
Il n’y a aucun argument solidement fondé qui pourrait valoir pour pénaliser ou dépénaliser l’homosexualité, ici ou ailleurs. Il n’y a non plus aucun argument objectif ou subjectif pour traduire les homosexuels en justice, sauf le désir de réprimer des gens qui n’ont eu que le simple tort d’avoir voulu être honnête avec eux-mêmes et avec la société tout entière. Pourquoi perdre notre temps à s’épancher sur les orientations sexuelles des uns et des autres ? Qu’est-ce qui peut bien expliquer cette panique morale qui anime de temps à autre la société sénégalaise ? Oui, il faut bien parler de panique, parce qu’il aurait suffi d’être un tout petit peu lucide pour se rendre compte que les arguments développés par les uns et les autres pour pénaliser l’homosexualité, ne reposent absolument sur rien. De la répression du désir au désir de la répression !
En effet, indépendamment de savoir qu’est-ce qui peut bien expliquer cette panique, il est très possible de démonter un par un les arguments des défenseurs de la pénalisation de l’homosexualité et donc des homosexuels. Ces diables qui ne savent quoi faire de leur sperme !
Premièrement, raisonnablement en principe, on ne devrait sanctionner que des actes qui occasionnent des victimes. Au cas contraire, on est dans de l’arbitraire. Ici, être homosexuel et se marier homosexuellement n’est pas un délit ou un crime parce qu’il n’occasionne pas de victimes en toute objectivité. Qui serait victime de ce mariage homo ? Personne, à moins de penser que le fait de déroger aux règles communes est un acte criminel, un délit. Mais si tel est le cas, pourquoi, on ne traduirait pas en justice, celui-là qui ne veut pas se marier ou celui-là qui fornique ou celui-là qui vit en concubinage parce que tous ont dérogé à cette règle commune comme quoi si on veut du sexe, il faut se marier hétérosexuellement. Voilà ce qu’on pourrait appeler de « l’indignation sélective » !
Deuxièmement, il est évident que la conscience collective est toujours sélective, mais, la justification que l’on donne souvent à un interdit c’est sa contribution à la survie de la société. Ainsi pourrait-on dire que l’on pénalise l’homosexualité parce que comme on le dit souvent, elle risque avec son développement, d’inquiéter l’existence même de la société. De ce fait ici, ce serait par mesure de sécurité que l’on sanctionne cette orientation sexuelle. Qui vole un œuf, volera un bœuf serait-on tenté de dire. Donc, si on ferme les yeux sur ces cas encore singuliers d’homosexualité, on risque de laisser libre cours à son développement et donc à l’anéantissement de la société parce qu’on n’aura plus d’enfants. Par précaution, il faut étouffer le poussin dans l’œuf. A ce rythme, il faut dire qu’il faut traduire tout le monde en justice par mesure de précaution, parce que chacun, à un moment ou à un autre de sa vie a eu à éprouver des envies ardentes de se faire hara-kiri ou de « scalper » quelqu’un d’autre. Par les temps qui courent ou on a envie de se suicider ou de « suicider » quelqu’un d’autre. C’est ce qu’on appelle « l’argument de la pente savonneuse ». Un argument, qui au point de vue logique, ne pèse pas un gramme.
Le troisième argument, mais faible, très insuffisant, comme les deux premiers, consiste à dire qu’on est dans un pays où l’on croit à 99% en un Dieu unique, le dieu des musulmans et des chrétiens, et que ce dernier ayant prohibé depuis l’aube des temps (Loth, Sodome et Gomorrhe) cette orientation, il faudrait alors punir ces contrevenants. Oui, mais et ceux-là qui vivent en concubinage ; celles-là qui ne se voilent pas, ceux-là qui forniquent, ceux-là qui ne donnent pas à manger aux nécessiteux, etc. Combien d’actes quotidiens sont-ils en porte-à-faux avec la morale religieuse sans pour autant que l’on traduise leurs auteurs en justice ? On ne peut même pas les compter ! Et alors, pourquoi l’homosexualité et pas les autres ?
Parce que ce serait contre-nature ? Voilà le quatrième argument tout aussi faible que les précédents. La nature aurait voulu que deux individus de sexe différent puissent entretenir cette « gymnastique arabe ». Anatomiquement, on voit très bien que les différences de sexe s’épousent mieux. L’un a été fait pour l’autre. L’un en forme de pilon, ne peut et ne doit piler ou pilonner que dans un mortier. Si ce n’est pas le mortier qui pile ou pilonne le pilon. Pilon, pan pan, pilon gaiement ! Mais, si on interroge la nature, on verrait des baleines échangistes, des pingouins homosexuels et des fourmis … esclavagistes. Faudrait-il être esclavagiste parce qu’il y aurait des fourmis qui le sont ? Peut-être qu’on nous dira qu’on parle de la nature humaine. Oui, mais quelle est-elle donc ? Bien malin est celui qui pourrait y répondre ! Serait-ce naturel que des individus de religions ou de castes différentes soient formellement interdits de se marier ?
Cinquièmement, nos contrevenants n’ont pas à être traduits en justice, ni à être stigmatisés si comme le veut l’époque contemporaine l’on convoque pour qualifier nos conduites sexuelles, le principe de consentement. Un acte sexuel est licite, quelque soit son orientation, si et seulement si les conjoints sont consentants. C’est ce qui fait qu’on condamne le viol, l’harcèlement sexuel, la pédophilie, la zoophilie, la nécrophilie et autres …philies. Nos contrevenants étant consentants et sains d’esprit, quel est donc cet argument qu’il faudrait convoquer pour leur dénier ce droit de vivre leur homosexualité et pourquoi pas de se marier ?
Enfin, sixièmement, si jamais l’homosexualité est tolérée, c’est toute la société qui va se bonifier. En effet, on aura à relativiser toutes ces notions d’amour. On comprendra qu’on ne tomberait pas amoureux fatalement que d’une personne de sexe opposé. Le fantasme que les uns et les autres éprouvent devant le corps féminin chosifié s’effondrera. Et le summum du plaisir ici, c’est que les corps cesseront de représenter les hommes et les femmes avec toutes les implications heureuses possibles, parmi lesquelles : la suppression de la mention sexe dans l’état civil ; on pourrait se serrer la main sans distinction ; il n’y aura plus dans certains pays de bus pour femmes ou de bus pour hommes ; et aussi bien la femme que l’homme pourrait devenir prêtre ou imam et diriger une prière.
Une fois de plus, l’Etat n’a pas à se mêler des conduites sexuelles des individus, sauf en cas de violence avérée. Voilà, je suis soulagé de m’être enfin décidé à dire ce que je retenais depuis longtemps…en attendant que quelqu’un le fasse !
Mamadou Moustapha WONE
Sociologue
BP : 15812 Dakar-Fann Sénégal
Sénégal
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