Les États-Unis ont accusé vendredi la Chine et la Russie d'avoir «accéléré» leur coopération en matière de «propagande» et de «désinformation» à la faveur du nouveau coronavirus, dans une nouvelle escalade de la guerre des mots sino-américaine sur l'origine de la pandémie.
«Avant la crise liée au Covid-19, nous avions déjà constaté un certain niveau de coordination entre la Russie et la République populaire de Chine en matière de propagande», a déclaré Lea Gabrielle, coordinatrice du centre du département d'État américain chargé d'analyser et contrer la propagande étrangère. «Mais avec cette pandémie, la coopération s'est rapidement accélérée», a-t-elle ajouté lors d'une conférence téléphonique avec des journalistes. Selon elle, cette «convergence est le résultat du pragmatisme des deux acteurs, qui veulent modeler la lecture de la pandémie de Covid par l'opinion dans leur propre intérêt».
Fin mars, alors que le président américain Donald Trump et son homologue chinois Xi Jinping avaient conclu une trêve informelle dans la guerre des mots entre les deux grandes puissances sur l'origine de la maladie, Washington s'était félicité de voir la Chine ne plus propager de théories complotistes sur internet au sujet d'une implication américaine. Mais la trêve a rapidement volé en éclats.
«Sale jeu politique»
L'administration Trump accuse les autorités chinoises d'avoir tardé à alerter le monde sur l'épidémie, et d'en avoir dissimulé l'ampleur. Et donc d'être «responsables» de sa propagation planétaire, de la mort de centaines de milliers de personnes, et de l'actuelle crise économique sans précédent.
Pire, le président américain et son secrétaire d'État, Mike Pompeo, soupçonnent désormais ouvertement Pékin d'avoir caché un accident de laboratoire qui aurait été à l'origine de la pandémie. Le chef de la diplomatie américaine a assuré disposer de «preuves immenses» montrant que le virus, d'origine naturelle, provenait d'un laboratoire de la ville chinoise de Wuhan, tout en reconnaissant ne pas en avoir la «certitude». Mais il n'a dévoilé aucun de ces éléments, et cette thèse, qui n'a pas été confirmée publiquement par le renseignement américain, ne repose donc à ce stade que sur ces soupçons.
Désinformation, a répliqué la diplomatie chinoise: Mike Pompeo «ne peut pas présenter de preuves», «parce qu'il n'en a aucune». «Derrière l'état d'esprit «accusez toujours la Chine» se cache un sale jeu politique, porté par une poignée de personnes qui détournent l'attention par intérêt politique», a même protesté l'ambassadeur chinois à Washington Cui Tiankai dans une tribune dans le Washington Post. «Dans leur manipulation, la Chine doit forcément avoir tort.»
Comptes Twitter «non authentiques»
De son côté, le président russe Vladimir Poutine a dénoncé vendredi, dans un appel téléphonique avec Xi Jinping, «les tentatives par certaines forces d'utiliser l'épidémie comme prétexte pour accuser la Chine», selon le compte-rendu de l'agence de presse officielle Chine Nouvelle. La Russie «soutiendra fermement la Chine», a-t-il ajouté.
Or, le département d'Etat américain estime que Pékin a de nouveau intensifié sa «campagne de désinformation agressive», pour défendre la gestion chinoise de l'épidémie et critiquer les États-Unis.
Selon Lea Gabrielle, les autorités chinoises «s'adaptent en temps réel et utilisent de plus en plus des techniques employées depuis longtemps par Moscou», «pour semer la confusion et tenter de convaincre les gens que le Covid n'est pas né en Chine». «Nous constatons que le Parti communiste chinois adopte des tactiques russes», car «il estime que ça marche», a-t-elle insisté.
En cause, ces mêmes «techniques» employées, selon le renseignement américain, par la Russie pour s'ingérer dans la présidentielle américaine de 2016 pour favoriser Donald Trump. La diplomate décrit un recours fortement accru par Pékin à «des logiciels pour développer ses thèses sur les réseaux sociaux», avec un nouveau réseau «artificiel» de «comptes Twitter non authentiques créés dans le but d'amplifier la propagande et la désinformation chinoise».
Le phénomène avait déjà été relevé par Washington à l'occasion des manifestations pro-démocratie à Hong Kong, mais s'est depuis renforcé, a-t-elle dit.
«De nombreux comptes Twitter de diplomates chinois ont enregistré une hausse majeure de nouveaux abonnés depuis mars», une tendance qui s'est accélérée jusqu'en mai, a encore expliqué Lea Gabrielle. Le nombre de nouveaux abonnés récemment créés est passé, pour ces comptes du ministère chinois des Affaires étrangères, de ses porte-paroles ou de ses ambassades, de 30 par jour en moyenne auparavant à plus de 720 par jour, a-t-elle détaillé, jugeant le lien avec le Parti communiste chinois «hautement probable».
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