
Les Sénégalaises ne sont pas seulement en Europe. Celles qu'on nomment les «Fatou-Fatou» sont aussi nombreuses au Maroc. Ces braves dames se battent pour gagner leur vie à travers le commerce, les tresses, mais aussi en travaillant comme domestiques. Des activités qui leur permettent de s’en sortir avec des revenus de 200 000 à 300 000 dirhams, soit entre 150 000 et 200 000 francs Cfa mensuel.
CASABLANCA - C'est connu, l’émigration n’est plus la chasse gardée des seuls «Modou-Modou» depuis bien longtemps. Elle est aussi pratiquée par les femmes au point qu'on les nomme aujourd'hui les «Fatou-Fatou». Et la destination de ces Sénégalaises n'est pas que l'Europe, notamment l'Italie, la France ou l'Espagne. Le Maroc, pays d'Afrique du Nord, connaît aussi son contingent de «Fatou-Fatou». Ainsi, ces dernières années, nombreuses sont les femmes qui ont quitté leur Sénégal natal pour aller se battre dans la capitale économique du Royaume chérifien, Casablanca, pour y gagner leur vie à travers le commerce, les tresses. C’est notamment le cas d'Amy Samb, qui a déposé ses baluchons au Maroc depuis seulement 7 mois. «Je suis au Maroc depuis le 21 janvier 2011», renseigne cette jeune femme originaire de la ville de Diourbel, dans le centre du Sénégal, rencontrée à la porte du célèbre marché de Casablanca «Médina».
«Je me débrouille comme je peux en faisant du commerce et tout ce qui peut me permettre de récolter de l’argent légalement. Car je suis là pour aider mes parents. J’avoue que je m'en sors pas mal parce que dans la vie, si tu ne te bats pas, le bon Dieu ne t'aidera pas à surmonter tes difficultés. En ce moment, je me focalise non seulement sur la vente des mèches, mais aussi sur les tresses. J’achète des mèches auprès des mes compatriotes, car ici, il n’y a pas de mèches, et puis je les revends. J’utilise ses mèches également pour tresser mes clientes qui sont en majorité des Marocaines. Et j’avoue que cela marche très fort», confie cette fille d’un ancien infirmier à la Sonacos de Diourbel.
Tresseuse et employée de maison, des activités qui rapportent gros
Il faut dire que la tresse marche très fort au Royaume chérifien. C'est du moins la confidence faite par ces Sénégalaises qui gagnent des fortunes à travers cette activité. «Les tresses, c'est une affaire très lucrative, ici, au Maroc. Ce n’est pas comme au Sénégal. Ici, on gagne mille fois plus qu'au Sénégal en tressant les gens. Sur une seule tête, on peut gagner jusqu'à 300 Dh, soit aux environs de 18 000 francs Cfa. C’est pourquoi nous réalisons de très bons chiffres d’affaires, nous autres les tresseuses», confesse Khady Wade.
À Fès, c’est le même décor pour les Sénégalaises qui vivent dans la capitale spirituelle du Maroc. Ici aussi, elles s'activent dans le commerce, surtout dans la zone de la grande mosquée et du mausolée de Cheikhna Cheikh Ahmed Tidiane Chérif, comme le souligne Ndèye Cissé, l'une d'elles, qui avance aussi que les Sénégalaises s'adonnent au métier d'employée de maison. «Hormis le commerce et les tresses, les Sénégalaises travaillent aussi dans les maisons comme domestiques. Et il faut reconnaître qu'elles gagnent bien leur vie. Car une employée de maison perçoit ici mensuellement près de 2000 à 2500 Dh, soit 120 à 150 000 francs Cfa. Ce qui est inimaginable au Sénégal où les salaires des domestiques sont une véritable misère, car ils tournent autour de 20 à 30 000 francs Cfa à peine».
«Et puis, ici au Maroc, les employées de maison sont logées et nourries par leurs patrons. Elles sont au travail toute la semaine et ne rentrent chez elles que le week-end. Donc les filles n’ont pas de problème», renseigne la doyenne des Sénégalaises du Maroc.
Une vie en communauté faite d'entraide
CASABLANCA - Pour vivre tranquillement au pays de Mohamed VI, les Sénégalaises du Maroc se sont organisées en communauté, avec comme maître mot l'entraide et la solidarité. Dans leur très grande majorité, ces Sénégalaises vivent à Casablanca, la capitale économique du Maroc. Elles logent pour la plupart dans la banlieue de Casa, dans les quartiers Oulfa, Aïn Sba et Sidy Maaroufe. Elles se sont bien organisées pour payer leur loyer qui coûte moins cher dans cette zone.
