Partie étudier l’ethnomusicologie, c’est durant son séjour parisien qu’elle a eu plus d’ouverture pour se concentrer davantage sur la musique. La fille d’Ouza Diallo, qui surfe depuis bientôt un an sur la vague du succès de son premier album, garde bien la tête sur les épaules. Adji Kane Diallo entend relever le défi de faire mieux que « Madou », pour ne pas décevoir ses fans...
Comment votre premier album a été accueilli par le public depuis sa sortie ?
Cela fait depuis presque un an que l’album « Madou » est dans les bacs. Le résultat est un peu plus positif. Pendant cette période, les titres « Madou » et « Nobel » ont fait leur temps et nous nous envisageons de réaliser d’autres clips pour poursuivre la promotion. C’est un album dont la préparation a pris deux ans avec comme objectif que les mélomanes puissent déguster pendant un bon moment notre musique. Nous avons travaillé dans cette optique avec beaucoup de mélanges. C’est l’occasion de souligner que chacun des onze titres qui composent l’album peut faire l’objet d’un clip. Je pense que c’est quelque chose de positif puisque cela va faire bientôt un an que l’album est sorti et que les gens en parlent encore. Certains croient que l’album ne comporte que deux titres alors qu’il y en a onze. Une tournée dans les régions et la réalisation d’autres clips permettront au public de découvrir les autres morceaux.
Et vous avez une idée des ventes...
Sincèrement je ne m’occupe pas des ventes. Mais à entendre mon père, j’ai l’impression que cela ne marche pas fort. Il dit souvent qu’on investit beaucoup alors les ventes ne suivent pas. Franchement, pour la vente du produit, je ne suis pas très informée et je ne demande pas non plus. Je sais cependant, actuellement, que nous avons des problèmes pour vendre quel que soit le succès du produit.
Deux ans pour réaliser cet album. Pourquoi tout ce temps ?
Depuis 2007, mon frère (Cheikh Lô Diallo - ndlr) et moi réfléchissions sur le produit. C’est mon frère qui a eu l’inspiration, par exemple pour le morceau « Nobel » dans sa version « mbalax ». Auparavant, je chantais le morceau dans un cabaret à Paris dans le quatrième Arrondissement. C’est de là que mon frère Cheikh a eu l’idée de la réalisation de l’album. Pendant deux ans, nous avons travaillé sur le concept, notamment sur les partitions. Après, il m’a dit de donner le produit à Ibou Ndour qui saura comment faire. Il peut le faire et il va le faire. Je dois avouer que la réalisation de l’album était un vrai défi sur le plan musical. En quoi la réalisation de cet album est un défi ? En Europe, lorsque nous jouons avec les Blancs dans les cabarets, ils ont l’habitude de dire que « seuls les rythmes sont riches mais ils ne connaissent que deux accords ». Ainsi, pour leur prouver le contraire, nous avons multiplié les accords dans la réalisation de certains morceaux. C’est un défi mais nous l’a fait certes, mais dans la galère.
Quand est-ce que vous avez mûri le projet de faire de la musique ?
Je faisais des chœurs dans l’orchestre de mon père mais avant cela, j’avais commencé à faire du piano bar avec mon frère Cheikh Lô Diallo. On jouait dans les hôtels de la place et dans des endroits comme le « Just F4 ». C’était vers les années 2003, juste avant mon départ pour la France. Par la suite, avec le départ des « Soul Njagamares » », je faisais des chœurs avec mon père. A Paris, j’ai eu plus d’ouverture et je me suis concentrée davantage sur la musique. Et quelle est la raison qui vous a conduit à Paris... Je suis allée là-bas pour faire des études en ethnomusicologie, parce que cette discipline n’existe pas au Sénégal.
Vous jouez un instrument de musique ?
Je joue du piano, de la guitare. Sur scène dès fois quand je le sens, je joue ces instruments, mais seulement quand je le sens vraiment. Dans la musique, si je ne sens pas quelque chose je ne m’y aventure pas.
Vous et votre frère jouez de la musique parce que votre père est musicien ?
Evidemment (rires). Notre père nous a beaucoup influencés. Si je n’avais pas un papa musicien, je ne serais certainement pas devenue une musicienne. J’étais de nature très timide et très réservée (elle insiste). Ecrivez-vous vous-même vos chansons ? Dès fois oui. Dès fois mon frère, mon père. C’est un travail de famille en quelque sorte.
Depuis quelques temps, vous faites des spectacles à Dakar et dans les régions. Vous allez poursuivre sur cette lancée et rester au Sénégal ?
J’étais venue juste pour faire la promotion de l’album. Apparemment, les gens ne connaissent que les deux titres-phare à savoir « Madou » et « Nobel » qu’ils voient à la télévision. Cela nous a poussés à faire des concerts live pour que le public découvre les autres morceaux. Je pense qu’avec le temps, les gens vont découvrir les autres morceaux. Je ne peux en deux mois leur imposer cela. Ce temps me parait très court. C’est un travail à long terme. Je dois retourner à Paris pour mes études mais je compte revenir après la Korité pour faire quelques concerts qui s’inscrivent toujours dans la politique de promotion de l’album.
Votre père est-il surpris d’avoir sous la main une chanteuse, cela après avoir formé tant d’autres filles ?
J’ai effectivement surpris mon père. C’est quelqu’un de très sévère s’il vous forme. Vous vous dites toujours que je suis nulle parce qu’il vous casse toujours de sorte que j’étais toujours découragée. Ce n’est qu’une fois à Paris que j’ai commencé à avoir confiance en moi. Mais pour dire la vérité, je n’avais pas la voix. Tout ce que mon père disait s’est révélé vrai. Cela m’a encouragé à redoubler d’efforts et jusqu’à présent je les poursuis en suivant des cours de techniques vocales. Je chante aussi dans la chorale de notre université avec l’objectif de me bonifier au jour le jour. Ainsi, là où je peux puiser de l’expérience en chants et en musique, j’y vais.
