
Quel puissant anesthésique a donc plongé la nation dans la veulerie au point qu’elle ne se révolte pas contre le calamiteux début de mandat de Macky Sall ? Quel sérum de cynisme a pénétré les veines de notre démocratie pour que nulle clameur ne réprouve les nombreux cafouillages et vasouillages du président de la République ? Au gouvernail de notre pays depuis près de huit mois, Macky sall, recru d’échecs, navigue à l’estime. Depuis son accession au pouvoir, aucun autre pays ne s’est autant fourvoyé que le nôtre sur les chemins de l’errance. La crise énergétique d’une sévérité inénarrable continue de plus belle de plonger nos pénates dans les ténèbres. Et la crise alimentaire de grever le pouvoir d’achat déjà bien élimé des ménages. La confluence pénible entre une délinquance galopante et le laxisme des soliveaux au pouvoir attise le sentiment de déréliction sécuritaire des citoyens. Notre diplomatie, jadis si respectée, ne cesse, sous Macky Sall, de voir ses dorures s’écailler et son tranchant s’émousser. Enfin la jeunesse, engloutie dans la crevasse toujours béante du chômage, s’avance, transie, vers un avenir fumeux et vasouillard. Ainsi donc, la nation, sous Macky Sall, file à vau-l’eau et la prescience de sombres lendemains pour notre pays semble dresser le catafalque de l’espoir.
Face à la mise à jour de tels errements du président de la République, on attend la colère populaire, les foudres des clercs et les imprécations des gardiens du temple républicain. Et qu’entend-on ? L’assourdissant silence public, le vacarme de l’indifférence. Les Sénégalais seraient-ils subitement devenus des veaux ? Eux qui, naguère, étaient si impavides face à Wade sont, aujourd’hui, d’une soumission moutonnière à Macky Sall. D’ailleurs, ce dernier, enhardi par tant de docilité du peuple, s’est même permis de trahir une promesse de campagne en formant un gouvernement d’une trentaine de ministres en plus d’une palanquée de ministres-conseillers. Désormais, le char de l’Etat, avec un attelage pesant de ministres inutiles, bringuebale comme jamais. Au regard de cette palinodie désinvolte du président de la République, il y a dans l’air comme un parfum de faisandé qui, dans toute démocratie qui se respecte, eût déclenché l’ire du peuple et les cris d’orfraie des clercs. Or, rien de tout cela ! Le bon peuple s’affale dans le confort honteux de la fatalité et de la résignation. Il préfère troquer les habits du refus contre les oripeaux de l’inertie. Finalement, la seule chose à même de troubler peu ou prou l’indolence commune, c’est le fait divers. En effet, la rue bâille lorsque Macky Sall augmente de deux milliards les dépenses de la Présidence de la République mais le café de Rome bavarde, jaspine lorsque Cheikh Yerim Seck est accusé de viol sur midinette. La nation somnole ainsi au ronron des turpitudes publiques et s’enflamme pour le fait-divers. Pis, notre braillard et empoté premier ministre, Abdoul Mbaye, est, aujourd’hui, cité dans une affaire glauque de blanchiment d’argent et cette saynète de République bananière se serait, dans une démocratie décente, évanouie sous l’indignation collective. Or, chez nous, il n’en est rien! Tels des « veaux », les sénégalais, sur cette affaire, s’emmurent, une fois de plus, dans une inquiétante aphasie. Que faut-il donc pour soulever le couvercle plombé de l’aboulie nationale ? Quel pavé faut-il jeter dans les douves de la politique pour que les citoyens, dessillés par les éclaboussures, jettent enfin un regard sur ces cloaques ?
Les plus chenus d’entre nous pourront, peut-être, s’accommoder de cette indolence générale, y diagnostiquer la longanimité et la sagesse placide d’une démocratie comme la nôtre qui a survécu aux pires bassesses et difficultés. Mais l’on se doit tout de même de rappeler à l’opinion qu’il vient toujours un moment où les veaux sortent de leur silence, généralement trop tard : quand ils approchent de l’abattoir.
Président du Sillon des Opinions Libérales
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