
Depuis mars 2012, Boubacar Sidibé observe une grève de la faim pour obtenir la révision de son procès. Médecin de son état, il a écrit plusieurs lettres au procureur de la République du Tribunal de Grande Instance d'Evry et au président Sarkzoy. En vain. Depuis quinze jours, il campe devant le tribunal, observant sa grève de la faim.
(Correspondant permanent à Paris) -]b L’histoire de Boubacar Sidibé
ressemble à un roman. Né d'un père sénégalais et d'une mère française,
ce médecin sénégalais qui vit en France depuis 1976, symbolisait un
exemple d'une intégration réussie en France. Marié en 1987 à une
française d'origine polonaise, le couple a eu quatre enfants dont deux
filles. Lui médecin, son épouse infirmière, ils vivaient dans un amour
quasi idyllique, loin du besoin qui frappe la plupart des immigrés
sénégalais en France qui peinent à joindre les deux bouts. Mais
progressivement, le couple va sombrer dans des difficultés, non pas
financières, mais judiciaires puis conjugales et familiales. Tout part
de la volonté de Boubacar Sidibé de rénover sa maison où il vit avec son
épouse et ses enfants : restaurer certaines parties du bâtiment qui se
dégradent et agrandir la maison ensuite. Pour cela, il prend un
architecte qui s'avère être la femme d'un de ses collègues. Le premier
contact avec celle-ci date de 1996. D'après Boubacar Sidibé, deux
contrats sont signés : le premier sur la restauration qui inclut le
relevé topographique sans surveillance des travaux et un deuxième sur
l'agrandissement avec suivi des travaux.
A en croire le médecin franco-sénégalais, sur le deuxième contrat,
l'architecte aurait mentionné qu'elle devait percevoir à la fin des
travaux 10 % du coût des travaux et rien sur le premier contrat. Fort de
ces accords, un appel d'offres est lancé. Une entreprise est choisie
pour la restauration. De fil en aiguille, des difficultés apparaissent
dans les relations entre Boubacar Sidibé et son architecte. Elles
s'aggravent lorsque l'architecte transforme les deux contrats en un avec
comme titre : «Restauration et agrandissement.» Ce qui aura des
incidences financières d'autant plus que Boubacar soutient qu'il ne
devait rien payer en ce qui concerne la restauration puisque
l'architecte ne devait pas faire un suivi des travaux. Quand la facture
tombe, il conteste, demandant à l'architecte de régler l'affaire à
l'amiable. Ce que cette dernière accepta avant de se rétracter pour
demander son dû qui inclut les honoraires liés aux travaux de
restauration. Les deux contractants n'ont pas voulu obtempérer. Chacun
campe sur sa position. Et l'affaire est portée devant le tribunal.
C'était en 2001. Un expert judiciaire est nommé pour examiner les
travaux. Celui-ci remet son rapport au tribunal. Quatre ans plus tard,
le jugement est rendu et Boubacar Sidibé est condamné à payer 6 000 à 7
000 euros (entre 3 930 000 et 4 600 000 Cfa). Même si le
franco-sénégalais conteste la décision de justice et en veut à ses
avocats qu'il accuse de ne l'avoir pas défendu, il s'exécute en payant
la somme qui lui a été infligée par la justice française.
Divorce
Mais le malheur ne venant jamais seul, comme le dit l'adage, il
doit faire face en même temps au désamour de son épouse. Celle-ci
commence à parler de divorce entre et 1997-1998. Avant de renoncer après
avoir discuté avec son époux. Mais la même volonté de clash apparaît
encore en octobre 1999, puis en 1990. Des discussions sont menées pour
apaiser le cœur de Mme Sidibé. Six ans plus tard, celle-ci ne semble
plus être amoureuse de son mari. Elle insiste pour divorcer. Des amis du
couple interviennent en vain. Mme Sidibé est décidée à aller voir le
juge pour déposer sa demande de divorce. Et le motif est cinglant :
«Harcèlement», souligne le médecin pourtant amoureux de son épouse.
