Barcelone ou la mort. Il ne verra ni l’un, ni l’autre. Modou ne réussit pas à rejoindre les îles Canaries, en Espagne. Il a 30 ans, vit à Thiaroye-sur-mer dans la banlieue de Dakar et rêve d’Europe. C’est sa seconde tentative. La première fois, il avait rebroussé chemin après un voyage, en avion, jusqu’au Maroc.
Cette fois, après onze jours de vagabondage dans l’océan à bord d’une embarcation de fortune surchargée, il est à nouveau dans son patelin. En sursis, pris en étau entre miracle et désespoir, il relate devant la caméra sa mésaventure clandestine : le grand bleu, les vagues déchaînées, la tempête, la lutte pour la survie. Les malheurs s’accumulent. Le Gps tombe en panne. Les chalutiers font la sourde oreille à l’appel de détresse. Quand les provisions tarissent, l’alternative est l’eau de mer, une boisson qui ne désaltère jamais. Modou et ses compagnons d’infortune ne doivent leur salut qu’à ‘l’évocation du nom de Dieu qui oriente les garde-côtes marocains vers eux’.
Après avoir frôlé la mort, Modou reste obsédé par l’idée de rejoindre l’Europe. Les panneaux publicitaires de Western Union alimentent ses rêves de fortune. Il est galvanisé par une mère avide de succès matériel et stimulé par l’exemple d’un frangin plus chanceux.
Face à l’appel du large, le cousin Talla fait figure de résistant. Il tente de convaincre les jeunes de rester au pays. Prof d’anglais, il sensibilise sa classe sur les dangers de la traversée clandestine. Les débats entre élèves révèlent que certains sont touchés par le drame. Une jeune fille a perdu un frère jumeau et un demi-frère, emportés par les vagues. Les plans serrés sur les visages évoquent l’ampleur des souffrances.
Modou, lui, n’a plus le temps de se raser. Ses yeux sont creux. Le regard est lointain...
Guiro s’arrête sur les raisons qui poussent les jeunes de Thiaroye-sur-mer à vouloir quitter cette zone. Le coin est miné par la pauvreté et l’insalubrité. La pêche, principale source de revenus des familles, n’est plus rentable. Les jeunes accusent les chalutiers européens, chinois ou japonais de prendre leurs emplois et de mettre à genoux l’économie locale.
Ils pointent aussi un doigt accusateur vers les gouvernants sénégalais, coupables de passivité face aux maux qui assaillent les populations de Thioraye-sur-mer.
Sorti en 2007, Barcelone ou la mort a été montré mercredi à l’Institut français de Dakar lors d’une soirée spéciale, ‘L’immigration clandestine vue par des artistes’. La projection a été suivie du vernissage de l’exposition Série noire de la plasticienne Lili Desquand.
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