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[ Contribution ] Soutenir Haïti Pour une éthique de la solidarité sud- sud

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[ Contribution ] Soutenir Haïti Pour une éthique de la solidarité sud- sud

Le cataclysme qui vient de s'abattre sur Haïti pose à nouveau une question fondamentale sur la place que les Africains, en général, veulent tenir dans ce monde globalisé. Alors que partout dans sur la planète, les populations, les gouvernements et les grandes institutions réagissent à la crise, la tendance sous nos latitudes est à la tranquille compassion. Comme si le "Ndeysaan" allait suffire aux Haïtiens à faire face à ce désastre. C’est un sentiment de révolte et une gêne évidente qui m’animent quand je pense à la réaction globale dans mon pays. La tendance spontanée à la pitié est quelque chose de fondamentalement inscrit dans la conscience humaine. Même un philosophe aussi pessimiste que Schopenhauer reconnaît que le sens profond de l’amour universel, c’est cette pitié que nous éprouvons systématiquement devant le spectacle de la souffrance. Si les Grecs l’ont matérialisé avec l’Agapè, son équivalent existe aussi dans nos civilisations, que Ubuntu chez les Zoulous ou Yërëmendé chez les Wolofs. Il est entendu que beaucoup de Sénégalais éprouvent en ce moment ce sentiment-là. Mais doit-on en rester là ? Faut-il qu’à chaque fois que l’humanité est engagée dans un processus, nous en soyons réduits à regarder et à commenter ?

QUE SE PASSE-T-IL ?

Le sentiment de pitié doit être un motif et un point de départ pour l’action et donc vers quelque chose de fondamentalement plus grand. Dans la plupart des pays occidentaux en ce moment, en marge des actions menées par les gouvernements et les associations, la réaction des citoyens est admirable d’efficacité. Les gens se mobilisent partout dans l’espace public (Internet compris) pour transformer l’émotion spontanée en actes concrets. Pendant ce temps les attitudes observées au Sénégal (et dans beaucoup de pays africains, il va sans dire) sont les suivantes :
-       Nous sommes solidaires mais c’est la volonté de divine. Cette position n’appelle aucun commentaire.
-       Nous sommes solidaires mais étant pauvres nous-mêmes, nous ne pouvons pas aider. Cette posture, même si on peut lui concéder une certaine pertinence, n’est pas inattaquable. Il temps de montrer au monde que la solidarité des petits existe. Aujourd’hui, il faut reconnaître que le peuple sénégalais est pauvre mais pas misérable. Le Sénégalais moyen vivant à Dakar est capable de donner un paquet de « Mbiskitt », un kilo de riz ou de sucre, du savon, etc., en direction de Haïti. Il faut comprendre qu’en instaurant ce genre réaction en tant que peuple, nous arriverons nous même à développer une culture de solidarité dans notre pays. Faisons une projection dans l’idéal. Si tous les Sénégalais qui le peuvent font un don en direction de Haïti, même si l’acheminement des toutes les denrées ne se fait pas, celles-ci peuvent être redistribuées aux nécessiteux dans le pays. C’est comme cela que les choses fonctionnent dans les pays développés et à titre d’exemple, beaucoup de pays africains ont bénéficié par ricochet de l’élan de solidarité post-tsunami.
-       La troisième réaction se situe dans le prolongement de la seconde. Nous voulons bien mais comment faire. Cette situation montre malheureusement  les carences au sein de nos institutions. Dans un contexte de turbulence, les citoyens ont toujours tendance à s’appuyer sur l’Etat. Le rôle de l’Etat dans ce contexte, c’est d’apporter des réponses adaptés et fiables aux questions que se pose le citoyen. Je n’ai encore vu nulle part dans la presse des déclarations émanant du sommet de l’Etat, nous disant quelle est la position du Sénégal face à la catastrophe qui touche Haïti. Il ne s’agit pas du Sénégal certes, mais est-il besoin de rappeler les liens symboliques que nous avons avec la première république noire du monde ? Quand bien même Haïti serait aux antipodes, cela justifie-t-il ce silence coupable ? Notre gouvernement serait la première à appeler à l’aide internationale si une telle catastrophe s’abattait sur nous. Certes le Sénégal a par le passé fait preuve de solidarité face à des catastrophes humanitaires. Mais ce dont il est question ici, c’est la capacité de réaction d’un pays, dans un monde où l’information circule de manière exponentielle. Il ne s’agit pas de réagir de manière précipitée ou improvisée (d’où la nécessité d’avoir ce que les communicants appellent un dispositif de veille molle pour répondre de manière rapide à tout événement de ce genre). Il ne s’agit pas non plus de faire de la communication institutionnelle et d’envoyer une aide tardive et obsolète en Haïti pour voir le nom du pays figurer parmi les bienfaiteurs. Il s’agit de fédérer des énergies et de (trans)former les populations pour qu’elles deviennent des acteurs positifs de la solidarité internationale. C’est une culture de masse à mettre en place. Devant l’absence de réponse de l’Etat, la conscience politique des citoyens doit se superposer à leur inclination spontanée à la pitié pour institutionnaliser cette culture de solidarité. Les spécialistes de la communication politique anglo-saxons appellent cela the grassroots movements (littéralement « à la racine de l’herbe »), c'est-à-dire des mouvements spontanés de citoyens qui mènent une action sociale ou politique hors du cadre défini par l’Etat et des influences des structures centralisées de pouvoir.

