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Transport aérien : Le leadership du Sénégal en question ?

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Transport aérien : Le leadership du Sénégal en question ?

Si rien n’est fait dans des délais raisonnables, le Sénégal risque de perdre sa place de leadership aéronautique dans la sous-région ouest africaine, ce qui serait fort dommageable pour son image et son économie. Il s’agit là d’une préoccupation majeure. Cette place de choix, le Sénégal l’a acquise aux débuts héroïques de l’aviation civile et commerciale en Afrique, aux temps jadis de l’aéropostale de Jean Mermoz et de Antoine de Saint-Exupéry, avec l’incontournable escale mythique de Saint-Louis du Sénégal sur la route aérienne reliant la France (Toulouse) au Brésil (Natal). Ce leadership conservé grâce aux choix stratégiques portés sur Dakar par la communauté internationale,  a permis à notre pays d’abriter les bureaux régionaux des grands organismes mondiaux de l’Aviation civile internationale : représentations régionales de l’OACI ; de la FAA ; de la CAFAC ; de l’IATA avant sa délocalisation à Nairobi ; de l’ASECNA et nous passons.

 

Ce leadership, le Sénégal l’a conservé aussi au sein de la compagnie multinationale Air Afrique. Les organismes de la maintenance et de la formation aéronautique de la multinationale, Centre Industrielle de Dakar CID et Centre de formation CEFOPAD sont installés sur son territoire, malgré l’omniprésence du challenger ivoirien. Ce leadership s’est encore affirmé avec l’émergence de la compagnie nationale Air Sénégal International ASI, leader des compagnies régionales ouest africaine de la zone francophone de l’époque, avec un chiffre d’affaires de 156 millions de dollars US et 510778 passagers transportés en 2006. Ce qui constitue des résultats forts honorables eu égard au contexte économique et social du moment.

 

Il s’est davantage confirmé au sein du système des autorités d’aviation civile d’Afrique noire francophone en ayant mis en œuvre l’autorité de l’aviation civile nationale la plus conforme aux standards internationaux reconnue par l’OACI en 2OO4, au point d’assister les Etats voisins dans leur tâche de mise en conformité de leur système aviation civile nationale.

 

Aujourd’hui, le temps est passé et les réformes nécessaires n’ont pas suivi. Nous sommes en passe de perdre ce leadership aéronautique sous-régional parce que nous n’avons pas la capacité technique ou nous n’avons pas voulu par la volonté politique consolider nos acquis. Avec la disparition de la compagnie multinationale Air Afrique, le Sénégal a laissé disparaître les centres stratégiques du secteur aérien qui constituaient l’échafaudage sur lequel était bâti le socle de notre industrie aéronautique : le CID et le CEFOPAD alors que nous disposions au plan technique et opérationnel de tout, pour une exploitation efficiente de ces entités techniques. Concernant l’ASECNA, les velléités du Sénégal de se  retirer de l’organisme intergouvernemental, eu égard à son rang, lui ont ôté  tout respect de ses pairs au sein du groupe supra national.

 

S’agissant de la Compagnie Air Sénégal International ASI, les relations d’affaire avec son partenaire Compagnie Royal Air Maroc ont valu au Sénégal une disqualification et une mise sous surveillance des investisseurs et opérateurs  aériens internationaux au regard de l’attitude cavalière adoptée par la filiale sénégalaise vis-à-vis de la maison mère marocaine, lors de la rupture brutale et contentieuse entre les deux parties. Avec la mise en place de la nouvelle compagnie aérienne nationale aux fins d’une hypothétique protection économique, « monopole réservé »,  l’attitude du Sénégal a fait l’objet d’une totale  incompréhension de la part des Etats signataires du traité d’Abuja et de la décision de Yamoussoukro relatives à la libéralisation des marchés des transports aériens du continent.

 

Concernant l’autorité de l’aviation civile, entre autres, un relâchement quant à l’application et au respect de nos engagements relatifs à la convention de Chicago  a mis notre pays au banc des accusés.

 Il est grand temps de se ressaisir pour mettre fin à cette dangereuse perte de vitesse pour plusieurs raisons. D’abord, parce que le Sénégal doit faire du transport aérien, un levier majeur d’accompagnement de sa stratégie de développement en vue de maximiser les avantages économiques et sociaux de l’aviation. Le développement de notre pays doit être bâti, entre autres, autour de quatre secteurs économiques majeurs comme l’Agriculture, l’Energie, les Télécommunications, et le Transport. S’agissant du Transport, la pauvreté et le sous-équipement de notre réseau de transport de surface, (routier, ferroviaire, et fluvial) nous oblige à considérer le transport aérien comme le mode capable de répondre à la demande de mobilité des populations, aux exigences d’aménagement du territoire, et aux besoins d’intégration régionale et continentale.

 

Ensuite, parce que le transport aérien est consubstantiel au tourisme considéré comme une  des grappes de la stratégie de croissance accélérée. Le transport aérien est un maillon de la chaîne de valeur du tourisme, au même titre que l’hébergement, les loisirs, et autres services du produit touristique ; à ce titre, il ne peut y avoir un développement conséquent du tourisme sans celui du transport aérien.

