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CRISE SCOLAIRE AU SENEGAL Les 2012 équations d’une année ès colère

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CRISE SCOLAIRE AU SENEGAL Les 2012 équations d’une année ès colère

L’Ecole sénégalaise est dans une impasse. Malgré la ferme volonté du ministère de l’Education de sauver vaille que vaille l’année scolaire 2011/2012, l’incertitude plane toujours sur les têtes des potaches. Si, pour les établissements privés, on est fin prêt à aller aux examens à date échue, dans les établissements publics, certains élèves rechignent à «abdiquer» le combat pour une année blanche imposée par une insuffisance de quantum scolaire. Leurs professeurs consentiront-ils le sacrifice en leur dispensant des cours durant les vacances afin de les mettre dans les conditions acceptables de réussite ? Accepteront-ils de sacrifier leurs congés annuels ? Les interrogations restent entières du côté du public. Dans le privé, ce sont les parents qui sont dans l’expectative d’un nouveau plan d’austérité financière : Vont-ils encore débourser de l’argent pour permettre à leur progéniture de terminer l’année en beauté ? Ou refuseront-ils de trouer leurs poches pour payer la faute des autres ? L’Observateurs a posé toutes ces questions en suspens sur l’Ecole sénégalaise et a recueilli la réponse de tous les acteurs. Ou presque.

PAYEMENT D’UNE MENSUALITE DE PLUS
Les parents d’élèves du privé ne trouvent pas l’idée catholique
Jean-Michel est tourmenté. En ébullition dans sa chemise marron sur un pantalon bleu jean, le quinquagénaire est ressorti du groupe scolaire Saldia, l’établissement de ses fils, bouillant de colère. Remonté, comme une machine à vapeur, contre la direction de l’établissement qui lui a annoncé le payement d’un mois de trop, Jean-Michel, debout sur un trottoir de la Sicap Dieuppeul 3, sue à grosse goutte de dépit. Il peste : «J’étais venu pour m’acquitter des frais de scolarité de mes deux enfants quand la direction m’a avisé qu’il se pourrait que nous soyons amenés à payer la mensualité du mois de juillet. Alors que d’habitude, les frais scolaires, pour cet établissement, se limitaient au mois de juin. Je commençais à pousser un ouf de soulagement et je me disais que, grâce à Dieu, j’avais enfin bouclé la scolarité de mes deux enfants sans y laisser de plumes. Et voilà qu’on vient m’annoncer cette nouvelle. C’est une catastrophe !»
A l’origine de la colère de Jean-Michel, la décision du ministère de l’Education nationale, Ibrahima Sall, de réaménager le calendrier scolaire 2011/2012 en fixant la fin de l’année scolaire au 31 juillet 2012. Les examens du Certificat de fin d’études élémentaires (Cfee) seront décalés d’une semaine et les examens du Brevet de fin d’études moyennes (Bfem) se tiendront respectivement dans la première quinzaine du mois d’août et de novembre.
Concernant l’examen du Baccalauréat, le ministère de l’Education nationale, en concertation avec le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche précisera les modalités de son organisation. Une batterie de décisions qui risque de trouer les poches des parents d’élèves qui se disent «non responsables» de la situation actuelle de l’Ecole sénégalaise, fortement perturbée par une grève de plus de 5 mois, l’année scolaire qui avait démarré à une allure de tortue reprend peu à peu son train normal dans les établissements publics. Au grand dam des parents d’élèves des établissements privés sur qui plane le spectre du rallongement de la paie pour assurer une bonne poursuite du cursus scolaire de leur enfant. «Le pire dans tout cela, c’est que je n’avais pas du tout, alors là, pas du tout, prévu ce scénario et cela va chambouler tout mon budget, si toutefois l’établissement décide de se réajuster et de nous faire payer un mois de plus», s’étrangle Jean-Michel.

«Ce serait un sérieux imprévu»
En nage sous le soleil chauffant de cette matinée de vendredi, Jean-Michel n’en finit pas de ramer contre ce vilain vague du mal scolaire. Comme si le ciel lui tombait sur la tête, ce papa d’une fratrie nombreuse, dont 2 enfants suivent des cours dans l’établissement privé, n’arrive toujours pas à se faire à la nouvelle. A s’accommoder de cette décision coûteuse. La légère brise qui souffle sur l’allée boisée n’arrive pas à le rafraîchir, ni à adoucir sa colère. Il avance de quelques centimètres, tire rageusement sur sa cigarette coincée au bout de ses lèvres boudeuses et jette un regard fielleux sur le mur d’enceinte du célèbre établissement. Comme pour vomir son trop-plein de ressentiments contre cette mesure d’austérité qui imposerait une sacrée cure d’amaigrissement à son portefeuille, il rage : «Si toutefois, la mesure est effective et que l’établissement décide de nous faire payer le mois de juillet, qu’allons nous faire ? Ce serait un sérieux imprévu surtout pour moi qui casque 21 000 et 26 000 FCfa pour mes 2 enfants inscrits en classe de 3e et de Terminale.»

