Le président égyptien Abdel Fattah al Sissi entame lundi une visite d’Etat en France qui souligne les liens étroits unissant Paris et Le Caire, malgré l’embarras suscité par les controverses liées à la question des droits de l’homme.
Arrivé dimanche après-midi à Paris, le chef de l’Etat égyptien sera accueilli officiellement en milieu de matinée lors d’une cérémonie aux Invalides, qui sera suivie d’un entretien à l’Elysée avec Emmanuel Macron.
La France et l’Egypte, qui partagent les mêmes inquiétudes face au vide politique en Libye, à l’instabilité dans la région nord-africaine et proche-orientale et à la menace des groupes djihadistes en Egypte, ont renforcé leur coopération commerciale et militaire depuis l’accession au pouvoir de Sissi consécutive au renversement du président islamiste Mohamed Morsi en 2013.
Mais les organisations de défense des droits de l’homme accusent le président français de fermer les yeux sur la répression de toute dissidence en Egypte, qui s’est durcie ces dernières semaines, en pleine période de transition aux Etats-Unis.
Ces accusations sont rejetées par les responsables français, qui défendent une politique consistant à ne pas critiquer ouvertement les pays sur les droits de l’homme afin d’être plus efficaces en privé, au cas par cas.
En novembre, le gouvernement français a critiqué l’arrestation de membres d’une organisation de défense des droits de l’homme, l’Initiative égyptienne pour les droits de la personne (EIPR), qui avaient organisé un briefing avec des diplomates.
“Le président (...) va évidemment continuer à s’exprimer sur ce sujet”, a déclaré à la presse un responsable de l’Elysée, ajoutant que Paris avait vu un “signal positif” dans la libération des responsables de l’EIPR quelques heures avant l’arrivée du président égyptien en France.
“Il s’agit d’un partenariat en faveur de la stabilité de la région.”
LES CONTRATS SE TARISSENT
La relation entre les deux pays a été également ébranlée le mois dernier par la controverse sur les caricatures de Mahomet après l’assassinat en France de Samuel Paty et le discours d’Emmanuel Macron revendiquant le droit au blasphème, qui a provoqué des remous en Egypte.
“Cela ternit l’image de la France aux yeux de l’Egypte et dans la région, surtout lorsque Macron s’élève contre la violence et l’extrémisme en France et fait ensuite de longues déclarations sur les valeurs”, explique Amr Magdi, chercheur à Human Right Watch. “Mais lorsqu’il est mis à l’épreuve en Egypte et dans la région, il se range du côté des oppresseurs et non pas du côté des valeurs qu’il dit défendre.”
Entre 2013 et 2017, la France a été le principal fournisseur d’armes de l’Egypte. Ces contrats se sont taris, y compris certains, sur des commandes supplémentaires d’avions Rafale ou de navires de guerre, qui en étaient à un stade avancé de discussions. Les diplomates affirment que cela est autant lié à des questions de financement qu’à la réponse de la France aux préoccupations liées aux droits de l’homme.
Publié le 18 novembre dernier, le rapport parlementaire Maire-Tabarot prônant le renforcement des contrôles sur les ventes d’armes à l’étranger - un système particulièrement opaque en France - a mis en évidence des accords avec l’Egypte. Le rapport indiquait qu’une partie du matériel vendu avait été utilisé à des fins de répression.
Le site d'investigation Disclose publie ce lundi une note here classifiée du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), un service directement rattaché à Matignon, qui souligne son hostilité à ces recommandations parlementaires, qui, selon lui, auraient un impact négatif sur la défense nationale et l'exportation d'armes dans son ensemble si elles étaient mises en oeuvre.
version française Camille Raynaud et Jean-Stéphane Brosse, édité par Henri-Pierre André
0 Commentaires
Participer à la Discussion