Hamady Bocoum : ‘’ Ce serait une lourde erreur de faire table rase de notre culture’’

Dakar, 13 fév (APS) – Le directeur du patrimoine du Sénégal Hamady Bocoum prévient contre la ‘’lourde erreur’’ consistant, au nom de la modernité, à faire table rase de la culture et du patrimoine et appelle les Sénégalais à promouvoir la création, pour cesser d’être des ‘’individus complètement dépendants’’.

‘’Si on ne préserve pas le patrimoine culturel, on devient des êtres quelconques. On n’a jamais vu un pays se développer en faisant l’impasse de sa culture et son patrimoine. Ce serait une erreur lourde de sens si, pour se moderniser, on fait table rase sur notre culture’’, a affirmé M. Bocoum dans une interview publiée samedi par le quotidien Le Matin (privé).

‘’Il n’y a pas d’antécédent, dans l’histoire du monde, d’un peuple qui se soit développé en laissant en rade sa culture. Mêmes dans les terres neuves d’Amérique, a argué M. Bocoum, ceux qui sont partis coloniser de nouvelles terres ont vainement cherché des références. Ils ont construit des villes nouvelles en se référant toujours aux plus anciennes qu’ils ont laissées chez eux.’’

‘’On a tout intérêt à préserver notre culture, à la renforcer tout en sachant que les cultures ne sont pas statistiques. Embarquer sa culture, ça ne veut pas dire être rivé sur le passé. C’est lui donner es moyens d’être compétitive dans le monde moderne’’, a poursuivi Hamady Bocoum, archéologue de formation.

‘’On a passé des siècles à ne penser qu’à la survie individuelle ou familiale. Il n’y avait de place pour aucun rêve. Et cela nous a poursuivis jusqu’à présent. Les gens créent très peu dans notre pays. Aujourd’hui, c’est le réflexe du consommateur qui prend le dessus sur le réflexe du créateur, du producteur’’, a-t-il analysé.

‘’Naturellement, a-t-il averti, tant qu’on continuera à être cela, nous serons ce que nous sommes, c’est-à-dire des individus complètement dépendants. Je pense qu’aujourd’hui, les seules personnes qui ne soient pas dépendantes sont les artistes et les créateurs. Et, il faudrait qu’ils contaminent le reste de la communauté.’’

‘’Les cultures qui vont être porteuses, ce sont celles qui vont s’adapter au monde moderne ou qui vont adapter ou adapter le monde moderne à leurs canaux. Que ça soit des canaux esthétiques ou autres. Je pense que ce serait vraiment une erreur lourde de conséquences que de penser un seul instant qu’on peut faire quelque chose en nous débarrassant de notre culture’’, a insisté le directeur du patrimoine.

‘’La culture, je continue à le penser, a-t-il poursuivi, est l’un des rares espaces où nous sommes encore restés créatifs. (…) L’une des plus grandes conséquences de la traire négrière et de la colonisation a été de tuer l’initiative, de tuer la créativité, de tuer l’instinct de rêve.’’