ceux qui nous dirigent ne savent pas communiquer avec la masse.
Il faut donc trouver un autre moyen pour sensibiliser cette masse par rapport à ce sujet.
Vive la République Laique du Sénégal!
Que chacun pratique sa religion, tout en respectant et en tolérant l'autre!
Wa Salam!
Foulbes!!!
En Mars, 2022 (17:11 PM)FOULBES!!!
Nkhson
En Mars, 2022 (17:31 PM)Nous avons tous compris le jeu de ces bouffons d'intellos, qui à travers l'écriture et leur poésie cynique, veulent nous faire gober leur improbable utilité au sein de la république. Bien au contraire ils ne sont rien d'autres que des sangsues, de terribles parasites nuisibles à plus d'un titre à la république et à son bon fonctionnement.
En fin de compte, la responsabilité de tous ces méfaits incombe au seul "roi" qui a choisi par pure vanité de s'entourer de sa bande de bouffons. Ce qu'il ne sait pas, c'est que derniers le desservent plus qu'ils ne lui rendent service. Il est certain qu'ils seront les premiers à quitter précipitamment le navire, lorsqu’ils se sentiront en eaux troubles. Le roi devrait tout de même comprendre qu’en dernier lieu, c’est lui qui rendra compte de sa gouvernance chaotique.
Ndiaaya
En Mars, 2022 (18:49 PM)Participer à la Discussion