Toutes les tentatives de recoller les morceaux ont été vaines. La femme
«blonde» était décidée. Pour étayer son accusation de «harcèlement»,
Boubacar Sidibé témoigne que son épouse a sollicité ses amis pour
produire des certificats qui l'accablent. «Ce sont des amis de ma femme
que je ne voyais même pas. Donc, elle a présenté des témoignages contre
moi qui sont faux. Ce n'est pas mon tempérament de harceler», se
justifie-t-il. Lui aussi convoque le témoignage de l'un de ses rares
amis qui lui restent et qui souligne qu'il n'a rien constaté «d'anormal
dans le couple» lors de leur séjour au Sénégal, rapporte Boubacar
Sidibé.
Mais l'affaire étant devant le tribunal, il faut la juger. Les
juges convoquent les expertises des psychologues. Presque tous
incriminent Boubacar Sidibé, qu'ils ont accusé de «narcissique», de
«raciste», de «psychopathe». Ce qui fait bondir le médecin. Lui, le
métis, peut-il être accusé de raciste ? Lui qui a épousé une «blanche,
blonde aux yeux bleus», peut-il être raciste ? Ce sont aujourd'hui ces
interrogations qui lui reviennent incessamment à l'esprit d'autant plus
que le tribunal de Grande Instance d'Evry a tranché en faveur de son
épouse. Ses récriminations et ses contestations ainsi que son appel
n'ont pas permis d'inverser le jugement en sa faveur. Conséquences : il
est séparé de ses enfants dont la garde a été confiée à son épouse même
s’il a un droit de visite. Dans ces défaites judiciaires, ils accuse non
pas seulement la justice, mais aussi ses avocats qui ne l'auraient pas
«assez défendu». D'ailleurs il peine à en trouver un pour tenter la
réouverture de son dossier. Il a fait appel à l'Ordre des avocats qui
lui a servi une fin de non-recevoir puisqu'il est solvable.
Une lettre à Sarkozy
Aujourd'hui, toute sa bataille est consacrée à la réouverture de
ce dossier judiciaire. Pour cela, il a écrit des lettres au président de
la République d'alors, Nicolas Sarkozy et au procureur du Tribunal de
Grande Instance d'Evry. Dans toutes ses lettres, il brocarde «les
dysfonctionnements de la justice». Une autre lettre, datée du 24 janvier
2012, est adressée au procureur de la République du Tribunal de Grande
Instance d’Evry. Ce dernier n’ayant pas répondu à la première, il lui
envoie une deuxième lettre datée du 20 mars 2012. Las de n'avoir obtenu
gain de cause auprès du procureur qui ne répond pas à ses lettres,
Boubacar Sidibé s'adresse au président Sarkozy alors au pouvoir, en
enjoignant les deux lettres envoyées au procureur de la République
d'Evry. Mais, le président Sarkozy ne répondra pas. Cela ne décourage
point Boubacar Sidibé. Qui s'est également adressé au médiateur de la
République française, à la Haute autorité de lutte contre les
discrimination et pour l'égalité (Halde), au ministère de la santé.
«Mais tout le monde m'a envoyé balader», fait savoir Sidibé, dépité.
Grève de la faim pour faire réviser son procès
C'est ce dépit qui l'a poussé à entamer une grève de la faim en
mars dernier pour se faire entendre afin qu'on révise son procès. Depuis
quinze jours, en grève de la faim, il campe devant le tribunal de
Grande instance d'Evry. Il ne quitte les lieux que le vendredi soir pour
revenir le lundi matin. Il a considérablement maigri. Sa tête est
presque rentrée dans ses épaules. Ses joues sont dégarnies et ses yeux
enfoncés dans un visage pâle. En un mot, Boubacar Sidibé souffre et
risque de mourir. Mais, dit-il, sa seule exigence pour lever le camp et
mettre fin à sa grève de la faim : la révision de son procès. Pour cela,
il interpelle les autorités sénégalaises, les associations des défense
des droits de l'homme pour l'aider dans son combat.
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