Interviewé par Jeune Afrique: Obiang Nguéma révèle avoir "aidé" le Président Wade

« De plus en plus de chefs d’Etat africains viennent vous rendre visite à Malabo. Que veulent-ils ? De l’argent ? ». La question de François Soudan a semblé importuner le Président Nguéma. Mais après avoir insisté, François Soudan a eu sa réponse : « on nous a toujours rendu visite même si, c’est vrai, la cadence s’est un peu accélérée ces derniers temps. Mais vous caricaturez. Ce n’est que lorsqu’une situation de crise frappe un pays frère, que nous intervenons ». Le journaliste insiste : « Par exemple ? ». Réponse de Nguéma : « Par exemple, j’ai reçu, il y a peu la visite du président zimbabwéen Robert Mugabe. Vous savez que le Zimbabwe nous a beaucoup aidés lors de l’agression des mercenaires en mars 2004. Ce pays est aujourd’hui dans une situation très difficile du fait des sanctions. Il était donc normal que nous l’aidions avec des cargaisons de pétrole. ». François Soudan ne lâche pas le morceau. Il persiste sur cette ligne : « Qui d’autre avez-vous aidé récemment ? ». Nguéma d’avouer : « vous me gênez un peu. Disons, le président Wade, du Sénégal, lorsqu’il est venu ici après ma visite à Dakar.... ». Le journaliste n’a pas tout transcrit puisque la réponse du Président de la Guinée Bissao est suivie de trois de suspension.

Mais qu’est ce qui s’est donc passé entre temps pour qu’Obiang lâche un secret qui aurait dû, à ce niveau de tractations, rester entre les deux hommes ? S’agit-il simplement d’une réponse sans arrière-pensées ou d’une manière sournoise d’attaquer le Président Wade ? Quelle est la nature de l’aide apportée au Président Wade par Nguéma ? Est-ce un cadeau pour lui ou un don pour le Sénégal ? Mystère et boule de gomme.

En tout cas, le Président Nguéma et Me Abdoulaye Wade se sont connus alors que ce dernier n’était pas encore chef d’Etat. Après l’accession de Wade à la Magistrature suprême, les portes du Palais de la Guinée équatoriale se sont largement ouvertes pour lui, sa famille et ses proches. D’ailleurs Pierre Goudiaby Atépa, conseiller du Président Wade a eu à bénéficier des rapports de confiance et d’estime qui existaient (existent toujours ?) entre Wade et Nguéma.

Mais dernièrement, un léger froid a été constaté dans les relations entre les deux hommes suite à l’accusation portée par Malabo contre l’homme d’affaires britanico-libanais, Ely Calil d’être l’un des sponsors de la tentative de coup d’Etat contre le régime du président Theodoro Obiang Nguema en mars 2004. Ely Calil étant un conseiller de Wade de surcroît proche de Karim Wade, Malabo avait vite fait de cibler le Sénégal. Ely Calil avait à son tour, déposé plainte contre Obiang à Beyrouth, réclamant 5,5 millions de livres sterling (près de 5 milliards et demi de francs Cfa) à Obiang pour "fausses accusations".

Mark Thatcher, (fils de Margaret Thatcher ex-premier ministre d’Angleterre), soupçonné d’être le cerveau du coup d’Etat qu’il aurait financé à hauteur de 230.000 euros avait été placé sous contrôle judiciaire en Afrique du Sud puis libéré, après le versement d’une caution de 300000 dollars).

Mais depuis les choses semblaient s’arranger entre Malabo et Dakar. Et le Président Obiang s’était rendu à Paris le 16 mai dernier, pour assister à la remise du Prix Félix Houphouët Boigny au Président Wade, au siège de l’Unesco.

La Guinée équatoriale est une économie qui est devenue très prospère ces dernières années. Troisième producteur de pétrole de l’Afrique sub-saharienne, avec un taux de croissance à deux chiffres au cours de cinq premières années de la décennie, il est l’objet de beaucoup de convoitises aussi bien sur le continent qu’à l’étranger.