Niché à la Sicap Dieuppeul 3, juste derrière le poste de police, le groupe scolaire Saldia, dont la devise est : «Travail, réussite et discipline», baigne dans un calme studieux. Sur les bancs immaculés posés à l’entrée du collège, quelques élèves devisent dans de grands éclats de rires. A l’intérieur, l’atmosphère monacale séduit le visiteur. Même les jeux anodins de quelques chérubins sagement assis sur un banc peint en bleu ne suffisent pas à troubler l’ambiance totalement placide de la cour d’école. Dans cette école privée dakaroise, tout, ou presque, renvoie à la discipline. Au respect strict du règlement intérieur.

A gauche de la porte d’entrée, une petite cantine propose des sandwichs pour les ventres creux. Ici, les cours se déroulent normalement et les multiples grèves cycliques n’ont pas réussi à chambouler le quotidien des collégiens en uniforme bleu ciel et nuit. Dans son bureau aménagé avec soin, Yves Diakité, Directeur générale de l’établissement, rit jaune. «Un probable réaménagement du calendrier scolaire minerait toute l’année, sert-il, d’emblé. Alors que pour ce qui est de nos établissements, nous avons presque terminé nos programmes, avec le respect du quantum horaire. Généralement, vers le 23 juin, nous terminions nos programmes pour les classes de l’élémentaire qui prenaient leurs vacances après avoir composé. Ce ne sont que les élèves en classe d’examen que nous gardions jusqu’en juillet. Raison pour laquelle, les parents d’élèves ne payaient pas la mensualité du mois de juillet, mais avec ce nouvel réaménagement, nous sommes en train de réfléchir sur la faisabilité de la chose pour savoir s’il y a lieu de réclamer une scolarité pour les mois de juillet et août ou alors s’il faut procéder comme d’habitude en accusant les pertes, mais, en se réadaptant l’année prochaine et en se mettant au diapason de ce qui se fait habituellement dans les autres établissements privés. A savoir, réclamer la scolarité du mois de juillet. Qui est souvent payable à l’avance dans beaucoup d’établissements privés. A Saldia, on prend le temps de la réflexion. On veut y aller prudemment en analysant toutes les conséquences lourdes qui s’ensuivront. Nous ne voulons surtout pas y aller à la va-vite», explique-t-il, avec presqu’une parfaite compréhension de l’exaspération des parents d’élèves face à cette nouvelle mesure.
«Accepter pour la réussite scolaire des enfants»

Autre lieu, autre cas. Fatou Kiné Sarr est parent d’élèves et ses enfants sont inscrits aux Cours Sainte-Thérèse et Saint-Pierre, deux établissements mitoyens au quartier Zone A. Dans cette école réputée pour sa rigueur et ses bons résultats, ses enfants y sont envoyés depuis leur bas âge. «J’ai mes deux enfants inscrits dans ces établissements. L’un est en grande section à la maternelle à Sainte-Thérèse et l’autre en classe de 3e au collège Saint-Pierre. Je débourse chaque mois 21 000 FCfa pour leurs frais de scolarité. 16 000 FCfa pour mon fils qui est en classe de 3e et 5 000 FCfa pour celle qui est à la maternelle. Sans compter les frais de cantine. Vous conviendrez avec moi que ce n’est pas donné», gémit-elle. Fourrée dans une tunique beige, lunettes d’intellos vissées sur le nez, comptable de profession, la quarantaine sonnée, Fatou Kiné ne s’accommode toujours pas de la mesure. L’idée de débourser encore de l’argent pour clôturer l’année d’études de ses enfants lui donne le tournis. Comme à l’impossible, nul n’est tenu, la jeune maman s’est résignée à consentir ce petit sacrifice, si toutefois la réussite de sa progéniture en dépend. «Si l’établissement venait à exiger qu’on paie un mois de plus pour qu’elles puissent terminer correctement l’année, je serai obligée de payer car, elles bossent bien. A Sainte-Thérèse, on paie d’avance le mois de juillet. Il me restait à payer le mois de juin. Si toutefois, on devait payer le mois d’août pour mon fils qui prépare le Bfem, je n’aurai aucune alternative que de payer. Ce serait un fâcheux imprévu pour moi qui établis mon bilan au début de chaque année scolaire. Mais, je ne pourrai pas faire autrement», confie-t-elle dans un sourire crispé.



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