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[ Litterature ] " Trois femmes puissantes ", de Marie NDiaye : La Cause des femmes

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[ Litterature ] " Trois femmes puissantes ", de Marie NDiaye : La Cause des femmes

Norah, Fanta, Khady... Trois histoires entre France et Sénégal, trois combats... Un événement littéraire tant par le style que par la force du propos.

Elle est une écriture de soie froissée, précieuse et provocante, bâtissant un monde d’âmes murées. C’est son style. Elle hurle des chuchotements, elle chuchote des hurlements. La romancière Marie NDiaye compose une œuvre engagée sur une société désengagée. Lutte des classes, des origines, des âges, des sentiments. Affrontements entre riches et pauvres, parents et enfants. Ecrivain de la marginalité et de la normalité, de la bonté et de la cruauté. Elle dresse trois portraits de femmes. Elles ne sont rien socialement; elles sont tout humainement. Le malheur grignote leur peau sans réussir à atteindre leur noyau. Elles persistent et résistent sous une pluie de coups du sort.

Photo : Marie Ndiaye, Star incontestee de la rentree litteraire Trois histoires. Elles sont vaguement reliées entre elles par des noms, des oiseaux dans le ciel, des lieux, des errances folles. Premier récit : Norah habite la France. Elle se rend à Dakar à la demande de son père. Elle est une avocate de 38 ans. Il a besoin de son aide pour sortir son fils de prison. Deuxième récit: Rudy est de retour, dans le sud-ouest de la France, loin de l’Afrique où s’est déroulé un drame. Il a entraîné sa femme et son fils dans une existence calamiteuse. On perçoit la valeureuse Fanta, ancien professeur de français à Dakar, à travers les yeux de son mari malheureux de 43 ans. Troisième récit: Khady se retrouve, à la suite de la mort de son époux, sans ressources à Dakar. Elle décide de rejoindre sa cousine en France. Elle croise, sur sa route, un homme. Trois femmes puissantes est une réflexion sur les apparences du bien et du mal.

Elles subissent le mal mais ne le répandent pas

Aucun attribut de pouvoir. Elles sont étrangères et désargentées et femmes. Mais elles y vont. Obstinées et opiniâtres. Elles répondent à l’appel d’un père monstrueux d’égoïsme; elles quittent leur confort et suivent un époux inconséquent ; elles bravent les dangers pour se rendre en Europe. Elles subissent le mal mais ne le répandent pas. C’est toute la beauté du roman de Marie NDiaye: un feu intérieur brûle au cœur d’existences glaciales et glacées. Les lieux sont réalistes et magiques. La France et le Sénégal; le Sénégal et la France. Grand flamboyant dans lequel on passe la nuit, cris de corbeaux noir et blanc, rues calmes d’une province reculée. Tout est probable et improbable. La couleur verte grimpe le long d’existences où l’espoir est un leurre cruel. L’auteur de Rosie Carpe (Minuit, prix Femina 2001) raconte les arrière-cuisines des vies sans assise. Tout est à balles réelles. L’une des trois femmes meurt.

Les questions d’étrangeté et de singularité sont au centre des histoires de Marie NDiaye. On n’est pas comme les autres mais on veut une place comme les autres. Est-ce seulement possible ? La romancière oppose un style complexe à un monde sans complexes. Phrases longues, ciselées, subtiles contre une réalité simple, manichéenne, brutale. Elles veulent quoi, en fait, ces trois femmes ? Elles veulent une liberté arrachée aux hommes (et c’est la figure horrifiante du père), au morne (et c’est le marasme d’une vie de province), au sordide (et c’est la dépendance financière et affective).

Une subversion unique, douce et en douce

Marie NDiaye a été repérée par Jérôme Lindon, fondateur des éditions de Minuit, à l’âge de 17 ans. Elle est née en 1967 à Pithiviers d’un père sénégalais et d’une mère française (elle juge totalement ridicules ces précisions) et se révèle être l’une des plus importantes romancières actuelles. Tout y concourt. La vision, le style, la construction. Histoires et personnages. Elle manie une subversion unique, à la fois douce et en douce. Une manière avenante de dire des choses violentes. Et c’est aussi peut-être, avec Marie NDiaye, toujours la même histoire : une force à déployer non pas pour réussir, ça, ce n’est pas grand-chose, mais pour ne pas succomber au mal.

Trois femmes puissantes, de Marie NDiaye, Gallimard, 320 p., 19 euros.

leJDD.fr



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