Obama a pris fermement les commandes de l'opération humanitaire, au risque de tensions diplomatiques.
Consciente de « ses responsabilités » de voisin immédiat et de superpuissance, bien décidée à mettre ses immenses ressources logistiques et économiques au service d’Haïti, l’Amérique a pris résolument les commandes de la gigantesque opération humanitaire qui se met tant bien que mal en place pour sauver des vies et distribuer eau, vivres et soins médicaux en urgence.
Sur le terrain, au risque de porter la responsabilité des ratés et de susciter d’inévitables critiques et frustrations, les militaires américains ont pris le contrôle de l’aéroport de Port-au-Prince, pour tenter d’identifier les besoins prioritaires et organiser le difficile ballet des avions-cargos qui doivent s’y poser sur une piste minuscule et unique.
Ils disposent actuellement de 1 000 hommes sur le terrain, auxquels devraient s’ajouter dès lundi plusieurs milliers d’hommes de la 82e division aéroportée. Ils seront chargés notamment de la sécurité et de la réparation des routes et des ports, dont la destruction bloque dramatiquement l’arrivée des vivres et des équipes de sauvetage. Dimanche soir, le président Obama a en outre ordonné la mobilisation de réservistes.
À Washington, malgré les soucis que suscitent les derniers débats sur la réforme de la santé et la crainte de voir le siège du défunt sénateur du Massachusetts Ted Kennedy basculer dans l’escarcelle républicaine ce mardi lors d’une élection partielle, toute la direction politique est mobilisée sur le dossier haïtien.
Barack Obama tient réunion de crise sur réunion de crise à la Maison-Blanche avec les responsables des grands ministères et des grandes agences. Décidée à montrer symboliquement le soutien du pays, la secrétaire d’État Hillary Clinton a fait un aller-retour sur Port-au-Prince samedi, apportant avec elle des tonnes de provisions, d’eau et de médicaments. Bill Clinton, émissaire particulier de l’ONU pour Haïti est pour sa part attendu ce lundi.
« Une humanité commune »
Même George W. Bush, qui s’était tenu loin des feux de la rampe politique depuis l’élection de son successeur, a répondu à l’appel de ce dernier pour prendre, avec l’ancien président Bill Clinton, la tête d’un fonds privé destiné à mobiliser des fonds pour Haïti et à assurer leur gestion à court, moyen et long terme. « Nous avons une chance de montrer notre humanité commune », a expliqué le président Obama dans le jardin aux roses de la Maison-Blanche, ses deux prédécesseurs debout à ses côtés. Tels sont les objectifs qu’Obama, Clinton et Bush disent avoir en tête. Sauver des vies, soigner, nourrir puis reconstruire le pays à long terme.
« Homme global » qui n’a cessé depuis le début de son mandat d’insister sur les défis communs qui doivent pousser la communauté internationale à faire front et révolutionner la notion même de politique étrangère, le chef de l’État américain voit dans cette crise majeure, l’occasion d’un rapprochement entre nations et d’un rassemblement national à l’intérieur des États-Unis. « Les États-Unis seront là pour les Haïtiens, aujourd’hui, demain et à l’avenir », a déclaré Hillary Clinton lors de sa brève visite sur l’île samedi. « Nous devons briser les chaînes de l’histoire » d’Haïti en profitant de cette catastrophe pour « construire un État moderne et fort », a renchéri son mari.
Pour l’heure, la plus grande difficulté est d’établir des priorités entre toutes les folles urgences qui s’imposent aux équipes de coordination déployées sur place. À cet égard, les militaires américains ont dû essuyer la colère de Français et de Franco-Haïtiens qui devaient être évacués vers la Guadeloupe vendredi, mais dont l’avion a été interdit d’atterrir. « Ils rapatrient les Américains et les autres, rien. Le monopole américain, faut que ça cesse, envahissons la piste », s’énervait un certain Charles Misteder, 50 ans. « Faut en parler à Obama », criait un autre.
« Un problème de discernement »
Cette gestion américaine de l’aéroport a même créé des tensions diplomatiques, après le refoulement vers la République dominicaine d’un avion français qui apportait à son bord un hôpital, même si l’affaire a été minimisée à Paris. « Il y a un problème de coordination et de discernement », avait réagi Alain Joyandet, le secrétaire d’État à la Coopération présent sur place. « Problème » reconnu par l’ambassadeur américain Kenneth Mertens, qui soulignait toutefois l’action positive des militaires américains qui ont été capables de remettre en état la tour de contrôle de l’aéroport en un temps record.
Au-delà de l’incident, la question des arbitrages apparaît centrale et délicate, confirmait dimanche dans une interview à CNN le directeur de l’agence USAID, Rajiv Shah. Vu le nombre limité d’infrastructures disponibles pour l’atterrissage des avions et le déploiement de l’aide, la difficulté est de trouver « le bon équilibre » entre l’envoi d’équipes de secours pour continuer à rechercher d’éventuels survivants et l’envoi d’eau, de vivres et matériel logistique. Le statut mal défini des prérogatives des militaires américains déployés sur place pour assurer la sécurité, alors que la violence et les pillages semblent gagner en ampleur, pourrait aussi poser problème.
Source : LeFigaro.fr
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