Dans le cadre de la célébration du 27éme anniversaire de la disparition de Bob Marley, le reggaeman Alpha Blondy est à Dakar en réponse à l’invitation de son ami Youssou Ndour. Lors d’un face-à-face avec la presse, le musicien a répondu à toutes les questions dans un langage cru. Ses relations avec Tiken Jah Fakoly, Alassane Ouattara, Gbagbo, la crise alimentaire…tout y est passé au peigne fin.
Pourquoi le choix de Dakar pour célébrer la disparition de Bob Marley ?
Pour moi, à chaque fois que je viens à Dakar, c’est pour un événement. Quand je commençais ma carrière internationale, mon premier concert, je l’ai fait à Dakar en 1983 au stade Demba Diop et au théâtre Daniel Sorano. Ensuite, Je suis invité par mon frère Youssou Ndour, c’est lui qui organise cette fête du 11 mai à Dakar. Pour moi, c’est symbolique que Youssou, qui ne fait pas du reggae, mette les moyens logistiques et financiers pour l’organisation de cet événement. Donc je ne pouvais ne pas venir car c’est un fils d’Afrique qui rend hommage à un autre fils d’Afrique. Et puis, il y a trois ans, quand il préparait un grand concert à Dakar, qui finalement n’a pas eu lieu, il m’avait donné de l’argent que j’avais déjà bouffé.
Quelles sont vos relations avec Tiken Jah ?
Vous voulez une réponse sincère et pas hypocrite.
Oui ?
Je ne l’aime pas et il me le rend bien.
Pourquoi cette relation heurtée entre vous deux ?
Pour faire sa promotion, sa maison de disque voulait qu’il s’attaque à moi. C’est un peu comme si Samba Diop défiait Tyson. Comme on ne connaît pas Samba Diop, du simple fait qu’il défie Tyson, il fait sa promotion. C’est aussi simple que cela. Il n’avait pas besoin de procéder de la sorte. Il fait une bonne musique que j’apprécie. Il a commencé et en un moment il a voulu faire la paix et je lui ai dit d’aller se faire foutre.
Comment réagissez-vous à l’assassinat de Lucky Dubé ?
Je pense qu’ils l’ont buté. On a parlé de braquage de voiture. La voiture, ils ne l’ont pas pris, mais il a reçu le plomb.
Que représente pour vous Bob Marley ?
Bob a créé du boulot pour nous tous. C’est grâce à lui que vous connaissez Alpha qui n’est pas devenu un bandit. C’est grâce à Bob que j’ai pu exprimer mon message musical. C’est lui qui a montré que les enfants des ghettos peuvent aller conquérir le monde. Je suis un disciple de Bob Marley contrairement à ce que disent les journalistes qui parlent de Bob Marley africain. Il ne peut pas y avoir deux soleils dans le ciel et Bob est ce soleil pour tous les enfants de la diaspora.
Comment vous qualifiez le reggæ africain ?
Le reggæ africain n’a pas encore commencé. Ce n’est pas deux étoiles qui font la voie lactée. Je veux voir l’émergence des jeunes reggaemen qui sont un peu partout en Afrique.
Comment appréciez-vous le fait que Tiken Jah soit déclaré persona non grata au Sénégal ?
On ne vient pas chez des gens et demander à leur Président démocratiquement élu de quitter le pouvoir alors que ton propre pays est en feu. On te considère comme quelqu’un de mal élevé, parce que ce n’est pas ton problème. Je me bats contre les coups d’Etat. La plupart des Présidents africains sont arrivés au pouvoir par des "braquages politiques". Il y a ceux qui braquent des banques et ceux qui prennent des armes avec un groupe d’amis pour usurper le pouvoir. C’est ce qui fait que l’Afrique est pauvre aujourd’hui. Pour moi, le Président Wade est élu par les Sénégalais. Il ne faut pas confondre, chanteur engagé et chanteur mal élevé.
Pourquoi on assimile le reggæ à la consommation de chanvre indien ?
J’ai fumé deux paquets de cigarettes par jour pendant 36 ans et j’ai aussi fumé de l’herbe. La cigarette est 10 fois plus nocive que le chanvre. Je ne dis pas que l’herbe n’a pas son côté négatif. Mais l’excès nuit en tout. Mais l’hypocrisie que je ne comprends pas chez l’establishment, c’est comment on peut autoriser la vente de cigarettes quand on connaît tous ses effets dévastateurs. Moi, j’ai un poumon qui est touché et c’est une pneumonie qui a fait que j’ai arrêté une tournée américaine. Pourquoi nos Etats laissent les marques de cigarettes sponsoriser des concerts, des matchs de football. J’ai fumé la marijuana et je ne conseille pas à mes enfants de le faire. C’est une drogue et j’en étais prisonnier. Il y a aussi ceux qui profitent de la marijuana pour te faire consommer autre chose. Je prends l’exemple de Bob Marley à qui on a fait consommer de la cocaïne pour qu’il supporte ses tournées. Ce n’est pas l’herbe en tant que telle qui est dangereuse. Ce sont les ingrédients qu’on y ajoute. Je n’ai jamais vu de la cocaïne, mais un jour quelqu’un m’a donné un joint dans lequel il a mis du formol et ça m’a valu 5 ans d’hospitalisation. Voilà pourquoi, je dis à mes enfants et à mes petits frères, quand on te donne un joint, il faut l’ouvrir.
