
Lorsque qu’elle prenait son destin en main, Fatou Diouf n’avait que 14 ans. En classe de 5ème secondaire, cette collégienne de 16 ans est issue d’une fratrie de 4 enfants. Toutefois, ses parents, agriculteurs de leur état, peinaient à joindre les deux bouts pour lui assurer une bonne année académique, plus préoccupés par les besoins familiaux que par les fournitures scolaires, ou encore l’habillement. Soucieuse de son avenir, Fatou Diouf, depuis trois ans, vient à Dakar dans le but de gagner sa vie pour préparer sa rentrée scolaire. Comme domestique.
Néanmoins, cette native de Guaya Pofine près de la région de Fatick sait où mettre les pieds. Récit.«Je m’appelle Fatou Diouf. J’ai 16 ans. Je suis originaire de Guaya Pofine, localité située près de Fatick. Je suis élève en classe de 5ème secondaire dans une école publique qui se situe à plusieurs kilomètres de mon village. De ce fait, je me lève très tôt le matin pour ne pas arriver en retard, car je ne prends pas de car. Je suis issue d’une famille démunie. J’ai deux sœurs et un petit frère. Mes parents sont des cultivateurs et sont âgés. Ainsi, ils ont du mal à joindre les deux bouts. Mon père se débrouille pour assurer la dépense quotidienne. C’est la raison pour laquelle, à chaque ouverture des classes, il rencontre toutes les difficultés du monde pour payer nos inscriptions (mon frère et moi, seuls écoliers de la famille). Ce, sans compter les peines qu’il a pour l’achat au complet des fournitures scolaires. Cela s’est même déteint sur mes résultats scolaires.
Mes années sont souvent perturbées. Il m’arrive parfois de manquer de cahiers pour noter mes cours. Je me rappelle qu’à plusieurs reprises j’ai repris mes cahiers de l’année précédente pour inscrire mes nouvelles leçons. La cause, à chaque fois que je demandais à mon père de l’argent pour acheter un cahier, il prenait comme prétexte notre situation de famille «pauvre» pour me faire comprendre que c’est la nourriture qui était la priorité. J’étais alors obligée d’aller à l’école sans bagages. Des fois, je n’avais même pas de vêtements à mettre pour aller étudier. Malgré ces vicissitudes de la vie, je ne me suis jamais découragée. J’ai continué les cours avec une volonté sans commune mesure jusqu’à ce que je décroche mon Certificat de fin d’études élémentaires (CFEE) et mon ticket pour l’entrée en sixième.
Consciente que les charges financières devenaient de plus en plus importantes pour mon père, j’ai décidé de prendre mon destin en main. J’ai commencé à travailler comme domestique à Dakar et cette expérience a été bénéfique pour moi, puisque cela m’a permis de gagner dignement ma vie pour payer mes études et m’acheter des habits neufs. Aujourd’hui, je suis à ma troisième année ici, dans le but de chercher du travail. C’est ce dimanche que je suis arrivée à Grand-Yoff, chez une tante maternelle. Je prépare la rentrée prochaine. L’objectif est toujours le même : avoir des habits et des fournitures complètes pour mon petit frère et moi».
«Ma grande sœur nous aide de temps à temps, car elle a assez de charges sur ses épaules. C’est une mère célibataire. Elle a été engrossée par son copain au village alors qu’elle faisait la 5ème secondaire. Ma sœur quittera les bancs malgré elle. Actuellement, son fils qu’il a laissé avec ma mère a trois ans. Elle travaille comme femme de ménage dans une société de la place pour subvenir aux besoins de mes parents en général et de son enfant en particulier.
«J’ai peur de tomber sur un patron pervers»
«Même si je ne le dis pas souvent, j’ai peur de connaitre le même sort que ma grande soeur. Je ne crains pas de tomber enceinte des oeuvres de mon petit ami, parce que je n’en ai pas, mais j’ai peur de rencontrer un patron pervers, qui me ferait subir des abus sexuels. J’entends tous les jours qu’il y a des domestiques qui sont violées par leurs employeurs.
C’est pourquoi, je pense à changer de métier pendant les grandes vacances. Mais, je n’ai jamais eu de problèmes dans les familles où j’étais, les années passées. Au contraire, elles étaient très gentilles. Mes patronnes me considéraient comme leur propre fille. Ainsi, je compte aller les voir afin qu’elles me recrutent à nouveau. Pour le service, je réclame 25.000 FCFA par mois, dont j’envoie une partie à mes parents. J’en donne aussi à ma tutrice, et le reste je le garde pour mes besoins. De retour au village, je n’ai pas honte de raconter à mes camarades ce que je faisais à Dakar. Je ne suis pas une complexée.«Je demande à toutes les filles qui étudient et dont les familles sont démunies de venir chercher du boulot pendant les trois mois de vacances que nous avons, pour préparer leurs rentrées scolaires et aider leurs parents. C’est mieux de gagner de l’argent à la sueur de son front. Ma mère me conseille d’éviter d’être recrutée par des hommes célibataires. Ils ont souvent de mauvaises intentions sur nous. Ils sont mauvais. Je pense que toutes les filles doivent faire pareil. Nous devons faire confiance à nos parents en suivant leurs conseils»
.AWA FAYELe Pays au Quotidien
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