
Nul n’est censé ignorer la loi. Ça, on le sait. On savait aussi que le Président de la République est une institution protégée par la Constitution et que nul n’est tenu de l’offenser. Ça, maître Amadou Sall, avocat et ancien ministre de la Justice le sait. Appartenant au corps de métier des juristes, il doit en donner le bon exemple et être le premier à déferrer à une convocation de la justice quel qu’en soit le motif.
Nous aurions pu, cependant, tous fermer les yeux sur sa convocation et son interpellation manu militari si les faits attribués au Chef de l’Etat ne se limitaient pas à une banale affaire de fétichisme. Prudent, l’avocat n’accuse pas directement Macky. Il suppose que s’il veut …..La suite, vous la connaissez, je n’ose pas le dire.
Il est bien évidemment étonnant de voir que pour une déclaration aussi banale, un Chef d’Etat puisse s’emporter et mobiliser Dame justice qui a mieux à faire dans ce contexte particulier d’audits et d’enquêtes sur l’enrichissement illicite des anciens tenants du pouvoir.
De quoi Macky Sall a-t- il peur ? L’homme serait-il devenu subitement sensible au fétichisme ? Pour un halpulaar éduqué chez les Serrers du Sine, j’en doute fort bien, tout comme j’aurais du mal à voir les communautés diola et mandingue, auxquelles j’appartiens, se dépatouiller de leur « Beekineep » ou du fameux « dialang bantang ».
Mais enfin ! Le fameux fétichisme mué en syncrétisme religieux, nous le portons tous en nous, qu’on y croit ou pas. L’avènement de l’islam et du christianisme n’a jamais pu départir l’Africain de ces croyances ancestrales, et ce n’est pas là le débat. Les Sénégalais savent très bien qu’ils ont plébiscité un jeune Président enrobé au soir du 25 mars dernier. Mais ils ne pensent pas un seul instant avoir élu un Président cannibale au sommet de l’Etat en cette date historique où ils ont tous choisi la rupture dans la… continuité et la banalisation de nos institutions. Et c’est là où le bât blesse.
Les audits, la traque des biens mal acquis de nos deniers publics et leur recouvrement, aussi bien au Sénégal qu’ailleurs, il faut le dire, est le désir manifeste qui anime le Peuple dépité dans son ensemble des dérives et de l’arrogance de parvenus qui étalaient de façon éhontée leur richesse subite bâtie sur le dos d’une brave population désespérée et croulée sous le seuil de la pauvreté. Les libéraux n’avaient rien avant 2000, tout comme un certain …Macky !
Nous devons, avec tout le respect que nous devons à notre Président bien aimé, dire la vérité, et exprimer notre inquiétude face à la remobilisation de la Dic et au déclenchement de la machine judiciaire pour des propos aussi vils que ceux réduits au fétichisme et qui, en réalité, cache un véritable malaise de la part d’un chef d’Etat démuni qui exprime ainsi son impuissance flagrante face à ses frères d’arme et de pouvoir d’un passé si récent.
Crime de lèse-majesté, nous aurions tous compris que le chef de l’Etat se nourrit de son plat préféré, le lakh sankhal matinal. De grâce, ne venez surtout pas lui parler de sorcier blanc et autre crâne de métis même si, depuis son avènement au pouvoir, chaque jour passe avec son lot de déclarations et de convocations aux allures d’un règlement de compte comme cela se passe lors d’une cérémonie du bois caïmans, alors que le quotidien des Sénégalais peine à changer.
Vous risquez d’offenser le Chef de l’Etat, et Macky n’aime pas çà. N’insistez surtout pas sur les audits et autres enquêtes visant l’enrichissement illicite, qui, du reste, restent très sélectifs. Ils devraient pourtant concerner en premier lieu, pour des raisons d’étique et de moral, le Président Macky Sall lui-même, et certains de ses compagnons libéraux, y compris Aminata Tall et Idrissa Seck qui s’est emparé de plus de 40 milliards de nos deniers publics, sous couvert des fonds politiques.
Allié de circonstance d’aujourd’hui et potentiel tombeur de Macky, la pendule judiciaire s’arrête pour l’instant sur d’anciens frères libéraux récalcitrants décidés à lui tenir tête, certainement parce qu’ils en savent un peu plus. Le tour de Ngorsi, l’homme au sourire sarcastique, viendra quand il aura décidé de montrer ses dents longues.