En tant que partisan de la paix, pensez-vous que l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire puisse se tenir le 30 novembre ?
Oui. Je suis optimiste. Je préfère parler de bouteille à moitié pleine que de bouteille à moitié vide. L’optimisme est aujourd’hui permis et il nous suffit désormais un code de bonne conduite. Les va-t-en guerres prient pour que le processus de paix n’aboutisse pas, mais nous qui nous soucions de la souffrance du peuple ivoirien, nous souhaitons que les accords de Ouagadougou puissent enfin donner une paix durable pour toute la Côte d’Ivoire.
Quel est l’état de vos relations avec Gbagbo ?
Gbagbo, je l’adore. C’est lui le mal qui a sauvé la Côte d’Ivoire. Quand il y a eu la querelle Alassane Ouatara et Bédié et que Robert Guei est venu faire un coup d’Etat, s’il n’y avait pas Gbagbo, on serait dans la merde. Donc, aujourd’hui Dieu merci, Gbagbo est là et le pays marche. On a connu la guerre, mais la situation pouvait être plus dramatique. Personne n’a vu des déplacés entassés dans des camps de réfugiés. Ceux qui ont pris les armes, s’ils avaient dépensé toute cette fortune dans une campagne électorale, peut-être qu’ils auraient gagné et évité à la Côte d’Ivoire tout ces malheurs. Je suis pour le pouvoir des urnes et pas pour celui des armes. En plus, Gbagbo il m’adore. Un jour, j’étais dans un restaurant. Il a fait arrêter son convoi pour venir me saluer. Quand quelqu’un te respecte et te met en valeur, il force ton respect. Quand je devais faire une fiesta à Abidjan et une autre à Bouaké, il me fallait 300 millions de FCFA. Je n’avais pas d’argent et j’ai adressé plus de 150 courriers aux Ambassades accréditées en Côte D’Ivoire. Certaines ont contribué à hauteur de 2 à 5 millions, mais Gbagbo m’a donné 50 millions.
On disait que Alpha est proche de Ouattara. Aujourd’hui vous avez changé de discours. Est-ce la conséquence de l’audience qu’il t’avait accordée en novembre dernier ?
Non. Quand, on m’a nommé au sujet de la paix, j’ai appelé tous les jeunes de tout bord. Je suis allé voir Laurent Gbagbo, Ouattara, Coulibaly et Soro à Bouaké. Le plan qui est actuellement mis en application, c’est moi l’initiateur. Le problème avec Ouattara, ce n’est pas entre Ouattara et moi. Ce sont les journalistes de Le patriote qui ont commencé à m’agresser gratuitement pendant 2 ans. J’ai envoyé quelqu’un à Alassane pour lui dire que je ne l’ai jamais égratigné. Ils ont fait une pause. Mais, quand j’ai accusé la force Licorne et l’Onuci après l’attaque contre Guillaume Soro, ils se sont énervés. J’ai dit comment on a pu tirer des roquettes sur l’avion du Premier ministre de la Côte d’Ivoire sans que la force Licorne et l’Onuci ne soient intervenues. Je les ai accusées d’incompétence coupable. Ainsi, les journalistes ont repris les attaques. C’est à la suite de cela que j’ai dit à des gens : allez dire à Ouattara que je vais l’égratigner. Non pas parce qu’il m’a attaqué, mais parce qu’on m’attaque à son nom. Lui-même, il ne m’a rien fait, mais il a laissé faire à ses journalistes. C’est à cause de Ouattara que Guei a envoyé l’armée chez moi, donc pourquoi ses hommes m’agressent. J’ai dit à Ouattara si tu parviens à faire la paix avec Bédié tu dois pouvoir le faire avec Gbagbo. On m’accuse de vouloir casser le rapprochement des héritiers de Houphouët. Moi, je ne suis pas un politicien. Si on me nomme pour la paix, il faut que j’aille jusqu’au bout. Je ne veux pas vivre pour vivre de guerre. J’ai dit que le bénéficiaire principal de l’ivoirité, c’est Alassane Dramane Ouattara. On dit que c’est Bédié qui a créé l’ivoirité contre Ouattara, mais, c’est Ouattara qui avait dit qu’il allait frapper le régime de Bédié. Pour moi un coup d’Etat est un acte antidémocratique. C’est Ouattara qui a financé la guerre. C’est un chef de guerre du nom de Codé Zakaria qui dit sur un DVD que si nous avons pris les armes ce n’est pas pour Soro ou Ibrahim Coulibaly, c’est pour Ouattara qui nous envoie 25 millions par mois.
Est-ce que vous pensez briguer le suffrage des électeurs pour prendre le pouvoir comme l’a fait Georges Weah ?
Tu sais pourquoi en Afrique nous avons des problèmes, c’est que tout le monde pense qu’il est politicien. Il faut qu’on laisse aux politiciens le soin de faire de la politique.
Face à la crise alimentaire qu’est ce que vous préconisez comme solutions ?
Moi, je suis d’accord avec le président Wade pour la suppression de la Fao. Ce sont des organisations de cette nature qui ont contribué à détruire les cultures vivrières au profit des cultures de rente. Aujourd’hui, elles viennent pour nous dire attention, il y aura une crise.
Quelle est la place de la femme dans votre œuvre ? Dans ma vie, je n’ai pas connu l’image d’un père. J’ai connu ma mère, ma grand-mère et ma tante. Voilà pourquoi je suis devenu très tôt un coureur de jupon.
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