Les jeunes réalisateurs de « 24 heures Cinéma » qui rendaient hommage à Djibril Diop Mambety avaient réuni sur un même plateau Wasis Diop, compositeur, Patrice Gomis, compositeur, Ben Diogaye Beye, cinéaste, Oumou Sy, costumière, Samba Felix Ndiaye, cinéaste pour parler de « Musique de films ». C’était le 1er août 08 au Centre Culturel Blaise Senghor.
Les plus anciens d’entre nous se souviennent de « Mangala, fille des Indes » un film indien de 1952 réalisé par Mehboob Khan avec Lata Mangeshkar et Dilip Kumar. « Mangala, Fille Des Indes » s’inscrit dans la plus pure tradition des grandes épopées indiennes.
Une fresque qui se déroule à l’époque des Marahdjahs et qui raconte l’histoire d’amour entre une princesse austère et cruelle et un paysan séduisant. Un film dont les chansons, les danses ont marqué toute une génération. C’est dire que musique et film sont deux amants inséparables et que même du temps du muet, la musique accompagnait les images. Pour, le cinéaste documentariste Samba Félix Ndiaye l’une des plus grandes réussites de musique de film est celle de « Un ascenseur pour l’échafaud » de Louis Malle composée en 1957 par Miles Davis. Louis Malle confesse ceci « ...j’étais un cinglé de jazz...la musique d’Ascenseur est unique. C’est l’une des rares musiques de film qui ait été entièrement improvisée... Je passais les séquences sur lesquelles on voulait mettre de la musique, et il commençait à répéter avec ses musiciens ...le film en était métamorphosé... quand on a ajouté la musique, il a soudain décollé. » Pour Wasis Diop compositeur des musiques de « Hyènes » de « La vendeuse de soleil » de Djibril Diop Mambety, « Chaque film possède sa propre logique musicale. La musique occupe l’espace et réduit le temps. En salle de montage quand le réalisateur trouve une scène longue, il suffit parfois d’y apposer de la musique pour réduire l’espace temps. La musique est accompagnement, elle souligne une action ». Il y a un rythme musical dans chaque image de film. La musicalité des images, précise Ben Diogaye Beye réalisateur de « Un amour d’enfant » relève de la responsabilité du réalisateur et du directeur de la photo. Selon lui, il existerait la musique d’accompagnement d’image, la musique qui signifie et souligne. Il donne l’exemple des musiques de films de westerns avec les musiques de Ennio Moricone. La musique participe à la compréhension même du film. La musique crée un espace sonore.Comment travaillent les compositeurs de musique de film ? L’idéal pour Patrice Gomis auteur de musique de « L’Afrance » et « Andalousia » de Alain Gomis « Si on laisse au compositeur le temps d’intervenir sur un film c’est-à-dire l’associer dès le début du projet, la collaboration ne peut être que fructueuse mais si c’est dans l’urgence alors que le film est déjà tourné, il sera difficile au compositeur de faire un travail intéressant, un travail approfondi. Aujourd’hui avec la technologie, c’est plus facile de proposer une musique puisque dans les synthétiseurs, il existe des musiques pré-mâchées. Mais cela ne doit pas conduire à la facilité et pousser le réalisateur à ne pas s’entourer d’un compositeur. Il faut être exigent. » Wasis Diop par la proximité qu’il avait avec son frère Djibril Diop Mambety a écrit la musique de « Hyènes » à partir du scénario. Ce qu’il n’aime pas toujours faire. « Moi, dit il, j’aime rencontrer le réalisateur pour qu’il me raconte son film oralement. J’ai moins peur de me tromper. Un scénario, c’est assez sec avec des indications techniques. La lecture peut être ardue pour un homme de l’oralité comme moi. Pour parler de Hyènes, j‘ai essayé de vieillir le son car j’avais envie que le son reflète celui d’une époque révolue. J’ai trafiqué le son pour donner au film l’allure d’un film d’époque, celle d’un vieux film. La complicité est importante. Il faut savoir ouvrir son cœur et accepter que les autres vous aident. Il y a des films qui ont échoué parce que le réalisateur voulait tout faire. » Il se trouve parfois que des réalisateurs qui aiment une musique particulière veulent la voir figurer dans leur film alors que le compositeur cherche la logique de la musique qui va avec les images et le plus souvent le conflit naît de là. Ce que confirme Patrice Gomis qui dit que « Pour le réalisateur, il lui est difficile de léguer une parcelle de son pouvoir au compositeur de musique. Il arrive le plus souvent avec une musique en tête alors qu’il n’est pas musicien et sans savoir qu’une musique peut tuer une scène. » Ce qui est génial dans le cinéma américain, c’est l’efficacité ajoute Wasis Diop dont la musique est présente dans certains films américains. En Afrique, on a le sentiment que le réalisateur a peur qu’on lui vole son film. Le cinéma ne se fait pas tout seul. Il est un travail d’équipe. Le cinéma est un travail lourd. Il représente ce que l’opéra est pour la musique. Ce qui manque dans le cinéma d’aujourd’hui dit encore Samba Félix Ndiaye, c’est de s’entourer de personnes avec qui on est en connivence pour traduire un univers.
S’il est vrai, qu’on n’a jamais vu une musique sauver un film par contre un bon film peut être détruit par une mauvaise musique soulignent les compositeurs de musique de films. Le danger est du coté les éditeurs de musique qui imposent des musiques de films dans le but de vendre des cd. Conséquence : dans certains films, la musique écrase tout. Si le silence est musique. Il existe des films qui n’ont pas besoin de musique. Ca aussi il faut le savoir.
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