
«Y a pas un seul mec honnête dans le coin et je te le prouve quand tu veux» (Ripoux contre ripoux)
On s’attendait à une guerre fratricide entre policiers et gendarmes. Mais ce sont les policiers, en premier, qui se mettent à l’échauffement et se neutralisent mutuellement. Pour de vrai.
On savait que les policiers aimaient collecter la drogue et adoraient envoyer les petits délinquants derrière les barreaux. On savait aussi les flics assez intelligents et trop intéressés pour ne pas incinérer l’entière totalité de leurs saisies. De la même manière qu’on sait que les petits revendeurs de quartiers et autres usagers de circonstance ne sont que des délinquants de moindre envergure, incapables de convoyer de la drogue en « gros ». Comparés à ces officiers qui, chargés de réprimer le trafic illégal de stupéfiants, se muent en office centralisé de récupération et de recyclage des saisies du trafic illégal de stupéfiants. Tout ce que dit et sous-tend le rapport « Keita », du nom de ce commissaire de police, ex-directeur de l’Ocrtis.
Toutefois, rien de nouveau sous nos tropiques, pas de quoi fouetter un chat. « Ce n’est pas une exclusivité sénégalaise, cela arrive dans toutes les polices du monde », a tenté de minimiser un conseiller, porte-parole d’un président de la République que l’on cherche à dédouaner dans ce dossier parti pour être une affaire d’Etat. Ces révélations contre le chef de la police sénégalaise, engagent au premier chef la responsabilité du président de la République. Lui qui nomme aux fonctions administratives et dispose de tous les éléments de renseignement au sujet des personnes qu’il nomme. Y compris donc de l’actuel directeur de la police, accusé d’être un délinquant, un vulgaire trafiquant de drogue. Alors que son ministre de l’Intérieur, point central du renseignement, ne pouvait nullement ignorer ce que tout le monde sait déjà : à côté des policiers qui s’illustrent dans le racket des automobilistes sur les routes du pays, certains parmi leurs collègues s’adonnent au trafic de stupéfiants qu’ils sont supposés réprimer, ce qui, ailleurs, ne dédouane pas la Douane encore moins la Gendarmerie que l’on ne pourrait imaginer sans reproche. Une complicité à un haut niveau insoupçonné ? Illogique que de vouloir déclarer la guerre à l’argent sale tout en maintenant en poste, un responsable de la Police sur qui pèsent autant de soupçons, les pires de toute l’histoire de la police sénégalaise. De même qu’un ministre de l’Intérieur qui devra tirer toutes les conséquences de ses choix, quant aux profils si peu élogieux de ses hommes.
A la recherche permanente de liquidités, les Etats n’hésitent pas à injecter, dans le circuit financier parallèle, de connivence avec les forces de contrôle, une partie des contenus des saisies d’une marchandise qui n’est déclaré indésirable que dans les discours. Il est plus que suspect pour l’autorité, de vouloir mettre trois fois quarante-huit heures pour édifier l’opinion : dans cette affaire, il ne s’agit ni plus ni moins que de dire si Abdoulaye Niang faisait du trafic pour son compte, pour le compte de l’Etat ou les deux à la fois.
La police sénégalaise, un corps épinglé déjà par le dernier rapport Transparency sur la corruption au Sénégal. Lequel rapport devrait inciter la Cour de répression de l’enrichissement illicite, à s’intéresser de près aux biens d’Abdoulaye Niang, mais aussi de Keita et de son « orchestre familial ». Comment justifier certains trains de vie dans un Etat aussi démuni que le nôtre ? D'où l'impérieuse nécessité de sacrifier à la fois, Niang et Keita sur l’autel de la répression d’un trafic illégal dans lequel s’est illustrée avec brio, la police d'un Etat jadis modèle. Un Sénégal en passe de devenir une « ripoux-blique stupéfiant(e) » où la sécurité des personnes et de leurs biens demeure le cadet des soucis de la police.
Momar Mbaye
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