MUSICIEN, LAURÉAT DU « PRIX DÉCOUVERTES RFI- MUSIQUES 2009 » : Les confidences d’Ibrahima Conté dit Naby

Vêtu d’un T-shirt bleu, pantalon aux diverses couleurs patchwork propre aux « Baye Fall », Ibrahima Naby Conté est venu à notre accueil. Malgré sa prouesse d’avoir réussi à décrocher « un prix que tout le monde voulait », le jeune chanteur a encore les pieds sur terre. A trente-trois ans, il a le triomphe modeste et circonscrit tout cela au coup du destin. Un mot qu’il répète sans cesse d’ailleurs. Conscient désormais du lourd fardeau qui pèse sur ses épaules, l’artiste implore Dieu de lui donner la force de représenter dignement le Sénégal en Afrique.

Naby, le 25 novembre dernier, vous avez été lauréat du « Prix Découvertes Rfi 2009 » à Lomé. Qu’aviez-vous ressenti en recevant cette distinction ?

NABY : « Moi, je me dis que j’ai eu un destin qui a fait que j’ai eu à participer à ce concours. Cela m’a fait beaucoup plaisir, le fait de rencontrer d’autres gens et de découvrir un pays qui est près du mien et que je n’avais jamais eu l’occasion de visiter et présenter mon produit, c’était quelque chose de grandiose déjà. Avant même le prix. Mais, je dis que c’est le Sénégal qui a été primé, pas moi. Moi je n’ai été que désigné pour recevoir le prix. C’est mon destin. J’ai été ému et cela m’a fait beaucoup plaisir, parce que je me suis lâché comme un dingue. Quand on vous désigne pour recevoir quelque chose et qu’il y a beaucoup de gens qui ont été là et qui étaient membres du jury. Il y avait Passy, Claudy Siar, Geneviève Goetsinger, la directrice déléguée de Rfi et Lilian de la Sacem, Valérie de France Cultures. Ce qui m’a beaucoup ému, c’était la logistique. Et je me suis dit quand on s’occupe d’un artiste comme ça, on le valorise, c’est le top. Et une semaine durant, on n’a fait que ça, jusqu’à ce que je gagne le prix. Que j’ai gagné pour le Sénégal. J’étais donc l’enfant du Sénégal qui était parti là-bas, en amenant un art hérité du Sénégal. Moi j’ai trente-trois ans, père de famille, je me suis toujours accroché à la musique. Je ne fais que ça. Je ne me prends pas la tête, parce qu’il faut toujours croire à ce que l’on fait. On dit que tout travail bien fait est rémunéré.

Vous estimez donc que ce prix est une récompense de votre travail ?

« Oui ! C’est une récompense d’un labeur de quinze ans. Pendant quinze ans, j’ai tenu et j’ai été bercé par le hip-hop sénégalais, par la musique sénégalaise et par la musique du monde. J’ai atteint une ouverture telle que je me suis dit, c’était mon destin. J’étais parti là-bas pour présenter un tableau aussi. C’est-à-dire Naby, qu’est-ce qu’il est devenu ? Qu’est-ce qu’il a fait pendant toutes ces années ? Ils (Ndlr Rfi) m’ont donné l’opportunité de pouvoir m’exprimer devant un public que je ne connaissais même pas. Tout cela m’a fait plaisir. Aujourd’hui, je suis fier de moi. Je suis fier de tous les Sénégalais, en commençant par ma mère. C’est elle qui m’a mis au monde, elle m’a appris beaucoup de trucs, ensuite il y a le vis-à-vis, c’est-à-dire tous les gens qui ont travaillé dans l’album. On ne va pas dire qu’on l’a fait seul. Parce que quand tu parles une langue, c’est qu’on te l’a apprise quoi.

Artistiquement, le groupe, les préparatifs, dites-nous, comment les choses se sont passées, le processus jusqu’à votre désignation comme

« Prix Découvertes Rfi 2009 » ?

« Moi, j’ai un manager qui est un peu « ouf » quand même. Il a osé poser notre candidature à ce concours Rfi. Cela s’est bien passé, parce que dans un premier temps, on nous a dit, à travers le net, qu’on faisait partie des quinze premiers qu’on avait choisis. D’après ce que j’ai entendu, il y a avait plus de mille personnes qui avait pris part au concours. Moi, je suivais les choses depuis Paris, j’étais en famille et chacun se disait est-ce qu’il va être dans le truc ou non. Finalement, on nous a appelés pour nous dire que vous faites partie des trois premiers retenus pour le prix. C’est quand je suis retourné au Sénégal qu’on me l’a dit. J’ai dit waaw !!! (Il lève les bras-ndlr). Dans ma tête, je me suis dis, il y a un voyage, je vais aller voir d’autres univers, d’autres gens, leur présenter mon tableau et dire ma vérité, dire ce que je ressens. Pour moi, c’était le top, avant même le concours. Le concours en tant que tel, on l’a préparé ici avec un groupe avec qui je travaille depuis deux ans. On est six ou sept comprenant claviste, saxophoniste, guitare, basse et batterie et la voix que je gère. On est parti se présenter, on a donné notre tableau et cela s’est bien passé. Les gens ont acclamé et tout le monde a aimé. Moi, je dis que c’est une expérience et qu’il y a beaucoup de choses qui vont se passer après. C’est-à-dire qu’on va bouger en Afrique et c’est un grand plaisir quand même pour un artiste. Un artiste ne rêve que de cela, bouger et montrer ses tableaux en Afrique, avant de toucher les autres horizons, c’est-à-dire l’Europe. J’ai un lourd fardeau déjà, parce que, comme je dois représenter un pays dans toute l’Afrique, c’est ce que j’ai toujours voulu et Rfi m’en a donné l’occasion. Et cela c’est un boulot aussi d’un an, voire même plus si tu es dévoué et si tu as l’énergie pour le faire. Et moi, je ne demande qu’avoir l’énergie en fait ».

