Fébrilité avant la diffusion du patrimoine des ministres
Par: Reuters - Reuters | 15 avril, 2013 à 13:04:47 | Lu 8699 Fois | 0 Commentaires
Fébrilité avant la diffusion du patrimoine des ministres
Les 37 membres du gouvernement publient ce lundi l'état de leur
patrimoine, un geste de transparence qui risque de jeter une lumière
crue sur le train de vie, parfois très confortable, des ministres de
Jean-Marc Ayrault, en pleine crise économique.
Les déclarations devraient être disponibles en fin d'après-midi
sur le site www.gouvernement.fr, une mesure annoncée pour tenter
d'éteindre l'incendie allumé par l'affaire Jérôme Cahuzac, l'ancien
ministre du Budget qui a avoué détenir depuis 20 ans un compte
clandestin à l'étranger.
Une dizaine de ministres ont pris les devants en présentant leur
patrimoine par avance comme Arnaud Montebourg (Redressement productif),
Marie-Arlette Carlotti (Exclusion), Cécile Duflot (Logement) et Pascal
Canfin (Développement).
Ces derniers ont révélé un patrimoine plutôt modeste, à la
différence de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, qui dit payer
l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF), une taxe qui incombe aux
contribuables dotés d'un patrimoine net taxable d'une valeur de plus
d'1,3 million d'euros.
C'est également le cas de sa collègue déléguée aux Personnes
âgées, Michèle Delaunay, qui révèle lundi dans Sud-Ouest un patrimoine
important.
"Avec 5,4 millions d'euros, la Girondine Michèle Delaunay devrait
figurer dans le top cinq des membres du gouvernement les plus riches.
Et peut-être même sur le podium", écrit le journal sur son site
internet.
Dans un entretien, l'intéressée confie vivre cette publication comme "une épreuve".
"C'est un patrimoine très important. Et difficilement
compréhensible de la majorité des Français qui sont dans la difficulté",
dit Michèle Delaunay. "L'opposition ne va pas manquer de s'engouffrer
dans l'image de la socialiste riche".
"JETÉS EN PÂTURE"
Selon le Journal du dimanche (JDD), le chef de la diplomatie, Laurent Fabius, serait le ministre le plus riche.
Son collègue de l'Economie Pierre Moscovici a temporisé,
expliquant sur France Inter qu'il était locataire à Paris et que son
patrimoine serait bien différent s'il avait fait le choix "il y a 30
ans" d'être propriétaire dans la capitale.
Cette opération transparence fait débat dans un pays où l'argent
reste tabou, la France étant jusqu'ici le seul d'Europe avec la Slovénie
à ne pas publier le patrimoine de ses élus.
L'exécutif socialiste doit d'ailleurs faire face à la fronde des
parlementaires de tous bords qui refusent d'être "jetés en pâture" par
la loi sur la moralisation de la vie politique qui devrait voir le jour
avant l'été.
Le ministre des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, a
précisé que les feuilles d'impôts des ministres ne seraient pas publiées
et que cela ne figurerait pas dans le futur projet de loi. Le Premier
ministre s'était pourtant déclaré favorable à cette démarche la semaine
dernière.
Selon un sondage Ifop pour le JDD, 63% des Français jugent
nécessaire la publication du patrimoine des hommes politiques, même si
70% auraient pour première réaction "l'indifférence" s'ils apprenaient
que le patrimoine d'un élu était élevé.
ÊTRE RICHE ET DE GAUCHE
Malgré cette relative modération de l'opinion, les derniers commentaires témoignent de la fébrilité de la classe politique.
"C'est une société de la suspicion qu'on nous prépare, une société du
soupçon, une société de la présomption de culpabilité, une société de
la jalousie, de l'envie, ce qu'il y a de plus détestable", a prédit sur
France 2 le député UMP Henri Guaino.
Le président de l'UMP, Jean-François Copé, a crié au "voyeurisme"
sur BFM-TV, dénonçant "un spectacle qui n'a plus rien à voir avec les
attentes des Français, une espèce d'écran de fumée qui a été inventé par
François Hollande pour essayer de faire oublier le désastre de
l'affaire Cahuzac".
"Pauvre France. On va créer une échelle de Richter des élus les
plus riches", a renchéri l'ancien ministre, qui a refusé de publier son
patrimoine tant que la loi ne l'y obligera pas.
L'ancien Premier ministre Alain Juppé dénonce sur son blog une
"excitation malsaine" avant un "déballage grotesque", décidé selon lui
"non par vertu mais pour céder à la pression politico-médiatique".
Le ministre de l'Agriculture, Stéphane Le Foll, juge au contraire
nécessaire de "montrer qu'il n'y a rien à cacher ni pour les uns ni
pour les autres".
L'écologiste Eva Joly ne voit, elle, aucune incompatibilité entre le fait d'être riche, ministre et de gauche.
"Bien sûr qu'on peut être riche et de gauche! Etre de gauche,
c'est une position philosophique, une conception de la société",
a-t-elle dit sur Europe 1. "Avoir des moyens donne aussi des moyens
d'agir sur le monde, ce n'est pas incompatible. Riche et ministre,
aussi".
Avec Marine Pennetier et Claude Canellas, édité par Yves Clarisse
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