
Après la stigmatisation et les conséquences souvent néfastes de la circulaire dite Guéant, les étudiants sénégalais de France devraient bien accueillir les propositions de la loi Guillot. Elles tendent à améliorer leurs conditions administratives de séjour et d’intégration professionnelle.
Une commission parlementaire française, dirigée par la sénatrice Dominique Guillot, s’est penchée sur les voies et moyens pour améliorer l’accueil, l’intérêt des universités françaises et l’intégration professionnelle des étudiants étrangers. Ses conclusions (modifications de 6 articles de la constitution française), apportent des points positifs pour les 11.000 inscriptions sénégalaises dans les universités et grandes écoles de France.
Malgré une hausse sensible du nombre d’étudiants étrangers accueillis, environ 230.000 en 2010-2011, soit une augmentation de près de 40 % en dix ans, la France est passée au quatrième rang mondial des pays d’accueil des étudiants étrangers. En guise d’exemple de ce recul, la France est désormais devancée par l’Australie qui a « mené une politique conquérante en assouplissant les critères d’octroi des visas au bénéfice des étudiants étrangers ».
Selon la commission, « ce retard s’explique par une forte hésitation entre la volonté d’accueillir les meilleurs éléments et l’obsession du « risque migratoire ». En effet, un dilemme cornélien a longtemps été au centre des occupations des autorités françaises entre la volonté de tirer le meilleur parti immédiat des étudiants étrangers et l’affirmation que « l’étudiant étranger a vocation à rentrer dans son pays d’origine sitôt sa formation terminée ». Le meilleur exemple de cette incongruité signalée dans le document conclusif de la commission comme « une politique brouillonne » est la circulaire du 31 mai 2011 appelée « circulaire Guéant-Bertrand ». Elle restreignait les possibilités d’embauche aux étudiants étrangers à la fin de leurs études.
Accueil et intégration
Conscients que les étudiants étrangers finissent par devenir, après leur séjour, les meilleurs ambassadeurs de la France, la commission s’est mise sur la roue de la circulaire du 31 mai 2012 qui avait abrogé celle en vigueur sous la présidence Sarkozy, exactement une année plus tôt. Ainsi, Dominique Guillot et 35 autres sénateurs proposent de favoriser « les conditions d’exercice des premières années d’expérience professionnelle en portant de six à douze mois la durée de l’autorisation provisoire de séjour (Aps), période pendant laquelle un étranger, immédiatement après l’obtention d’un diplôme d’un établissement d’enseignement supérieur français, peut chercher un emploi pour une première expérience professionnelle ».
La commission propose également que la carte de séjour « salarié » délivrée à ces jeunes diplômés étrangers soit désormais d’une durée de trois ans. Pour les récents diplômés étrangers, dont certains finissent souvent par devenir des sans papiers suite aux tracasseries administratives, la commission entend donner une acception large à la « première expérience professionnelle » qui, dorénavant, peut être exercée auprès d’un ou plusieurs employeurs. La législation française actuelle interdit aux étudiants sénégalais, entre autres, d’avoir plusieurs employeurs à leur première année professionnelle.
Les travaux de la commission ne se limitent pas simplement aux seuls étudiants diplômés. Elle compte apporter des modifications positives pour tout étudiant ayant atteint un niveau équivalent à la Licence. A ce stade, l’étudiant étranger « qui aura accompli une année d’études en France obtient un titre de séjour pluriannuel d’une durée de trois ans s’il prépare un diplôme équivalent à la Licence, de deux ans pour le Master, d’une durée de quatre ans pour un diplôme de Doctorat. Jusqu’ici, cette disposition était à la discrétion des services préfectoraux. Désormais, elle devient de plein droit ».
Pour éviter le choix souvent cornélien entre le pays d’origine et la France, il est prévu de créer un droit illimité au séjour en France pour tout diplômé d’un Doctorat obtenu en France, à qui la carte « compétences et talents » est délivrée sur sa demande. « Cette disposition a vocation à favoriser les échanges entre les pays d’origine et la France. Ceci permettra de développer une coopération économique continue, enrichissante, sans pillage des cerveaux des pays émergents », ont argumenté les participants aux travaux.
Bocar DIALLO, président des étudiants et stagiaires sénégalais en France : « Nous n’avons pas été associés aux travaux de la commission »
Si une grande partie des recommandations requiert son assentiment, Ousmane Bocar Diallo, président de la Fédération des étudiants et stagiaires sénégalais en France, émet quelques critiques. « Je trouve dommage que nous n’ayons pas été associés aux travaux de la commission, a-t-il, d’emblée, regretté ». Il pense possible d’apporter des améliorations sur trois points. « D’abord, sur le tarif justificatif des ressources qui fait partie du dossier déposé aux préfectures par les étudiants étrangers pour le renouvellement de séjour. Il est de 610 euros en moyenne, alors que l’échelon des bourses étrangères est de 522 euros. Une somme qui est de 373 euros pour les étudiants sénégalais » vivant à Paris et près de 300 euros pour ceux qui sont en province.
Les critiques du président de la Fessef concernent également les frais obligatoires évalués à 1.200 euros et que doivent payer toutes entreprises désirant embaucher un jeune diplômé étranger pour un changement de statut d’étudiant à salarié. « C’est une réticence supplémentaire pour les employeurs à faire appel aux diplômés étrangers », a constaté Ousmane Bocar Diallo. Il a indexé aussi « l’oubli d’un guichet unique » qui simplifie les démarches de renouvellement de titre de séjour étudiant. « Pour l’acquisition de ce papier, un sondage informe qu’un étudiant étranger peut rater jusqu’à une semaine de cours ».
La proposition de loi à l’attractivité universitaire de la France a été enregistrée, en février, à la présidence du Sénat. Le gouvernement français a programmé un débat sans vote à l’Assemblée nationale, le 17 avril, avant un ultime retour au Sénat, le 24 avril prochain.
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