
Avec près de 10.000 inscriptions, le contingent d’étudiants sénégalais en France accueille, avec soulagement, l’abrogation de la circulaire Guéant qui restreignait, drastiquement, leurs possibilités d’embauche par les entreprises françaises à la fin de leurs études. Cependant, les interrogations sur leur avenir professionnel ne se sont pas totalement dissipées avec l’entrée en vigueur du nouveau texte.
Une nouvelle circulaire intitulée : « Accès au marché du travail des diplômés étrangers », remplace celle dite « Guéant » qui était le « cauchemar » des étudiants étrangers en fin d’études en France. Comme promis lors de la campagne électorale, François Hollande a retiré le texte. La nouvelle est cependant accueillie avec prudence par les principaux intéressés, en particulier les étudiants sénégalais de France.
Le nouveau texte de trois pages a été adressé aux préfets français à la suite d’une collaboration entre les ministères français de l’Intérieur, du Travail, celui de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il adjoint aux préfets de « réexaminer prioritairement les dossiers déposés depuis le 1er juin 2011 » (la circulaire Guéant datait du 31 mai 2011, ndlr). Ainsi, la nouvelle circulaire insiste sur la nécessité de « délivrer aux intéressés une autorisation provisoire de séjour de six mois, non renouvelable, avec autorisation de travail, ou, pour ceux qui ont une promesse d’embauche, un récépissé avec autorisation de travail durant l’instruction de leur dossier ».
Des diplômés sans-papiers
La circulaire dite Guéant, du nom de l’ancien ministre français de l’intérieur sous la présidence Sarkozy, restreignait les possibilités d’embauche des étudiants étrangers à la fin de leurs études. Elle était décriée par les associations d’étudiants étrangers y comprises celles sénégalaises des différentes universités françaises. Devant ce déferlement de contestation, la première mouture de la circulaire Guéant signée le 31 mai 2011 avait été modifiée par une circulaire complémentaire du 12 janvier 2012, au début d’une année électorale en France.
Le nouveau dispositif est accueilli comme un soulagement par les étudiants sénégalais en fin de cycle. « C’est une bonne chose », soupire Marie Mamour Diop, étudiante en Master journalisme à Paris. « Le dénominateur commun des étudiants sénégalais en fin de cycle depuis plus d’un an maintenant est la peur, une crainte de voir une réponse négative de la préfecture de leur lieu de résidence à la demande de changement de statut d’étudiant à salarié », remarque Pape Omar Diawara, administrateur de base de données chez Sfr sorti de l’Université de Rouen avant l’entrée en vigueur de la circulaire Guéant. En effet, c’est la procédure que doit suivre tout étudiant étranger en France ayant trouvé une promesse d’embauche à la fin de ces études ou de son stage de fin d’études. « J’ai discuté avec un étudiant qui est en stage dans une SSII parisienne. L’entreprise souhaite l’embaucher pour le mois de septembre. La circulaire Guéant était une épée de Damoclès pour lui ».
Les tracasseries administratives des étudiants étrangers
« Avant la circulaire Guéant, pour renouveler son titre de séjour, il fallait un mois, alors que, maintenant, l’attente peut aller de 4 à 6 mois », constate Babacar Ndiaye, ingénieur responsable technique Bâtiment sorti, en 2010, de l’Utc de Compiègne. Les délais sont également longs pour la procédure de changement de statut d’étudiant salarié. « La circulaire Guéant l’avait alourdi pour décourager les entreprises voulant embaucher des étudiants étrangers. Pour couronner le tout, les préfectures ne donnaient plus d’infos par téléphone ni par mail. Elles avaient pris leur distance », poursuit-il. « Vu les difficultés imposées par la circulaire Guéant, beaucoup d’étudiants sénégalais effectuent le travail d’ingénieur ou de consultant dans les entreprises françaises, alors qu’en réalité ils ont le statut et le salaire de stagiaire », se désole Pape Omar Diawara.
Dans les médias français, on rappelle que « la priorité était de réexaminer des dossiers déposés depuis le 1er juin 2011. « C’était le point principal de nos discussions avec les interlocuteurs des trois ministères », se félicite Fatma Chouaïeb, porte-parole du Collectif du 31 mai qui s’opposait à la circulaire Guéant. La nouvelle circulaire « vise à réparer les dommages immédiats de la circulaire Guéant. Il y a environ 300 personnes qui sont sous le coup de ce texte, mais ce chiffre est loin de refléter la réalité », ajoute-t-elle. « J’avais une amie qui avait du mal pour faire son changement de statut d’étudiante salariée. Après le refus de la préfecture, elle était sous la menace d’une reconduite à la frontière. Elle a préféré rentrer au Sénégal », raconte Marie Mamour Diop.
Prudence avec la nouvelle circulaire
Il est difficile de noter avec exactitude le nombre d’étudiants sénégalais victimes de la circulaire Guéant, souligne Lamine « Pipo » Sané, agent administratif rattaché au service de gestion des étudiants au Consulat du Sénégal de Paris. Sur les 81 universités françaises (en métropole) et les établissements privés de formation, il y avait près de 10.000 étudiants sénégalais en 2009, une légère baisse en 2010-11 ». « En quoi la nouvelle circulaire pourra faire changer les choses ? » C’est juste une préconisation et non une loi, constate froidement Babacar Ndiaye, avant d’ajouter sagement « wait and see (attendons de voir) ». Pour Marie Mamour Diop, elle est « source d’espoir », puisque devant permettre « aux étudiants en fin de cycle menacés par une Obligation de quitter le territoire français (Oqtf) de rester, afin de trouver du travail ».
Le Sénégal est le premier pays en matière de mobilité estudiantine en Afrique subsaharienne et se classe cinquième dans le monde, après la Chine, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie, avec une forte présence en France.
0 Commentaires
Participer à la Discussion