 

 Enfin, parce que le transport aérien est un moteur essentiel de croissance économique, de création d’emplois et de prospérité. Son développement s’avère dans ces conditions, indispensable au développement économique et social de notre pays. Les réformes nécessaires à sa croissance et à son renforcement permettront de booster la croissance économique nationale, juguler une partie du chômage, améliorer le pouvoir d’achat et participer au retour à l’équilibre macro économique.

 

Aujourd’hui, force est de constater que les  perspectives  qui se présentent devant le secteur des transports aériens ne sont pas des meilleures. Cette activité mérite une valorisation constante,  parce que le Sénégal doit continuer à être au rendez-vous de l’histoire aéronautique africaine pour au moins trois raisons : dès le début de notre indépendance en 1960, notre pays a participé activement à la création de la compagnie multinationale africaine AIR AFRIQUE et à la mise en place de l’ASECNA (Agence pour la sécurité de la navigation aérienne) ; en 1981 avec l’arrivée du Président Abdou Diouf à la tête du pays, son régime a consolidé avec succès ses acquis ; le régime du 19 mars 2000 visionnaire et anticonformiste a entrepris de construire l’une des plus prestigieuses plateformes aéroportuaires de la sous-région : l’Aéroport International Blaise Diagne (AIBD). Celui-ci est une véritable source de motivation et pour certains, de fierté nationale. Enfin, c’’est dans la même dynamique qu’il faut inscrire la décision du régime du 25 mars 2012 qui vient d’initier la libéralisation du secteur aérien sénégalais.

 

Toutefois, les défis du transport aérien national sont nombreux parmi lesquels celui de la libéralisation des marchés pour diversifier les acteurs,  favoriser la concurrence, améliorer la qualité et baisser les prix de transport. Les forces du marché que sont le choix et la concurrence donnent aujourd’hui du pouvoir aux passagers et demeurent le meilleur moyen d’améliorer le niveau de service. Ensuite le défi de la fiscalité, une taxation excessive de l’aviation est un non-sens ; les taxes freinent la croissance, ce qui se répercute sur les emplois et l’économie en général. Rendre les coûts de transport plus onéreux réduit ses activités, détruit des emplois et ralentit la croissance économique. L’aviation est un outil puissant. En l’utilisant de façon judicieuse, on en retire des avantages conséquents pour l’ensemble de l’économie.

 

Enfin le défi de la réglementation technique (sécurité) et économique (compétitivité), une réglementation est jugée performante si elle augmente la sécurité et favorise la concurrence, dans le cas contraire elle peut induire des effets contraires et des conséquences dommageables.Outre, l’adoption des normes internationales de sûreté et de sécurité, de respect de l’environnement, l’autre défi réside dans l’amélioration des infrastructures aéroportuaires.

 L’urgence commande aujourd’hui de répondre à la demande croissante de connectivité en donnant à cette industrie toutes les capacités de croitre pour libérer ses avantages économiques. Pour profiter pleinement du potentiel économique de l’aviation, il faut remporter ces défis car ce sont des objectifs importants pour notre économie locale ou nationale dans la perspective de les connecter aux marchés mondiaux.

 

         Nous exhortons toutefois les nouvelles autorités à rompre avec tout conformisme pour engager avec audace les réformes nécessaires tant attendues dans le secteur, à prendre les macros décisions ainsi que les risques d’investissement indispensables à la redynamisation d’un secteur qui demeure avec celui du tourisme,  des secteurs majeurs contribuant positivement au profilage de notre croissance économique. La libéralisation du secteur des transports aériens est à réaliser, toutefois, elle ne doit pas se faire au détriment des acteurs nationaux comme le pavillon national Sénégal Airlines qui doit au préalable se restructurer, se réformer, se transformer pour résister et survivre à l’indispensable  ouverture du ciel sénégalais.

 

Le second challenge du régime du 25 mars est la consolidation de la compagnie aérienne nationale, sans laquelle Diass n’a pas de sens. Si le Sénégal ne dispose pas d’un instrument de transport aérien qui aurait un rôle de  catalyseur du secteur, la plateforme de Diass serait alors démunie de toute pertinence et logique aéronautique. Diass n’est qu’un contenant, il revient aux autorités nouvelles d’y mettre un contenu, c’est à dire de favoriser l’émergence d’une compagnie aérienne régionale digne de ce nom et à la hauteur des ambitions sénégalaises, un centre de maintenance aéronautique de dimension régionale, un centre école de formation aéronautique. Ce qui constitue le minimum nécessaire pour faire du Sénégal un pôle de convergence des opérateurs aériens internationaux comme Veritas, Airbus, Boeing, General Electric… et lui rendre son leadership aéronautique d’antan.

 

L’autorité aéronautique nationale est au cœur du débat. Elle doit s’attacher à donner au secteur aéronautique les conditions de son développement. Elle doit valoriser le secteur des transports aériens comme moteur de développement économique et social en assurant sa promotion dans la double perspective de sa compétitivité et de l’accomplissement d’un service public de qualité.



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