
La Gambienne, choisie par la Cour pénale internationale (CPI) ce lundi, est la première femme africaine à occuper ce poste central dans le fonctionnement de l'instance de justice internationale.
Candidate unique à la succession de l'Argentin Luis Moreno-Ocampo, la Gambienne Fatou Bensouda a été élue procureure de la Cour pénale internationale (CPI) ce lundi. Fait inédit, sa nomination est la première d'une femme africaine à ce poste central de l'institution née en 2002.
Musulmane pratiquante et mère de deux garçons, sa vie professionnelle s'est faite entre le public et le privé. Un diplôme de droit obtenu au Nigéria puis un master de droit maritime en poche, elle a notamment exercé les activités d'avocate, de procureur et de banquière en Gambie, son pays natal. Entre temps, elle effectue un passage en tant que ministre de la Justice sous Yahya Jammeh, de 1998 à 2000.
En 2002, elle devient conseillère juridique puis substitut du procureur au Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) en Tanzanie. Mais c'est en août 2004 qu'elle rentre à la CPI en devenant adjointe du procureur argentin Luis Moreno-Ocampo.
La CPI et l'Afrique
En devenant procureure de la CPI, Fatou Bensouda sera confrontée à de lourdes responsabilités face aux attentes de sa candidature et aux pressions politiques qui s'exercent régulièrement sur l'instance.
Je travaille pour les victimes d'Afrique
La Cour est parfois critiquée pour son manque d'ouverture, ayant jusqu'à maintenant lancé uniquement des poursuites contre des dirigeants africains. De fait, les sept enquêtes ouvertes depuis 2003 concernent toutes des pays africains: Ouganda, République démocratique du Congo (RDC), République centrafricaine, Soudan (Darfour), Kenya, Libye et Côte d'Ivoire.
A cela, Fatou Bensouda répond qu'elle "ne pense pas aux dirigeants que nous poursuivons". Et d'ajouter qu'elle travaille "pour les victimes d'Afrique, elles sont africaines comme moi, voilà d'où je tire ma fierté et mon inspiration".
Mais la politisation de la CPI est une réalité avec laquelle la nouvelle procureure devra composer. Richard Dicker, directeur du programme "Justice internationale" à l'ONG Human Rights Watch, juge que la jeune CPI "a pris une envergure nouvelle sur la scène internationale" en dix ans. "Si certains gouvernements reconnaissent [son] rôle dans les crises et conflits, d'autres ont tenté d'utiliser la Cour [...] à des fins politiques", précise-t-il.
Face aux pressions politiques
Le risque pour Fatou Bensouda serait que son image d'"africaine" joue contre elle. Selon Stephen Lamony de l'ONG Coalition pour la Cour pénale internationale, la procureur fraîchement élue pourrait "affronter divers types de pressions". Certains pays africains ont ainsi tenté de pousser le Conseil de sécurité de l'ONU à suspendre les poursuites contre Omar el-Béchir. Le président soudanais est actuellement sous le coup d'un mandat d'arrêt de la CPI pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité au Darfour.
La pression vient aussi d'acteurs majeurs -Etats-Unis, Chine et Russie- qui, bien que ne faisant pas partie de la CPI, tentent à leur manière d'influencer son travail en fonction de leurs propres intérêts.
Mais Fatou Bensouda veut croire que son origine africaine sera un atout. Christian Wenaweser, ambassadeur du Liechtenstein à l'ONU et président de l'Assemblée des Etats-parties de la CPI, estime que l'origine africaine de Bensouda aura un "impact politique", notamment dans ses efforts pour inciter les gouvernements à coopérer avec elle lorsque leurs dirigeants sont mis en cause. Il s'agit pour la nouvelle procureure de "devoir trouver le juste équilibre", ajoute-t-il.
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