
Le Président Macky Sall n’est évidemment pas un Roi. Mais en tant que gardien de moins en moins vigilant de la Constitution (réceptacle de l’orthodoxie républicaine), il transforme le Palais de la république en une Cour tropicale du Roi Pétaud, c’est-à-dire en un capharnaüm indescriptible de confusion et de désordre. Ce qui désabuse d’un côté ; et conforte de l’autre, le sentiment que « plus ça change, plus ça se ressemble ».
Les mœurs antirépublicaines de Wade ont manifestement la peau dure. Le saccage des institutions se perpétue. La rupture a du mal à rompre les amarres qui arriment et ancrent solidement les pratiques très ruineuses pour l’éclat d’un des symboles les plus majestueux et les plus prestigieux pour la république. Même « exceptionnel » (le qualificatif est tombé des lèvres de Souleymane Jules Diop), le sargal (mot ouolof) ou festival de remerciements des femmes de la coalition Benno Bok Yakaar à l’endroit de leur bienfaiteur Macky Sall, dégrade l’image mythique du Palais.
Davantage que les dégâts, ce sont les arguments fallacieux de
la communication présidentielle qui ont abasourdi fâcheusement les citoyens
pétris de civisme. Il ressort des explications
radiotélévisées du conseiller en communication de Macky Sall, que le Président
de la république a été « surpris » par l’’arrivée massive des femmes.
Invraisemblable. Que Dieu garde alors la Constitution et le Sénégal ! Car
le chef de l’Etat agréablement surpris, aujourd’hui, pourrait être, demain,
dramatiquement surpris.
Au demeurant, la surprise n’est pas policière. Or la police –
à la différence de l’armée et de la gendarmerie – n’est pas nationale. Elle est
une police d’Etat au service du chef de l’Etat. Donc, c’est le risque zéro de
la surprise. En revanche, c’est la propension à la fête qui est surprenante dans un contexte ou la demande
évolue vers une urgence sociale. Encore et toujours lancinante.
Du reste, le maniement de l’adjectif a toujours été un
casse-tête dans le journalisme et, par extension, dans la communication.
Fondateur et directeur du quotidien France Soir, Pierre Lazareff disait à ses journalistes :
« Mettez le sujet, le verbe et le complément. Mais pour l’adjectif, passez
à mon bureau ! »
Faut-il pleurer ou
rire de ses arguments tirés par les cheveux ? Lorsque les militantes
de la majorité sont heureuses, le Palais abrite immédiatement un festival de
compliments. A contrario, lorsque la pénurie de gaz engendre une fureur féminine
et populaire à Pikine, le Palais refuse d’abriter un mur des
Lamentations ; puis se transforme en bunker où le locataire n’est plus
« surpris ». Tandis qu’en banlieue, les préfets interdisent toute
manifestation légitime et démocratique de colère.
La communication présidentielle est décidément géniale, avec
de telles trouvailles exceptionnellement…trouées. Le poids de la justification
de la messe ou de la kermesse dans les jardins du Palais ne réside-t-il pas dans
le caractère « exceptionnel » (Souleymane Jules Diop dixit) de la
manifestation-surprise ?
Fini le printemps des illusions enfanté par le Mouvement du 23
juin. Bonjour l’été des désillusions. Le changement prend inexorablement les
couleurs d’une continuité. Le panache soporifique de Wade en moins. Ahmed Sékou
Touré répétait : « Un discours sur la révolution n’est pas la
révolution ». Autrement dit, une communication sur la rupture n’est pas la
rupture. Conclusion de Saint-Simon : « Une idée sans exécution est un
songe ».
0 Commentaires
Participer à la Discussion