Comment agir ?

Il suffit d’organiser des points de collectes de denrées dont Haïti a besoin en ce moment. Dans chaque ville, on peut récupérer de l’eau minérale, du sucre, du riz, du mil, des vêtements, etc.  Il est vrai que les problèmes que pose l’absence d’infrastructures rend très difficile une telle opération dans toutes les régions du Sénégal ; mais je suis d’avis que si quelques bonnes volontés se dévouaient à Dakar, à Thies à Ndar, pour établir ces points de collectes, nous seront tous surpris la générosité de notre peuple. Le second volet de cette action, c’est de solliciter les ONG déjà présentes dans notre pays pour stocker ces denrées qui ne sont pas périssables et ne posent donc aucun problème de conditionnement. Si tout le monde travail main dans la main, le Sénégal peut apporter quelque chose à Haïti. Il me paraît logique que l’acheminement de l’aide sénégalaise à Haïti soit tout à fait dans les cordes de nos autorités. Non seulement, l’Etat du Sénégal dispose d’un avion qui a servi à des missions beaucoup moins importantes, mais un budget dégagé pour une catastrophe touchant un pays ami, choquerait moins les Sénégalais que certaines dépenses. Si les Sénégalais développent leur solidarité naturelle, leur Etat suivra.
Les populations peuvent aussi directement solliciter les ONG et les inciter à ouvrir un fond de solidarité en direction d’Haïti. Si un Sénégalais donne 500 francs CFA, il n’est pas besoin de sortir de polytechnique pour réaliser que ce sera quelque chose d’énorme pour Haïti. Il m’avait semblé hier avoir vu qu’une institution sénégalaise mettait au service d’Haïti un numéro de compte, mais j’ai dû voir cela en rêve, car ce matin il m’était impossible de retrouver ces informations. Certes, cela n’empêche pas nos concitoyens de s’adresser directement aux organisations les plus représentatives pour proposer leurs dons. Nul doute que certains ont déjà effectué cette démarche, comme la plupart des Sénégalais vivant à l’extérieur.
Il arrive des moments dans l’histoire d’un pays où les citoyens ont l’occasion de donner une leçon d’éthique à leurs élites. Il arrive des moments qui sonnent comme des opportunités pour un peuple de montrer sa grandeur morale.  Nous ne pouvons pas nous complaire dans le fatalisme et la position de l’eternel assisté. A nous seuls, le Sénégal, nous ne mettrons pas fin aux souffrances du peuple haïtien. Cela ne nous dispense pas d’agir, cela n’excuse pas notre indifférence en acte. En ce moment même en Haïti des gens sont en train de crever et c’est cela réalité profonde de ce tremblement de terre. Tous les discours de solidarité sont bien dérisoires à cet instant, si on ne fait pas notre possible pour nous rendre utiles.  Donnons un peu au reste du monde, car nous avons déjà beaucoup reçu du monde et nous en aurons peut-être besoin un jour. Les citoyens des grandes puissances qui se tournent aujourd’hui vers Haïti, au-delà de la simple valeur éthique de leurs actions, nous donnent une leçon de plus sur le sens de l’intérêt collectif. C’est moralement indigne de prétendre être un peuple magnifique, avec des valeurs magnifiques, un peuple prompt à fustiger les tares de l’Occident, à brandir les valeurs de solidarité religieuse, et de ne jamais lever le moindre petit doigt pour diminuer arithmétiquement la souffrance du monde.

Dr. EL Hadji Malick Ndiaye
Université Européenne de Bretagne/Columbia University
[email protected]/ [email protected]
 
 
Quelques pistes pour commencer :
ENDA/SENEGAL :
54, rue carnot Dakar - Sénégal BP 3370
Tel : +00221 33 822 59 83 / +00221 33 822 24 96 / Fax : +00221 33 821 75 95
Mail : [email protected] / [email protected]
CROIX-ROUGE SENEGALAISE :
Boulevard F. Roosevelt
Dakar B.P. 299 Dakar
Tel: (221) 33 823 39 92
Fax: (221) 33 822 53 69
E-Mail: [email protected]

UNICEF/ SENEGAL:
2, Rue Carnot X Salva P.O. Box 429
Dakar, Senegal
Tel/ 33 889.0300
Fax : 33 823.4615
E-mail: [email protected]



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