«Nous logeons en groupe dans des appartements de la banlieue de Casablanca. Parce que dans cette partie de la ville de Casa, les appartements sont moins chers. Les logements sont relativement à bas prix à Oulfa et Aïn Sba, ou Sidi Maaroufe qui est un peu plus cher que les autres quartiers. Pour un appartement composé de deux chambres et d'un salon, on paie entre 2500 et 3000 Dh, soit 120 000 à 150 000 francs Cfa. Soit l'équivalent du salaire mensuel d'une employée de maison ici. Mais comme nous sommes deux par chambre, soit au moins quatre voire parfois cinq personnes par appartement, chacune donne presque 500 Dh, environs 25 000 francs Cfa par mois pour son hébergement», explique Khady Wade, une ressortissante de Diokoul, dans la région de Louga qui précise : «Pour nous autres qui faisons le commerce au marché de Médina, il ne se pose pas de problème de restauration. Car on ne prend qu’un repas par jour. On ne prépare en effet que le dîner, le soir, après le travail. Parce qu'on passe toute la journée au marché. Et pour ce repas aussi, chacune d'entre nous donne sa participation».
NDEYE CISSÉ, LA MÈRE THERESA DES SÉNEGALAISES DU MAROC : «J’ai transformé mon salon en dortoir pour permettre aux Sénégalaises qui ont des problèmes de logement d’avoir où passer la nuit»
CASABLANCA - Établie à Casablanca depuis 2008, Ndèye Cissé est presque comme la mère Theresa des Sénégalaises du Maroc. En effet, cette dame héberge et prend en charge les Sénégalaises en difficulté au niveau du Royaume chérifien. Sa maison qui se trouve dans le quartier de Aïn Sba est en quelque sorte le quartier général des Sénégalaises de Casa.
«Je suis au Maroc depuis 2008. Je vis ici avec mon mari. Je fais du commerce. J'essaie de venir au mieux en aide à mes compatriotes qui débarquent ici. Une Sénégalaise qui descend au Maroc, on te recommande d’aller voir Ndèye Cissé. Ma maison est le quartier général des ressortissantes sénégalaises. Les week-ends, ma maison est pleine de monde», confie la mère Theresa de la communauté sénégalaise de Casa.
Évoquant son engagement en faveurs des Sénégalaises, elle révèle : «On a organisé même ici une tontine. On fait le tirage tous les cinq jours et la personne dont le nom sort reçoit 300 000 francs Cfa. Nous sommes en paix et nous demandons aux Sénégalais de prier pour nous». Poursuivant, elle déclare : «Vous savez, ce que je fais, je le fais de bon coeur, sans rien attendre en retour si ce n'est la récompense de Dieu». «Si quelqu’un démarque dans un pays où il ne connaît personne, il a forcément des problèmes. Et c’est pourquoi je n’hésite pas à héberger les gens. D'ailleurs, j’ai transformé mon salon en dortoir pour permettre aux Sénégalaises qui ont des problèmes de logement d’avoir où passer la nuit en attendant de trouver quelle chose», renchérit la native de Bargny.
La prostitution, un fléau auquel n'échappent pas les Sénégalaises de Casa
CASABLANCA - Si l'écrasante majorité des Sénégalaises du Maroc vit d'un travail décent et respectable de commerçante ou d'employée de maison, il y a aussi dans la communauté des «Fatou-Fatou», notamment à Casablanca, certaines filles qui s'adonnent au plus vieux métier du monde. Parmi nos compatriotes de Casa, certaines sont en effet des travailleuses de nuit. Ces femmes qui se prostituent peuvent, selon certaines indiscrétions, gagner jusqu'à 300 Dh pour une passe. C'est-à-dire environs 9000 francs.
«C’est dommage, mais il y a des filles qui sont en train de gâter l’image du Sénégal au Maroc en se prostituant», peste le jeune marchand ambulant Bass Senghor. Ce dernier ajoute : «Comme au Maroc, il est difficile de se taper une prostituée marocaine, vu que la loi interdit aux Marocaines d’aller voir un garçon à l’hôtel et les Marocaines n’ont pas le droit de recevoir des garçons, les hommes en quête de bon temps se tournent vers les Africaines, notamment ces Sénégalaises qui vendent leur chair. Car pour se payer une fille de joie Marocaine, tu dois débourser de l’argent pour ta chambre à l’hôtel et aussi payer une chambre pour la prostituée. Or ici, une chambre coûte près de 300 Dh (9000 francs Cfa). Et cela, c'est sans compter la passe. Ce qui fait que passer quelques heures avec une fille peut te revenir à 800 Dh, soit près 50 000 francs. Aussi, les Marocains préfèrent donner 300 Dh, donc 9000 francs Cfa a une Sénégalaise à qui l’on n’interdit pas tout cela. D’ailleurs, plusieurs Sénégalaises qui étaient venues ici pour faire le commerce ou pour étudier ont loué leur chambre et y reçoivent leurs clients et c’est vraiment dommage».
Une information confirmée par Amy Samb, une Sénégalaise qui s'investit dans le commerce. Sauf que, d’après elle, «ce sont des Sénégalaises qui ont choisi la facilité qui se prostituent». Selon elle, «c’est une minorité qui fait cela. Car la très grande majorité des Sénégalaises qui sont ici travaille très dur pour gagner sa vie. Mais, comme vous le savez, il y a partout des brebis galeuses, même au Sénégal il y a des filles qui se prostituent. Cela ne veut pas pour autant dire que toutes les Sénégalaises sont des prostituées. Donc il faut faire la part des choses, car les filles qui se prostituent ici sont celles qui ont choisi une solution de facilité», répète-t-elle.
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