Avant votre départ pour la France, vous suiviez quelles études ?
J’avais commencé des études en anglais à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. C’était en 2002-2003 mais j’ai arrêté pour suivre des cours de Tourisme pendant une année. Lorsque j’ai eu ma pré-inscription, j’ai tout laissé pour faire des études en ethnomusicologie. Actuellement, je fais mon Master 1 à Paris 8. J’ai déjà fais le travail de terrain chez les Bassaris et je suis à la phase rédaction de mon mémoire.
Vos études peuvent-elles vous servir dans la musique ?
Tout le monde me pose cette question (rires). Les études sont toujours profitables. Je dois préciser qu’en faisant des études en ethnomusicologie, ce n’était pas pour m’en servir dans ma carrière musicale mais par passion. J’ai toujours aimé découvrir les autres genres musicaux notamment les musiques traditionnelles « diola, sérère ». Peut-être à la fin de mes études, je ferai des recherches sur la musique sérère, mandingue. Encore une fois, les études servent toujours à quelque chose. Par exemple en regardant les enfants chantonner, ils m’inspirent.
Comment alliez-vous études et musique ?
Au début, c’était très difficile. Je chantais dans les cabarets de minuit à cinq heures du matin. Avant d’arriver chez moi, il était déjà six heures. Je faisais une somme de deux heures avant d’aller suivre les cours. Je passais le plus clair de mon temps à dormir sur les bancs (rires). Je n’étais pas concentrée et c’était très dur. De plus, Il me fallait d’abord m’initier puisque je ne connaissais pas grand-chose sur la musique. Actuellement, je suis plus libérée parce que notre programme n’est pas très chargé. C’est devenu plus facile. Cela me donne un plus de temps pour jouer avec des musiciens maliens comme Cheikh Tidiane Seck qui est très connu. Je fais aussi des chœurs avec des chanteurs congolais.
Quelles sont vos sources d’inspiration ?
Les faits de la vie. Par exemple dans mon album, il y a une chanson consacrée au stress, c’est quelque chose que j’ai vécue en France. Il y a également la femme-objet, à qui la faute ? En général, j’ai vécu la plupart des thèmes abordés dans mes chansons, sinon on m’écrit les chansons.
Qu’entendez-vous par femme-objet ?
Prenant en exemple l’habillement, je me demande si on a imposé cette façon de s’habiller ou c’est nous qui l’avons voulue ainsi. C’est un débat. Mais le fond de la question, c’est de savoir si nous ne contribuons pas à véhiculer l’image de la femme-objet ? Car à y regarder Adiouza sur scène, est-ce qu’elle n’est pas une femme-objet...
Les artistes femmes ne contribuent-elles pas à renforcer cette image ?
C’est une question de mode. En tant qu’artiste, je ne peux pas pour faire dans l’originalité porter des choses ringardes au risque de me marginaliser. Je dois vous avouer que lorsque je dois jouer, je reste un bon moment à me demander que dois-je porter. La mode joue un rôle très important sur notre manière de s’habiller. En France par exemple, la mode, c’est des robes longues pas du tout sexy. En définitif, la mode influence beaucoup nos manières de s’habiller.
Adiouza a-t-elle son public ?
Si j’ai un public ? Je ne sais pas. Mais maintenant je ne peux plus sortir pour aller à Sandaga. Parfois quand je vais voir naturellement une amie, les gens me passent leurs amis pour que je parle avec eux au téléphone. Je parle avec une dizaine de personnes, voire plus. Tout cela pour vous dire que je ne passe plus inaperçue comme auparavant.
Et comment gérez-vous cette situation ?
Je vais essayer de faire mieux pour ne pas décevoir mes fans. Par exemple, il y a des gens qui se fâchent parce que je n’ai pas répondu à leur message. Or, ce n’est pas cela. Je reçois par jour des centaines de mails par jour. Ce qui fait que, c’est difficile de répondre à tous.
Vu le succès de votre premier album, n’est-ce pas un défi pour vous ?
Si, c’est un grand défi. Beaucoup de gens me disent que ce sera très difficile de réaliser à nouveau un produit de cette qualité. C’est stressant mais aussi une source de motivation supplémentaire pour moi. Cela explique que je suis toujours avec un instrument de musique.
Le stress, c’est aussi par rapport au travail des autres musiciennes ?
Sur ce plan non. Je ne suis pas suiviste. Je fais toujours ce que je sens. C’est très essentiel pour moi.
Parmi vos fans hommes, y en a-t-il des tenaces ?
Il y a beaucoup de Madou Sarr (rires). Mais j’essaie toujours de bien me comporter avec eux.
L’histoire de Madou Sarr est-elle vraie ?
C’est fréquent de voir des hommes grands coureurs de jupons. Je présume que toute femme doit au moins vivre une histoire pareille. Personnellement, je l’ai vécue (rires).
Pour la suite de votre carrière musicale, votre père vous conseille-t-il ?
Ah oui-oui. Je ne fais jamais quelque chose sans demander son avis et je suis toujours ses conseils.
Et il est toujours sévère avec vous comme au début...
Non. Ce n’est plus cas. Maintenant il me fait confiance, tout en me critiquant. Ce qui est normal parce qu’il s’y connait.
1 Commentaires
Mame
En Septembre, 2011 (18:51 PM)Participer à la Discussion