Alors que les résultats provisoires de la présidentielle du 27 juin doivent être annoncés aujourd'hui à Conakry, les accusations de fraude se multiplient. Comme les craintes d'incidents à caractère ethniques dans les prochains jours.
Les premiers résultats provisoires de l'élection présidentielle du 27 juin dernier – premier scrutin libre après 52 ans de dictature - doivent être annoncés avant le délai légal fixé à 18h aujourd'hui. La Commission électorale nationale indépendante (Ceni) a tenu hier vers 18h une conférence de presse pour indiquer qu'elle se conformerait à cette obligation que lui fait le code électoral. Mais alors que le scrutin s'est déroulé sans incident, dans une atmosphère assez calme et pacifique, les cinq principaux candidats multiplient déjà les accusations de fraude - non cautionnées par la Ceni bien sûr.
Depuis lundi soir, les porte-parole de trois candidats - les ex-Premiers ministres Cellou Dalein Diallo, Lansana Kouyaté et Sidya Touré – dénoncent le processus électoral, évoquant tous des « fraudes massives » dans certaines communes de Conakry ou d'autres villes, des « bourrages d'urnes » ou encore l'étrange disparition de certaines d'entre elles suivie de leur réapparition tout aussi mystérieuse.
Hier, mardi, le candidat Alpha Condé s'est joint à la sarabande des dénonciations en accusant le président de la Ceni, Ben Sékou d'avoir « tout fait pour que le scrutin se passe mal ». Il a notamment évoqué le fait que des bureaux de vote étaient « situés à 20, 30 km des populations » dans son fief de Haute-Guinée et a pointé du doigt des « fraudes graves » dans trois quartiers de la banlieue de Conakry. « Nous n'allons pas permettre à des pyromanes de mettre ce pays à feu et à sang ! » a-t-il menacé.
Délai supplémentaire
Enfin, l'homme d'affaires Mamadou Sylla a également dénoncé mardi soir des « fraudes ». La seule note de pondération est finalement venue de l'Union des forces républicaines (UFR) de l'ancien Premier ministre Sidya Touré. Maurice Zogbélémou Togba, responsable de la campagne présidentielle du parti, a « regretté que les leaders se mettent à faire des déclarations sur les radios » au sujet des fraudes présumées. « Il faut éviter d'intoxiquer l'opinion. Qu'ils attendent les résultats, le contentieux électoral est prévu par la loi », a-t-il ajouté.
Quant à la Ceni, elle a répliqué, par la voix de son directeur des opérations électorales, Pathé Dieng, qu'« aucun résultat » du scrutin de dimanche « ne serait manipulé » et a qualifié de « totalement infondées » les accusations de fraudes.
Selon M. Dieng, « les informations reçues par la Céni » depuis dimanche pour la centralisation des résultats couvraient mardi « moins de 50% des suffrages. (...) En pareille circonstance, la prudence requiert que les données soient agrégées et vérifiées », a-t-il indiqué. Un délai supplémentaire avait été donné aux commissions de recensement des votes pour faire parvenir, jusqu'à mardi, les résultats à la Céni. Grâce, notamment, à un hélicoptère mis à disposition par le général Sékouba Konaté, président de la transition.
Repli identitaire
Les accusations de fraude ne sont pas à prendre à la légère dans un pays miné par ses tensions ethniques. Et certains craignent que des affrontements ne succèdent à l'annonce des résultas provisoires. « L'absence de démocratie et la limitation des libertés (depuis 1958) ont fait que les gens se sont repliés sur leur ethnie et région. Les leaders en font une exploitation politique », assure le président de l'Association guinéenne pour la transparence, Mamadou Taran Diallo. En Guinée, « les militants s'affilient à un parti non pas pour des raisons idéologiques et politiques, mais parce qu'ils ont un parent qui est chef de parti », ajoute pour sa part le président de l'Observatoire national de la démocratie et des droits de l'homme (ONDH), Mamadou Aliou Barry.
Ainsi, parmi les principaux candidats, Cellou Dalein Diallo a son fief électoral en Moyenne Guinée, peuplée majoritairement de Peuls, tandis que la force électorale d'Alpha Condé est surtout concentrée en Haute Guinée où les Malinkés sont majoritaires.
« Des troubles peuvent survenir. J'ai des craintes surtout pour les gens qui appartiennent à une ethnie minoritaire et qui se trouvent avec une ethnie majoritaire » dans une zone, ajoute M. Barry, sans plus de précisions. « Des Peuls considèrent à présent que c'est leur tour » de gouverner, conclut-il.
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