Vous avez dit que vous avez présenté un tableau. Peut-on savoir quel genre de musique vous avez présenté? ? Et parlez-nous de votre musique.

« Le style de Naby, c’est le « World wide », c’est tout ce qu’il a vécu pendant toutes ces années-là jusqu’à l’âge de trente-trois ans. Les musiques que j’ai faites, les bêtises aussi dans ma vie et l’aboutissement est ce Prix Découvertes que tout le monde voulait quand même. Moi, j’ai été désigné pour ça et aujourd’hui je suis très heureux pour mon pays, pour l’Afrique toute entière.

D’après vous, qu’est-ce qui a été déterminant et qui a conduit au choix de Naby par le jury du Prix Découvertes ?

C’était scénique pour moi. Il y a un mot que j’ai entendu, c’était « performeur ». Les gars m’ont nommé comme tel. C’est le président du jury, Passy du groupe « Bisso na Bisso », qui m’a appelé comme ça. Moi, je le respecte lui, Passy. Mais tout cela est peut-être l’aboutissement d’un long travail. J’ai suivi le hip-hop pendant longtemps, c’était « hard ». Par la suite, j’ai choisi mon chemin, je suis parti dans d’autres pays chercher en me disant « pourquoi je suis dans ce monde là ? » « Pourquoi je suis musicien ? » « Pourquoi je chante ? » Quand j’ai trouvé la réponse, je me suis dit, voilà, c’est mon destin. Je dois y aller.

Et quand est-ce que Naby a commencé à chanter ?

Depuis le bas âge ! (il s’esclaffe et renvoie la question-ndlr) T’as chanté depuis le bas âge toi, n’est-ce pas ?

Le début de votre carrière musicale, nous voulons dire...

« La carrière ? Il y a dix ou treize ans de cela. J’ai commencé à Mbour avec un groupe qu’on a créé qui s’appelait « Peace & Peace ». J’étais avec un grand frère qui s’appelle Ely Ndiaye. Ça fait mal au cœur.... J’ai suivi mon chemin par la suite (il est gagné par l’émotion-ndlr)

Pourquoi tant d’émotion en parlant de Ely Ndiaye ?

(Il s’arrête un temps) Ce n’est pas qu’Ely, c’est tous ceux qui m’entourent. Le prix m’a été décerné et pas à mon frère. Si je sors dans la rue et qu’on me dit « Oui Naby, t’es le plus fort », je ne suis pas de ce genre.

Parlez-nous de votre groupe ?

Je suis avec ce groupe depuis deux ans. Depuis deux ans, on est ensemble parce qu’il y a une vérité qui est en moi et que je respecte. On travaille, on peaufine pour voir comment faire plaisir aux gens. C’est mon destin.

Au Sénégal, avez-vous un public qui s’accroche à ce que vous faîtes ?

C’est ce que je viens de dire tout à l’heure. Quand je pense dans la rue et qu’on me dit « bravo, t’as fait un joli truc ». Qu’est-ce que je fais, je leur en donne. Moi, je suis là pour donner ce que Dieu m’a donné...

Après cette distinction, peut-on s’attendre à quelques changements dans la vie de Naby ?

Je l’ai dit. Lorsque, pendant quinze ans, tu travailles et qu’on te donne par la suite un boulot, c’est beau. En plus, tu es rémunéré. On te donne l’occasion de sillonner ton continent, c’est beau tout ça pour moi. Je remercie la terre entière. Je remercie tout le monde pour ce qu’ils ont fait pour moi.

On vous surnomme aussi l’homme aux dread locks. Pourquoi ce look? ? vous vivez la philosophie « Baye Fall » ?

Avant tout, je suis né dans la religion musulmane. Je suis dedans et j’y reste. Maintenant, il y a des exemples comme Cheikh Ahmadou Bamba, il y a Seydou Nourou Tall -je fais parti de sa famille-, il y a les Layènes, les Niassènes. Moi je suis Baye Fall, mais on a tous la même voie avec l’évocation tous les jours de la grandeur de Dieu « La ilahi ilalah ». Qu’on soit Mouride, Niassène ou Layène, on prononcera toujours « La ilahi ilalah ». Maintenant Naby en tant que « Baye Fall », cela remonte à l’âge de quatre ans. Etant enfant à Pikine avec ma mère, quand je voyais venir les « Baye Fall », je prenais automatiquement le pilon dans la cuisine pour les imiter. C’était un gars très saint qui a voulu donner liberté, bonheur, compréhension de son prochain. Moi, je vis la philosophie « Baye Fall » à fond. Je suis très croyant. Mon nom déjà, c’est un fardeau. « Naby Ibrahima Khaliloulah », c’est fort ça...

Entretien réalisé par : Omar DIOUF, Massiga FAYE et Maguette NDONG