Mais chut ! Si jamais vous osez soulever cette triste réalité, vous risquez d’être poursuivis pour offense au Chef de l’Etat. Macky, vous le savez bien, n’aime pas çà.
L’offense au Chef de l’Etat, nous l’aurions tous compris, est un délit, même si l’article 254 du code pénal sénégalais est plaqué sur la loi française qui d’ailleurs a fini par abroger savamment le délit d’offense à chefs d’Etats étrangers en 2004 compte tenu de ses dérives. Article fourre-tout, terme galvaudé un peu partout, il ne se mesure en général qu’a l’irritabilité et au «moi» surdimensionné d’un chef d’Etat, souvent incapable d’apporter des réponses politiques et concrètes à des demandes politiques exprimées.
Mais çà, nous ne pouvons pas le dire à haute voix, ni l’écrire non plus sinon, nous risquons d’offenser le Chef de l’Etat. Nous savons tous très bien qu’en mettant en place la Crei, le régime actuel cherche à satisfaire une exigence du Peuple, de façon contrainte et forcée, mais qu’en réalité, Macky est très mal à l’aise avec cette histoire d’enrichissement illicite.
Après le défilé et l’audition de ses frères de lait politique qui se sont enrichis sur le dos des populations et qui ne nous édifient jusque là pas sur grand chose, Macky Sall devrait, pour mieux éclairer notre lanterne, nous dire à son tour comment il est passé d’un trois pièces à Derklé en 2000, avec quelques années au pouvoir, accomplies par 3 année de chômage à temps plein, avant de devenir subitement milliardaire avec un parc immobilier et automobile impressionnants.
A ce sujet, Souleymane Jules Diop, un chroniqueur de la toile, défenseur du bas peuple, n’a pas manqué de révéler dans sa chronique du 08 décembre 2011 : « Que n’a-t-il pas ajouté un merci à ses bienfaiteurs puisque de ses propres aveux, il n’est redevable des honneurs qu’il a reçus et de sa haute fortune qu’à la bonté des Wade et à leur générosité. Soit ! Il doit au peuple qu’il appelle à l’élire, des réponses précises sur ses actes de gestion.
Les Wade ne nous aideront jamais dans ce sens, puisqu’ils sont les instigateurs de tous ces scandales ». Outre ces dérives, Macky Sall est aussi rattrapé par son passé récent d’homme politique qui a le plus nourri et entretenu des attaques personnels sur d’honorables citoyens. A ce propos, le chroniqueur poursuit : « Macky Sall a nourri pendant trois ans la horde de plumitifs du journal « Il est midi » qui ont fait déferler leurs baves injurieuses sur d’honnêtes citoyens et sur moi-même. Son homme de main, Ndiogou Wack Seck, dans ses meilleurs jours, avait même bénéficié d’un groupe électrogène acheté par la Primature que dirigeait Macky Sall, qui indiquait lui-même la voie à suivre en s’attaquant à des hommes honorables comme Mamadou Dia et Amath Dansokho ».
Infidèle toile ! Voyez-vous, très chers compatriotes, comment les écailles de la mémoire ont parfois la peau dure ? Pour éviter de les voir avec le Peuple, ou de les avoir contre lui, Macky a fini de les récompenser pour qu’ils le préservent. En posant cet acte, Macky est le premier à encourager les attaques motivées par des intérêts crypto-personnels et à célébrer l’impunité dans ce pays. L’un deux, Adbou Latif Coulibaly, un homme pour qui j’avais beaucoup d’admiration, jadis désargenté pour se présenter candidat aux élections présidentielles, a maintenant décidé d’abandonner son noble métier de journaliste au profit d’un poste de sinécure. Il veille désormais à la « bonne gouvernance » de notre pays. Depuis, Latif a les joues bien regalbées et a vachement grossi.
Autant je pense que le statut du chef de l’Etat doit être respecté, autant je pense, dans mon intime conviction, que l’image de notre justice, écornée ces 12 dernières années, doit pouvoir se passer d’interpellations inutiles liées à des propos futiles. Je ne pense pas que l’utilisation de la justice pour intimider et restaurer l’autorité de l’Etat puisse forcer le respect et le charisme d’un homme, même s’il est en demande et qu’il en a besoin. Je pense, au contraire, qu’un excès de protection est aussi mauvais qu’un manque.
Madame Hélène Della CHAUPIN
<42>[email protected]
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